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Vivant poème

Vingt ans après sa disparition, le charisme de Barbara continue de fasciner. Son neveu fait vivre sa mémoire.

Automne 1964, du haut de ses dix ans, Bernard Serf assiste pour la première fois à un concert de Barbara. Cette année-là, la carrière de la chanteuse prend son envol jusqu’à éclipser, diront les critiques, la performance de Georges Brassens, dont elle assure la première partie durant plusieurs semaines à Bobino. «Barbara connaissait déjà un succès d’estime grâce à un répertoire de chansons des années 1900, mais aussi des titres de Piaf, Ferré ou Brassens, qu’elle avait chantés à Bruxelles dans les années 1950, puis à l’Écluse, l’un des temples de la rive gauche à Paris», explique Bernard Serf. Mais tout commence vraiment lorsqu’elle accepte de chanter ses propres textes. Notamment à partir de l’enregistrement d’un quatre titres, dont le fameux «Dis, quand reviendras-tu?» Vient ensuite l’album «Barbara chante Barbara» (1964), sur lequel figure «Nantes», une chanson dédiée à son père. Un père incestueux, auquel elle aurait voulu dire son pardon avant qu’il ne disparaisse. Elle en témoignera à demi-mot dans ses Mémoires interrompus, parus à titre posthume en 1999. C’est cette même pudeur qui caractérisera ses témoignages d’une jeunesse en temps de guerre dans «Göttingen», «Mon enfance» ou «Perlimpinpin»…

FEMME PIANO
A ses débuts Barbara se bat, non pas contre des moulins à vent, mais contre d’improbables pianos. «Pour elle, ça a été une guerre incessante, jusqu’à ce que son propre piano la suive en tournée», lance son neveu. La chanteuse avait aussi pour manie de mesurer la hauteur de ses tabourets de piano qui devaient être à 61 centimètres du sol, ni plus ni moins! «Elle avait des exigences, qui n’avaient rien à voir avec des caprices de star», ajoute Bernard Serf. «Par exemple, il était stipulé sur ses contrats que lorsqu’elle arrivait dans un théâtre, il ne devait pas y faire plus de dix-sept degrés. Et comme cette clause était plus ou moins respectée, elle se baladait avec une clef à molette pour couper les radiateurs elle-même. Par ailleurs, dès l’instant où elle mettait les pieds dans une salle, plus personne à part l’équipe technique ne devait pénétrer sur le plateau, pas même les directeurs de théâtre. Ce n’était plus le théâtre de monsieur untel, c’était chez elle.» Croqueuse d’hommes, et non de femmes comme le voudrait la légende, Barbara affirmait ne pas avoir le talent de vivre à deux. «Elle pouvait être très entourée ou très seule, mais c’était une solitude choisie», affirme son neveu. «C’était quelqu’un qui préférait l’intensité de la vie à la longueur des choses, d’ailleurs elle le dit dans une chanson: C’est parce que je t’aime que je préfère m’en aller, car il faut savoir se quitter avant que ne meure le temps d’aimer…»

«Il y avait des comportements tout à fait irrationnels. Je le savais de son vivant, mais à sa mort, j’ai découvert des choses hallucinantes.»

En revanche, elle nourrissait un rapport extrêmement particulier à son public. «Il y avait des comportements tout à fait irrationnels. Je le savais de son vivant, mais à sa mort, j’ai découvert des choses hallucinantes. Par exemple certaines personnes étaient capables de dire: «Barbara c’est moi!» ou «Je suis la réincarnation de Barbara!» Les admirateurs de Barbara entretenaient un rapport passionnel avec elle. J’ai rencontré un jour le directeur d’une scène importante, un homme brillant et intelligent.Et ce monsieur m’a dit avoir vu Barbara deux cents fois sur scène! Alors que moi, qui l’ai vue à partir de l’âge de dix ans, j’ai dû assister à une quarantaine de ses concerts…» Et Bernard Serf d’ajouter: «Quand elle a fait Pantin, en 1981, ce qui au passage a été un événement extraordinaire dans l’histoire de la chanson française, elle a reçu, entre autres, une lettre d’une certaine Cornélia que j’ai rencontrée beaucoup plus tard. Et cette Cornélia vivait aux Pays-Bas. Elle a écrit à Barbara pour lui demander si elle se produirait à Amsterdam, car Pantin se jouait à guichets fermés. Sur quoi, Barbara lui a fait envoyer un billets d’avion pour qu’elle vienne à Paris . Elle l’a invitée à l’hôtel et évidemment trouvé une place pour la dernière.»

