«De la sueur, du poil et de la testostérone»
Le photographe gay français Marc Martin est de retour avec un nouveau livre de photos, So what?!, portrait intime et empouvoirant d'un jeune boxeur gay et trans croisé à Berlin, qui envoie les préjugés au tapis.
On connaissait ses virées dans les pissotières (Les tasses. Toilettes publiques – toilettes privées), sur les chantiers (Dur labeur), et ses escapades avec le modèle sculptural mais hétéro Mathis Chevalier (Tomber des nu(e)s). Le photographe français Marc Martin nous revient avec un nouvel opus inattendu: So what?!, portrait résolu et homoérotique d’un garçon trans: Jona James, homo berlinois, boxeur amateur, en lutte contre les préjugés sur lesquels butent les hommes trans dans la communauté gay.
Chose peu commune: c’est le modèle qui est venu au photographe. «J’avais l’impression qu’il y avait un angle mort dans son travail jusqu’ici: la masculinité trans. J’ai donc tenté ma chance auprès de lui», explique Jona James, qui connaissait déjà bien l’univers de Marc Martin. «Résultat: ça a fonctionné à merveille entre lui et moi et nous avons tous les deux évolué à travers ce travail.» Même enthousiasme chez Marc Martin: «Ce qui m’a attiré chez lui, c’est sa manière de sourire malgré toute la haine ambiante et les relents nauséabonds de notre époque. Sa joie de vivre avec son allure de bad boy sexy, pour moi, c’est le plus beau pied de nez à la transphobie: Jona est bien dans sa peau. Et qu’est-ce que c’est excitant!» commente le photographe.
Faire bander même les plus récalcitrants
Aucune raison pour lui de faire de Jona un modèle à part. Cette série de photographies «s’inscrit dans la lignée de mon travail sur la masculinité. Avec le même traitement, sans cache sexe, avec des photos crues», souligne Marc Martin. «Il y a donc de la sueur, du poil et de la testostérone dans So what?! Et Jona est fier à l’idée de faire bander même les mecs plus récalcitrants.» Le photographe ne s’attarde pas sur sa mastectomie, pas plus que sur ce qu’il a entre les jambes. C’est une histoire de splendeur, de sensualité et de boxe (avec Mathis Chevalier, modèle fétiche de l’artiste, en special guest sur le ring).
«Certains commentaires provenant de la sphère gay ressemblaient à ceux prononcés par les conservateurs les plus acharnés»
Ce n’est pas du goût de tout le monde, en tout cas d’une partie de l’audience de Marc Martin. Il dit perdre des abonnés sur Instagram à chaque fois qu’il publie une photo du jeune homme. Cela ne l’a pas découragé. Au contraire, ça l’a galvanisé: «Quand j’ai senti qu’une partie de mes followers n’étaient pas prêts à accueillir une masculinité plurielle, ni à la concevoir dans son champ de vision comme étant de la même famille qu’elle, j’ai enfoncé le clou. J’ai continué à publier des photos de Jona. Certains commentaires provenant de la sphère gay ressemblaient à ceux prononcés par les conservateurs les plus acharnés. J’ai ressenti ça comme une sorte de traîtrise, une injustice. Et c’est là que l’enjeu de So what?! est devenu politique autant qu’érotique. »
Le livre de photos est accompagné d’un long texte de Jona sur sa transidentité. Poignant et politique. Avec ce projet, Jona veut mettre «le pied dans la porte de la communauté gay», comme il l’explique. C’est un cri d’existence. Et un souhait: «Donner aux personnes trans le courage et la force de poursuivre leur combat et de prendre conscience de leur valeur et de leur beauté.»
* L’autrice de cet article signe la préface du livre