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Pierre Passebon: l’homme nu comme muse

Pierre Passebon: l’homme nu comme muse
@Maxime Champion

Fasciné par la nudité masculine, Pierre Passebon signe «Obsession Masculin» aux éditions Flammarion. Un livre d’archives unique qui rend hommage à la collection artistique de cet esthète amoureux.

Pierre Passebon est un habitué des salles d’enchères depuis le plus jeune âge: il a commencé à acheter des œuvres d’art dans les années 70, à 17 ans à peine. Il ne saurait pas pour autant désigner le moment où il a entrepris sa grande collection de nu masculin. «J’ai toujours eu un attrait pour les représentations de l’homme nu. Mais on ne se dit pas tout de suite qu’on collectionne: c’est avec le temps qu’on forge son œil, qu’on tire un fil conducteur. Au début, j’étais simplement guidé par mon regard d’esthète».

La question du regard apparaît en effet centrale lorsqu’on parcourt les archives obsessionnelles du galeriste parisien. Entre une sculpture de héros grec à la nudité pudique et une peinture qui assume la puissante charge érotique du modèle, on a la sensation de pénétrer dans un riche univers fantasmatique gai, construit méticuleusement au fil des années. Le point commun des œuvres: elles mettent en scène des hommes sculpturaux, aux muscles saillants et au visage dessiné. «Évidemment, je regarde selon mes désirs. Ce que je recherche, c’est l’image du héros. C’est un procédé similaire à l’admiration que portent les enfants qui lisent des comics de Batman. Une certaine représentation de la force qui n’est pas de la violence, mais qui au contraire s’inscrit dans un idéal de justice. C’est une vision positive de la virilité, au sein de laquelle le héros met son courage au service du juste».

Le propre de l’homme, c’est le fantasme

Lorsqu’on lui demande ce qui l’obsède précisément dans le masculin – pour reprendre le titre de son ouvrage – il concède: «C’est un goût relié à mes propres fantasmes, à ma propre sensualité. La sexualité est un instinct, mais le propre de l’homme, c’est le fantasme. Ce qui m’obsède dans le masculin, c’est justement cette quête d’un homme idéal qui n’existe que dans l’imaginaire. Et puis l’obsession est le propre du collectionneur, qui recherche l’accumulation d’images. En ce sens, ma démarche est celle d’un voyeur: c’est aussi ça, l’obsession de l’image».

Ce regard particulier, propre à l’homme qui désire et qui collectionne, permet de suivre une sorte de fil d’Ariane entre les œuvres d’art: «On retrouve dans mes œuvres beaucoup de guerriers de la Grèce Antique, mais ces représentations ne sont pas éloignées de nos héros modernes: il n’y a pas de grande différence entre un héros mythologique, un Marlon Brando, les cow-boys des western et un Batman. Tout ce qui, finalement, parle de la force masculine, mais de la force juste, non violente, courageuse».

Fragilité et esthétique virile

Le galeriste est par ailleurs un des plus grands collectionneurs de son défunt ami Jacques Sultana, un prodige de l’hyperréalisme, chassé de chez lui à 22 ans en raison de son homosexualité, et qui a peint une multitude de modèles masculins nus jusqu’à sa mort en 2012. «De son vivant, il n’avait pas du tout de succès. Mais les temps changent: la nouvelle génération voit la douceur dans le travail de Jacques, finalement moins sexuel que romantique», s’enthousiasme-t-il.

Pierre Passebon réaffirme à plusieurs reprises que ce qui l’intéresse dans la masculinité, c’est sa fragilité. Une déclaration qui peut sembler paradoxale, tant les corps mis en lumière correspondent dans leur intégralité aux normes stéréotypiques et aux traits considérés comme esthétiques et virils dans le masculin. Cela pourrait amener les spectateur·ice·x·s à s’interroger sur la place des corps véritablement dissonants dans ce travail d’archivage. Et pour preuve: le héros, dans la collection, est avant tout un homme blanc, statuaire, jeune, valide, cis… «Quand je parle de fragilité, je dis que c’est quelque part le regard qui la forge. Quand la masculinité est mise en scène de cette manière, nue et figée, elle devient vulnérable. J’essaie de montrer l’ambiguïté du masculin: on apprend aux hommes à être hommes de manière brutale. Moi, j’essaie de montrer la douceur des hommes», explique le galeriste.

Quand on lui demande quelle image il retiendrait s’il ne devait en rester, la réponse ne se fait pas attendre. «Le Achille de Pierre et Gilles. C’est le moment de la blessure d’Achille, où la flèche est sur le point de trouer son talon. C’est souvent la blessure qui nous séduit chez quelqu’un. L’homme blessé est forcément séduisant, car je peux faire quelque chose pour lui. C’est l’homme à guérir. S’il n’est pas blessé, ce n’est qu’un héros inatteignable», souffle-t-il, amusé.

Une partie de la collection est exposée du 15 avril au 18 mai, les jeudis, vendredis et samedis, de 14h à 19h et sur rendez-vous, au 5 passage Charles Dallery à Paris.