©larissa_fuerderer
Lausanne
#Humour

Edwin Ramirez

ven 26 avril - dim 28 avril
Genève
#Musique

Billie Bird

ven 26 avril, 20:30
Genève
#Littérature

Vieille comme la rue? La prostitution hier et aujourd’hui

ven 19 avril, 17:30
Lausanne
#non mixte

Zeus

sam 4 mai, 21:00

Cinéma prêt à queer

C’est une première : le festival genevois Black Movie se donne un « Mauvais genre », en lançant une section queer. Florilège d’une programmation à consommer sans modération du 12 au 21 février.

Parce que depuis vingt ans Black Movie se veut le rendez-vous des cinémas d’ailleurs et de ceux qui osent penser à côté, Sylvie Cachin et Antoine Bal y ont trouvé le tremplin d’une première: une section queer, intégrée au festival et forte d’une dizaine de films glanés au-delà des frontières d’orientation, de genre et d’identité. Pour les initiateurs, respectivement cinéaste et coordinateur culturel, c’est l’occasion de pointer des productions et thématiques LGBT, mais plus encore d’offrir un espace de réel décloisonnement. De revenir à la connotation politique du terme «queer» avant qu’il ne devienne l’équivalent branché et neutralisé de trans-pédé-gouine. Soit l’«étrange», le «bizarre» revendiqué par ceux qui se refusent au joug des catégories hétéropatriarchales. Une initiative rarement assumée même parmi les festivals spécialisés. La section, joyeusement intitulée «Mauvais genre», pourrait ne prêcher que les convaincus. Le duo préfère écarter la menace au nom de la «visibilité nécessaire tant qu’on n’aura pas droit à l’indifférence», au nom de la volonté aussi de montrer «que le queer n’a rien de flippant».

Le corps, lieu du combat
A découvrir la programmation, «flippant» n’est en effet pas le premier terme à frapper les pupilles. Mais troublant, pour certains, assurément. Avec sans hésiter Aztlan de la Chilienne Carolina Adriazola comme le meilleur uppercut dans le flanc du prêt-à-juger. Filmés dans l’urgence, deux égarés s’écoutent et se consolent. Lui aimerait être femme et elle, homme. En butte au quotidien, ils ne trouvent le corps de leur identité que dans celui de l’autre, exploré sans fard et sans pudeur. Il n’est ni question de protocole médical, ni de cocktail hormonal, seulement d’une solitude, d’une douleur, d’un cri d’une puissance rare lancé contre une société incapable de dépasser les contours du visible. Pour Mario dans Le dernier été de la Boyita, le corps s’avère aussi le lieu du combat. Non pour une erreur d’assignement mais pour une double assignation. Mario est fille et garçon. Cette identité hybride, jusque-là tue soigneusement, éclate au grand jour avec les premiers avatars adolescents. Chacun d’y aller de son rejet, car comment peut-on arborer de virils oripeaux en tachant de sang ses culottes? Heureusement, la petite Jorgelina offre à Mario la légitimité de n’être ni l’un, ni l’autre, mais les deux à la fois. L’enfance, moment béni du sans a priori? L’idée n’est pas nouvelle, mais l’Argentine Julia Solomonoff en tire un portrait délicat et nuancé, capable de tenir tête sans rougir au XXY de sa compatriote Lucia Puenzo.

Autre variation pertinente sur la question, Still Black: A Portrait of Black Transmen de l’Américaine Kortney Ryan Ziegler, dévoile dans l’austérité d’un huis-clos le parcours de six hommes qui ont été femmes. Six hommes afroaméricains. Des deux maux lequel choisir? A en croire leurs témoignages, être trans et black n’est pas mieux accueilli du côté de la majorité hétéro que sur celui de la minorité homo, pareillement acquise aux normes d’une société occidentale et blanche. Voilà de quoi égratigner la certitude de certains d’être forcément plus ouverts d’esprit parce que minorisés. On pourrait encore évoquer la sensualité liquide de La León de l’Argentin Otheguy Santiago, une magnifique errance en noir et blanc dans les méandres du Rio Paraná. Ou mettre un petit bémol sur l’inutile complexité de Land of Scarecrows du Coréen Gyong-Tae Roh ou le syncrétisme un peu fat de A festa da Menina Morta du Brésilien Matheus Nachtergaele. Mais s’il ne fallait en retenir encore qu’un seul, ce serait sans aucun doute Looking for Langston du Britannique Isaac Julien.

Une ode au poète Langston Hughes, figure de proue du Harlem Renaissance et icône incontestée de la culture black gay. Et surtout un moment de grâce cinématographique où la beauté des corps, du verbe et du cadre réussit le pari insensé d’accéder à l’indicible poétique. Rachel Haller

» Le site du festival Black Movie