Almodovar se met à nu dans «Douleur et gloire»
En compétition à Cannes, le maestro espagnol suit un réalisateur en crise, formidablement incarné par Antonio Banderas.
Trois ans après «Julieta», racontant la perte, l’abandon, la culpabilité, Pedro Almodovar revient avec «Douleur et gloire», son 21e long métrage au titre évocateur, réunissant deux de ses acteurs fétiches, Antonio Banderas et Penelope Cruz. À nouveau sélectionné en compétition à Cannes, le réalisateur oscarisé et césarisé mais en mal de Palme d’or en dépit de pronostics souvent unanimes de la critique sur la Croisette, se révèle encore un très sérieux prétendant à la récompense suprême. Réponse le 25 mai.
Évitant à son habitude les excès du mélodrame en évoquant avec sobriété, retenue et pudeur l’amour, le deuil, la réconciliation, Almodovar suit un réalisateur en crise formidablement incarné par Antonio Banderas. Il se met émotionnellement et intensément à nu, mêlant «son côté le plus sombre aux moments les plus lumineux de son enfance» , dans ce film mélancolique baigné de tristesse. Il s’agit là de la plus intime et de la plus introspective de ses œuvres, tournant autour de ses premières passions, celles qui sont suivi, la mère, la mort, les acteurs avec qui il y travaillé, les ruptures. Et les retrouvailles, dont l’une bouleverse avec le long baiser que son personnage mature échange avec un ancien amant, avant que ce dernier parte retrouver sa femme et ses enfants.
Déclaration d’amour au cinéma
Entre émois, regrets, impossibilité de séparer l’art de la vie privée, ce cinéaste si doué qui se demande avec autodérision comment il peut avoir du succès dans un pays aussi différent de l’Espagne que l’Islande, déclare son amour au cinéma. La pellicule libératrice de cet enfant intelligent, sensible et malheureux, qui a grandi au sein d’un milieu paysan et catholique, dans une caverne repeinte par un maçon. Et qui découvre soudain son homosexualité, prétexte à une scène proprement sidérante. Même si l’auteur mêlant réalité et fiction avoue, fait en soi insignifiant, ne pas être absolument fidèle à sa biographie.
Le film est ainsi rythmé par des allers et retours entre les années 60, 80 et aujourd’hui. Pedro Almodovar brosse le portrait envoûtant d’un homme se disant incompris, en panne d’inspiration, plongeant dans ses souvenirs. Un homme tourmenté physiquement et psychiquement. En proie à toutes sortes de douleurs musculaires, des migraines, des acouphènes, un lancinant mal de dos, il souffre également de troubles de l’âme, de dépression. Un homme se shootant sur le tard à l’héroïne, pour qui «la vie tourne autour de sa colonne vertébrale et dégoûte comme un remède inutile». Mais il va finir par se remettre à écrire.
Comme des poissons dans l’eau
Si Almodovar ne cesse de nous fasciner, ses comédiens évoluent comme des poissons dans l’eau dans un univers qu’ils connaissent sur le bout des doigts. À commencer par Antonio Banderas, qui a collaboré huit fois avec lui. Séduisant, attachant avec des fêlures et une vulnérabilité non feintes, il représente, sans pourtant l’imiter en dépit de sa coiffure ananas et de ses vêtements colorés, le double idéal du cinéaste torturé par les affres de la création. Et se terrant de préférence dans son appartement madrilène, où il nous invite à entrer.
De son côté la solaire Penelope Cruz, qui a travaillé à six reprises avec l’auteur, est parfaite dans le rôle de la mère jeune d’Almodovar, peu épargnée par les soucis et les difficultés, mais au sourire toujours au bord des lèvres. Dans celui de la mère âgée, on retrouve Julieta Serrano, apparue dans le tout premier métrage du maestro ibère, «Pepi Luci Bom et autres filles du quartier» en 1980. Cela nous vaut une séquence où elle lui parle de son enterrement, manifestant notamment la volonté d’être pieds nus dans son cercueil… Une respiration comique dans ce magnifique opus où la douleur l’emporte sur la gloire.
» Dès aujourd’hui dans les salles romandes.
superbe film. IL mériterait une palme pour Almodovar. J’aimerais bien connaitre le nom de l’acteur qui interprète le jeune maçon analphabète.