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Nicolas Pages: Bas les frasques

Entre Lausanne et Los Angeles, il se dévoilait – pour mieux se protéger – dans ses premiers livres. Grand pudique à l’exhibitionnisme dérangeant ou séduisant, Nicolas Pages revient avec un cinquième livre très réussi, I love NY: un «roman théâtral», long dialogue s’étirant d’une côte à l’autre des Etats-Unis.

Vincent rencontre un jeune dealer dans un fitness et lui propose une colocation. Le nouvel habitant a monté un petit trafic de cocaïne entre le Brésil et New-York et continue à développer ses activités dans sa chambre. Lorsqu’une descente de police menace, le trafiquant se volatilise. Vincent décide de prendre les choses en mains. Avec son ami Lucas, un bel hétéro ambigu, il reprend les rênes de la petite entreprise illicite. Avec le bénéfice, ils improvisent une virée rock and roll vers Chicago. Un périple qui transpire l’asphalte, la poudre blanche et la sueur masculine, mais résonne également comme les dernières frasques d’adulescents au seuil d’une quarantaine sereine

Alors que son premier livre Je mange un œuf se nourrissait exclusivement de son intimité, après sa trilogie du «Je» et Super G, Nicolas Pages s’est inspiré des aventures de l’un de ses amis pour son nouveau roman I love NY. Pages ne fait pas partie du voyage, sinon par une lettre, adressée à Lucas au début du livre, et qui sonne comme un hommage à un ami aimé et disparu. «Je me suis souvent utilisé en tentant de ne pas me mettre en avant,» explique l’auteur. «Je ne crois pas à la fiction pure. Lorsque tu connais le quotidien de certains écrivains de ‘fiction’, tu te rends très vite compte qu’eux aussi s’inspirent de leur vie en évitant de le revendiquer.»

Anti-littérature
Entre ses collaborations avec la photographe Nan Goldin et sa formation à l’ECAL, Nicolas Pages reconnaît l’influence du monde de l’art contemporain sur sa création littéraire: «Je me considère comme un écrivain de l’anti-littérature. Venant de l’image, je ne construis pas mes histoires en pensant à la forme grammaticale. J’élabore mes phrases comme une installation ou une musique. J’attache une plus grande importance au rythme qu’à la précision de la langue française.» Pages reconnaît dans cette démarche, peu commune dans la production littéraire suisse, l’influence de l’écriture littérature américaine, plus efficace, plus électrique : «En France, certaines personnes du milieu littéraire considèrent toujours que Nicolas Pages ne sait pas écrire. La tradition littéraire française qui étend des phrases sur trois pages ne m’intéresse pas du tout.»

Nicolas Pages ne se reconnaît aucun lien avec la littérature romande, même s’il admire Agota Kristof. S’il a du plaisir à revenir en Suisse, il pose cependant un regard sévère sur le milieu créatif en Suisse romande. «Ce pays n’est pas prêt pour la création. Lausanne incarne mes racines. J’y ai mes amis, ma famille. Je peux y séjourner, car je sais que je vais en repartir. Je n’aurais pas pu écrire un quatrième roman dans mon moulin, je me serais défenestré avant de l’avoir achevé.» Définitivement plus Los Angeles que Corcelles-près-Payerne, Pages reconnaît toutefois qu’à l’image des protagonistes de I love NY, il aspire à une vie plus rangée. «Je n’ai jamais caché mon passé excessif. Si mes personnages arrêtent la clope, la dope et les aventures d’un soir à la fin de mon livre, c’est aussi parce que j’écris en phase avec ce que je vis.» Une crise de la petite quarantaine qui incite l’auteur à dresser un longue liste de remerciement à la fin de l’ouvrage. «Je me trouve là ou j’en suis grâce à des rencontres humaines formatrices comme ce fut le cas avec Nan Goldin, Pierre Keller ou Guillaume Dustan.»

Pseudo gonflé
Dustan, justement: l’auteur provocateur lui a fait de l’ombre pendant quelques années en choisissant son nom et son prénom pour le titre d’un roman qui a reçu le prestigieux Prix de Flore. «J’ai digéré toute cette histoire, et je pense même pouvoir en être fier actuellement. Même si cette semaine encore, un lecteur qui ne me connaissait pas m’a fait remarquer que c’était gonflé d’avoir choisi un nom de bouquin de Dustan comme pseudo.» Personnage de papier et auteur de chair, l’avenir continuera sans doute à brouiller les cartes de l’identité de Nicolas Pages. En attendant, une adaptation théâtrale ou cinématographique pourrait voir le jour – avec quelle bande originale? «– Une musique électronique, minimaliste. J’aime la musique qui me donne l’impression de marcher dans une forêt. Oui, ce que j’aime c’est marcher.»

I love NY, de Nicolas Pages, éditions Flammarion

Photo: © Bruno Lévy, Flammarion