Bernard Serf, neveu de Barbara. Photo: Virginie Villemin
Bernard Serf, neveu de Barbara. Photo: Virginie Villemin

Plus rock que Téléphone
«Nous avions une relation de neveu à tante qui n’était pas très traditionnelle. C’est-à-dire que l’on ne se voyait pas à Noël ou à Pâques, ni à des occasions très précises. Mais c’était une femme très attentionnée, fantasque, drôle, très drôle même, contrairement aux clichés que l’on se fait d’elle. Elle pouvait être très présente, et s’il y avait le moindre souci, elle était là comme un ange tutélaire.» Grande insomniaque, Barbara pouvait aussi passer des heures au téléphone avec son neveu. «Un soir, elle m’a demandé si je connaissais U2. J’ai répondu: «mais enfin Barbara, qui ne connaît pas U2?» Et là, elle me dit: «eh bien figure-toi que j’ai appris par mon éditeur qu’ils seraient intéressés par «L’Aigle noir». Je ne sais pas si c’est vrai et à mon avis ils ne le feront pas, mais enfin sache que U2 connaît ta tante tout de même!» Elle m’avait dit ça avec ironie bien sûr, mais qu’un groupe comme U2 puisse reprendre une de ses chansons n’était pas pour lui déplaire» Plus tard, Barbara collaborera avec Jean-Louis Aubert. «Là, dit Bernard Serf, elle se doutait probablement que ce serait son dernier album, mais elle savait surtout que ce serait sa dernière tournée!» En effet, suite à des problèmes de santé, les assurances refusent de la couvrir. Pourtant, en 1994, contre l’avis des médecins et des assureurs, Barbara part sans filet sur les routes de France, et la dame en noir honorera toutes les dates de son ultime tournée.

Fuyant les mondanités, la femme publique s’était aussi engagée en privé, auprès des personnes en détention et des malades du sida, à l’époque où contracter le virus résonnait comme un verdict sans appel. «Elle a suivi une réelle formation pour savoir de quoi elle parlait. Et elle est allée chanter dans les prisons avec le Professeur Gilles Pialoux qui est aujourd’hui infectiologue à l’hôpital Tenon à Paris.» Elle avait aussi ouvert une ligne téléphonique publique à son domicile pour répondre aux appels des malades, dont certains pouvaient l’appeler à toute heure du jour et de la nuit. Dans une émission de Radio Canada, son accordéoniste Sergio Tomassi raconte qu’elle pouvait même quitter ses répétitions pour se rendre au chevet de malades en phase terminale. Hélène Hazera, journaliste et activiste, ex-responsable de la commission trans pour ActUp Paris, raconte elle aussi avoir croisé Barbara dans les couloirs d’hôpitaux parisiens où elle se tenait à la disposition des malades, signant des chèques à ceux qui souhaitaient partir en voyage avant de mourir ou pour les aider à réaliser l’un de leurs derniers vœux. Pour la chanteuse, il fallait apprendre à mourir de la même manière que l’on apprend à vivre.

Impliquée

Au lendemain de sa disparition, le 25 novembre 1997, Act-up publie le communiqué suivant : «Parmi les rares artistes impliqués dans la lutte contre le sida, Barbara a été la seule à nous soutenir sans faille, sans réserve et sans interruption. Elle ne faisait pas le partage entre un sida présentable et un autre qui le serait moins. Avec nous, elle se battait pour les prisonniers, les étrangers, les homosexuels, les prostitué(e)s, les toxicomanes. Grâce à son soutien et aux droits qu’elle nous a cédé pour sa chanson Le Couloir, nous avons pu mener un combat qui lui tenait à cœur. Aujourd’hui, les militants d’Act Up-Paris sont tristes. Avec la mort de Barbara, c’est à la fois une figure de la culture gaie et lesbienne ainsi qu’un modèle singulier d’engagement sans concession dans la lutte contre le sida que nous perdons. Notre lutte continue, c’est le meilleur hommage que nous puissions lui rendre.»

2017, L’ANNÉE BARBARA

«Elles & Barbara», album à paraître le 9 juin chez Universal.
«Vaille que vivre», lecture de textes et extraits des Mémoires de Barbara par Juliette Binoche, accompagnée par le pianiste Alexandre Tharaud, en juillet au Festival d’Avignon
Nouvelle intégrale augmentée de deux inédits, à paraître chez Universal
Enregistrement studio de Lily Passion (inédit), à paraître chez Universal Enregistrement Studio de chansons de Barbara sous la direction musicale d’Alexandre Tharaud chez Warner Music Classic
Exposition à la Philharmonie de Paris, du 13 octobre à mi-janvier 2018, accompagnée de la sortie d’un album hommage sous la direction musicale et artistique d’Alexandre Tharaud
«Barbara, ma plus belle histoire d’amour» par la romancière Kéthévane Davrichewy (Ed. Tallandier) à paraître en septembre