Drôle de giallo gay
Yann Gonzalez rend hommage à la série B italienne des années 70 dans «Un couteau dans le cœur». Un film baroque et maladroit, avec Vanessa Paradis en productrice de pornos gay.
A l’image de Gaspar Noé, le Français Yann Gonzalez est un réalisateur clivant. En témoignent les critiques diamétralement opposées de son dernier film «Un couteau dans le cœur». Cela va du chef d’œuvre au navet, voire la honte de la compétition au dernier Festival de Cannes. Entre les deux, le film séduit sans véritablement convaincre.
Paris 1979. Anne (Vanessa Paradis) a fait carrière dans la production de pornos gay de série Z. Lorsque Loïs, sa compagne adorée et la monteuse de ses films la quitte, elle tente désespérément de la reconquérir en tournant un film beaucoup plus ambitieux, dont elle confie la réalisation à Archibald, son complice de toujours. Mais un mystérieux assassin contrarie ses plans. Précédé par le vol d’un oiseau, ce Belphégor queer psychopathe tue sauvagement les acteurs les uns après les autres, armé d’un godemiché à lame rétractable. Anne est alors entraînée dans une étrange enquête, plus kitsch que policière.
Dans son long métrage précédent, «Les rencontres d’après minuit», Yann Gonzalez retrouvait la singularité du cinéma onirique et surréaliste français des années 70. Avec «Un couteau dans le cœur», il persiste dans la nostalgie. Multipliant les clins d’œil et les citations, il rend un hommage vibrant en forme de déclaration d’amour au giallo. Mêlant thriller, horreur et érotisme, proposant fausses pistes et indices propres à diverses interprétations, ce genre italien eut ses heures de gloire dans les années 60-80, grâce à des réalisateurs comme Dario Argento ou Mario Bava.
Une femme désespérée et violente
En reprenant les codes et en tentant de les moderniser, Yann Gonzalez livre un film empreint de culture gay et de dérision, lyrique et amusant, poétique et bouffon, atypique et romantique, fétichiste et baroque. Mais aussi maladroit et poseur à l’occasion. Par ailleurs, il illustre un amour perdu, impossible, avec le portrait d’une femme désespérée et violente, interprétée par une Vanessa Paradis lookée cuir et aux cheveux platine. Crédible, elle est confrontée à la rupture déchirante avec l’amour de sa vie et à la mort de ses comédiens.
On retrouve encore, dans cette proposition particulière, Nicolas Maury, Jacques Nolot, Romane Bohringer. Esthétiquement réussi, imparfait dans ses oscillations entre giallo et mélo, «Un couteau dans le cœur» se révèle une expérience moins extrême que le voudrait à l’évidence le cinéaste. On lui reprochera par ailleurs un récit à énigmes banal, dont il apparaît rapidement qu’il se moque éperdument. Nul doute pourtant que les fans apprécieront.
» Au City-Club Pully et au Cinerama Empire de Genève (dès le 14 novembre).