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Confiné·e·s, oui, mais en bonne compagnie!

Confiné·e·s, oui, mais en bonne compagnie!
Alfonso Casas «Freddie Mercury», Casterman

On croyait – à tort – déjà avoir tout lu d'elles. Des icônes LGBTQ+ brillent dans des ouvrages biographiques fraîchement parus. Petite sélection à découvrir et à (s')offrir pour ce Noël forcément un peu casanier.

Freddie Mercury revisité

Cette biographie dessinée du chanteur de Queen s’ouvre sur un aveu émouvant: son auteur, le bédéiste espagnol Alfonso Casas, est lui-même un grand fan de Freddie Mercury. Son album illustré revisite avec tendresse les grandes étapes de la carrière du chanteur qui a révolutionné la pop music, en qui l’auteur voit un être libre et «un exemple de la manière dont une personne peut aller au-delà des conventions et triompher malgré tout (ou justement grâce à ça)». Les textes sont accompagnés de superbes illustrations représentant Freddie Mercury dans ses tenues les plus extravagantes. L’auteur s’autorise quelques digressions qui ponctuent le récit, comme une double page sur les possibles interprétations de son hit légendaire, «Bohemian Rhapsody» ou des intermèdes sur ses looks légendaires ou les dessous de sa voix si spéciale. Autre point positif: contrairement au biopic du réalisateur américain Bryan Singer, à qui l’on a beaucoup reproché d’évoquer à peine l’homosexualité du chanteur, la vie amoureuse de Freddie Mercury n’est pas passée à la trappe dans cet album. Annabelle Georgen

Alfonso Casas «Freddie Mercury», Casterman

Frida l’amoureuse

«J’ai eu deux accidents graves dans ma vie. L’un à cause d’un bus, l’autre ce fut Diego. Diego fut de loin le pire.» Ainsi parlait Frida Kahlo du peintre Diego Rivera, l’amour de sa vie, qu’elle épousa à l’âge de 22 ans, et qui avait alors près du double de son âge. Ce roman de Claire Berest basé sur la vie de la peintre mexicaine bisexuelle, aussi haute en couleurs que l’étaient ses toiles, qui vient d’être réédité au for mat poche cet automne, fait rejaillir les joies et les affres de la passion amoureuse, aussi féconde que destructrice, qui lia les deux artistes pendant un quart de siècle. Frida et Diego ne cessèrent de s’inspirer l’un·e l’autre, et de se déchirer. Les infidélités répétées de Diego pousseront Frida à s’aventurer à son tour au lit des hommes et des femmes, tout en revenant sans cesse vers lui. Rien n’est noir ravira les afficionados·as de Frida Kahlo, révélant une nouvelle facette de cette artiste hors pair dont les autoportraits luxuriants, célébrant la beauté singulière de son visage androgyne, ont fait une icône queer avant la lettre. Annabelle Georgen

Claire Berest «Rien n’est noir», Le livre de poche

Andy, dis-moi oui

De lui, tout (ou presque) a été dit. La vie, la légende et les déclarations prophétiques d’Andy Warhol ne cessent d’irradier l’époque et son œuvre demeure une source d’inspiration continue pour tout·te·x·s les aspirant·e·x·s au quinze minutes de célébrité. Mais au-delà de ses boîtes de conserve Campbell’s et ses portraits d’Elvis Presley et Marilyn Monroe, que sait-on vraiment de cet artiste qui aimait instrumentaliser et médiatiser les détails banals de la vie, bien avant qu’Instagram n’existe ? Conçue sous forme de BD par l’auteur néerlandais Typex, cette biographie retrace les moments forts de son existence. Depuis son enfance extrêmement pauvre à Pittsburgh au somment de la gloire à New York, toute sa vie est ainsi passée au peigne fin en 10 chapitres dessinés. Outre les stars qu’ils adorait fréquenter et ses folles virées au Studio 54, l’auteur revisite également le fort attachement de Warhol à sa mère, avec qui il a vécu à New York. On y (re)découvre que malgré la nature fusionnelle de leur relation, la star a toujours préféré cacher son homosexualité à sa maman, par pudeur et par peur de lui briser le cœur. Alexandre Lanz

