«Il suffit d’un petit geste pour faire vaciller toute la masculinité»
Cette année, Les Printemps de Sévelin s'ouvrent sur Atlas Da Boca, pétulant duo pour deux corps trans* de la chorégraphe et danseuse brésilienne Gaya de Medeiros. Interview.
Votre performance, Atlas Da Boca, tourne autour de la bouche. Que vous inspire cette partie du corps humain?
Quand j’étais adolescente, j’étais incapable de m’exprimer avec des mots. J’étais silencieuse la plupart du temps. Je me sentais inintéressante, n’ayant rien à dire ni à montrer aux autres. Et puis quand j’ai fait mon affirmation de genre, j’ai eu l’impression d’avoir alors enfin une bouche. Et une subjectivité. Je pouvais parler de qui j’étais, de ma façon de voir le monde. C’était comme si tout d’un coup j’étais libre, comme si je n’avais plus rien à perdre, parce que quand on est un homme, on a beaucoup à perdre. Il suffit d’un petit geste, d’une petite action pour faire vaciller toute la masculinité. Dans cette nouvelle version de moi-même, c’était comme si j’avais payé mes factures et n’avais plus à m’excuser de quoi que ce soit.
Sur scène, vous avez pour partenaire Ary Zara, un homme trans. D’où est née cette collaboration entre deux artistes, entre deux corps trans*?
Nous nous sommes rencontré·e·s il y a des années dans un club LGBTIQ* de Lisbonne, où je me produisais en tant que drag queen. Ary était l’ingé lumière du club. On a d’abord flirté ce soir-là mais c’est là qu’est née notre amitié. Peu après, il m’a donné un rôle dans un court-métrage qu’il réalisait. C’était la première fois que je jouais. Aujourd’hui, c’est moi qui le met au défi.
Comment êtes-vous venue à la danse?
J’ai commencé à danser vers l’âge de 16 ans, à l’église de mon quartier. La messe était rythmée par les chants et les danses. Nous dansions pour dieu, c’était très intense. À 18 ans, j’ai commencé à prendre des cours de danse moderne au sein d’une compagnie brésilienne.
Il y a aujourd’hui toujours plus de spectacles qui tournent autour du genre, des questions LGBTIQ*. Qu’en pensez-vous?
Il m’arrive de me sentir très fatiguée de voir beaucoup de choses sur le genre, sur l’identité, parce que, la plupart du temps, je vois toujours la même chose, le même point de vue, les mêmes récits douloureux. Des récits négatifs sur le genre, sur le fait d’être trans*. Or, ce qui m’a permis d’affirmer mon genre, c’est l’euphorie d’être qui je suis. J’ai eu le courage d’être enfin moi-même à 29 ans et cela m’a apporté énormément de joie.
Ode aux raves, pole dance et battle de hip-hop…
À l’affiche de la 26e édition des Printemps de Sévelin, onze spectacles de danse contemporaine d’ici et d’ailleurs. Outre Atlas da Boca (les 27 et 28 février), on y découvrira du pole dance (David Zagari avec Le Piquet le 5 et le 6 mars), une ode aux raves (Baptiste Cazaux avec Gimme a Break!!!, aux mêmes dates), une réflexion sur la mort (Clara Delorme, Le Repos, les 13, 14 et 15 mars) et sur la musicalité du corps (Sofia Mavragani, Patagos, le 29 février et le 1er mars). Et cette année encore, le festival lausannois accueillera une battle de hip-hop, le 2 mars, dont l’entrée est libre et gratuite.