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Une nuit explosive aux urgences

Une nuit explosive aux urgences
Valeria Bruni-Tedeschi et Marina Foïs

À travers un couple de femmes au bord de la rupture, Catherine Corsini raconte une société française meurtrie et profondément divisée dans «La Fracture», au cinéma dès le 27 octobre.

Immersion, un soir de décembre 2018, dans les urgences d’un hôpital parisien à bout de souffle, en manque de personnel soignant, transformé en huis-clos façon cour des miracles le temps d’une nuit explosive. Après Un amour impossible, métrage d’époque, Catherine Corsini, désireuse de revenir à aujourd’hui, aborde de façon métaphorique les fractures profondes d’une société française de plus en plus dure et meurtrie. Elles sont symbolisées par le couple au bord de la rupture que forment Julie (Marina Foïs), éditrice, et Raf (Valeria Bruni-Tedeschi), dessinatrice. Une embrouille de trop et Julie, qui en a plus que marre, quitte l’appartement. Raf la suit, tombe, se casse le bras et atterrit dans un service hospitalier sous pression.

Débarquement de Gilets jaunes amochés
À l’extérieur, c’est la guerre et l’établissement, déjà saturé par les personnes blessées, voit débarquer une bande de Gilets jaunes gravement amoché·e·x·s par des policiers lors d’une violente manifestation sur les Champs-Élysées. Il ferme ses portes tandis que les CRS campent devant, exigeant qu’on leur livre les noms des coupables.

Dans la salle d’attente, arène pleine d’humanité, de désespoir et d’émotion où s’écharpent petits bourgeois et prolos de toutes nationalités, l’ambiance est électrique. La confrontation France d’en-haut contre France d’en-bas vire au duel mordant entre Julie, la bobo parisienne au coude bien esquinté et un routier naïf (Pio Marmaï) à la jambe explosée par une grenade de désencerclement, qui veut juste conduire son camion, livrer sa marchandise et éventuellement (comme l’acteur l’avait dit à la conférence de presse du film), péter la gueule à Macron. Phrase qui avait provoqué un petit scandale (vite oublié) sur la Croisette.

Entre hystérie et justesse du récit
Bref, les critiques acerbes et les injures fusent. Ils s’engueulent pour tout et n’importe quoi et ça vole bas, le plus souvent. Mais les excès n’empêchent pas l’humour et le rire, en l’occurrence cathartique. Entre scènes dramatiques, douloureuses, drôles, voire burlesques, à l’écriture riche, on reprochera toutefois une tendance à l’hystérie. Elle est accentuée par la performance délirante de Valeria Bruni-Tedeschi. Certes, comme toujours, elle met beaucoup d’elle-même dans ce rôle, des choses qu’elle a vécues, rêvées, imaginées. Mais là, survoltée et shootée aux médicaments, elle en fait des tonnes en luttant pour récupérer l’objet de son amour.

En revanche, on salue la volonté d’apporter de la justesse et de l’authenticité dans ce récit sous haute tension tourné pendant le Covid, qui évoque la crise des Gilets jaunes, les brutalités policières, l’abandon de l’hôpital public, l’engagement inouï d’un personnel pourtant sous-payé, exténué, le délabrement des locaux. Non seulement Catherine Corsini s’inspire de sa propre histoire avec sa compagne ainsi que d’une mésaventure, mais elle a fait appel à de vrais soignant·e·x·s. Comme Aïssatou Diallo Sagna. Elle a 38 ans, incarne Kim, une infirmière qui apporte, comme les autres acteurs et actrices non professionnel·le·s, son expérience, sa maîtrise et son empathie envers les patient·e·x·s.

Ni brûlot ni manifeste
La fracture est un film engagé, un film de résistance: «Il faut parler de tout cela pour ne pas laisser à nos enfants un monde pourri». Pour autant Catherine Corsini nie une volonté d’interpeller les autorités politiques. «Je l’ai fait pour raconter une histoire avec un fond humaniste et en jouant des ressorts de la comédie. Il ne s’agit ni d’un brûlot, ni d’un manifeste. Je voulais que ce soit brisé par une manière de filmer qui crée le mouvement. Je souhaitais que les comédien·ne·s puissent improviser, que tout le monde parvienne à s’échapper.»

L’opus, qui figurait en compétition au Festival de Cannes, a décroché, rappelons-le, la Queer Palm. Cela peut surprendre dans la mesure où l’homosexualité y est particulièrement banalisée. «Ce qui me tenait à cœur, a déclaré la lauréate très émue en recevant son prix, c’était de raconter un couple de femmes d’une cinquantaine d’années qui a vécu le fait de s’assumer. Il est juste de dire que l’homosexualité est un sujet, et en même temps qu’il n’en est pas un, car il est intégré, déjouant les préjugés. C’est merveilleux d’être récompensée pour cela».

Dans les salles romandes dès le 27 octobre.