Typex «Andy, un conte de faits La vie et l’époque d’Andy Warhol», Casterman

Anaïs Nin, la polyamoureuse

La couverture suggère la dualité forcée d’une époque. En surface, Anaïs Nin tient ferme et fermé son journal intime. Plus taquin, son double nous regarde en coin : son livre – où tout est permis est grand ouvert. Léonie Bischoff, auteure et dessinatrice genevoise basée à Bruxelles, explore la voix et les conflits intérieurs de cette pionnière de la littérature érotique, dont les journaux sulfureux seront l’œuvre d’une vie. Leur version non-censurée ne sera publiée qu’à titre posthume. En entrant dans l’album, on pourrait être rebutés par un côté fleur-bleue. Mais il faut poursuivre. Parce que la vie polyamoureuse d’Anaïs Nin est passionnante : son rapport aux hommes, à l’écrivain américain Henry Miller, au désir bisexuel jusqu’aux fantasmes incestueux. Sans rien taire, Léonie Bischoff convainc par l’élégance de ne pas tout montrer, préférant inscrire ce geste biographique dans la pudeur d’alors, entre normes et vérité de soi. L’imaginaire s’y trouve renforcé. Et c’est une immense liberté qui, de cases en cases, nous reste. Un bel ouvrage sur une éclosion artistique, l’expression sans limites du désir et l’urgence d’écrire. Antoine Bal

Léonie Bischoff «Anaïs Nin sur la mer des mensonges», éditions Casterman

Dans les pas du poète aux semelles de vent

Tout a déjà été dit et écrit sur Rimbaud, le poète le plus idolâtré de la littérature française. Cet indolent garçon au regard embrumé et à la plume acérée, qui après avoir conquis le Paris littéraire du haut de ses 17 ans décida de se taire à tout jamais à l’âge de 20 ans pour partir à la conquête d’autres horizons. La collection Bouquins des éditions Robert Laffont vient de rééditer le pavé de plus de 1300 pages, imprimé sur papier bible, que lui avait consacré le biographe Jean-Jacques Lefrère en 2001. Basé sur une exigeante documentation, cet ouvrage fait figure de biographie de référence sur Arthur Rimbaud. Les faits et gestes du poète vagabond y sont reconstitués méticuleusement, et le propos est renforcé par de nombreux extraits de la correspondance ou des mémoires de celles et ceux qui ont croisé sa route. Cet ouvrage permet également d’en apprendre plus sur les relations tumultueuses de Paul Verlaine et son « jeune prodige », et notamment sur leur première rencontre à Paris, un souper mémorable durant lequel Verlaine, après s’être amouraché des vers de l’adolescent, succomba « à la beauté paysanne et rusée » de son futur amant. Annabelle Georgen

Jean-Jacques Lefrère «Arthur Rimbaud, biographie», Robert Laffont

Pleins feux sur Beauvoir

«Disciple de Sartre», «compagne de Sartre», «homologue féminin de Sartre» … Toute sa vie durant, Simone de Beauvoir n’a cessé d’être réduite à la relation intime et intellectuelle qui la liait au philosophe français par ses contemporains. L’autrice de cette biographie, Kate Kirkpatrick, professeur de philosophie au King’s College à Londres, s’est donnée pour mission de sortir Beauvoir de l’ombre de Sartre, dont l’influence sur l’œuvre de la philosophe féministe a été surestimée. L’ouvrage se penche sur la formation intellectuelle de l’autrice du Deuxième sexe avant sa rencontre avec Sartre, en se basant sur des documents jusque-là inexploités, tels que ses journaux intimes et sa correspondance. Un bel et passionnant hommage à cette intellectuelle singulière, devenue bien malgré elle « un produit iconique du féminisme et du post-féminisme », dans lequel l’autrice s’attache également à sonder les zones d’ombres de son sujet, à l’instar des relations sexuelles que Beauvoir entretenait en secret avec plusieurs de ses étudiantes. Annabelle Georgen

Kate Kirkpatrick «Devenir Beauvoir, la force de la volonté», Flammarion