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Bananarama à gogo

Le girl-band des années 80 se reforme après trente ans de silence, et c’est comme si elles ne s’étaient jamais quittées!

«Goddess on the mountain top, burning like a silver flame, the summit of beauty and love, and Venus was her name…» A la radio, dans un karaoké, sur une piste de danse ou au détour d’errances sur YouTube où le clip a été visionné plus de 8 millions de fois, on a tous chanté en se déhanchant sur Venus, le hit de Bananarama sorti en 1986. Derrière le nom fruité du groupe, le trio formé par Sara, Keren et Siobhan est resté figé dans son époque d’un point de vue artistique, tout en conservant l’amour inconditionnel de ses fans, essentiellement gays.

Ce ne seront ni les premières, ni les dernières à payer le prix fort de l’ascension suivie du fatal déclin des destinées pop. Une petite voix susurrait pourtant qu’elles n’avaient pas dit leur dernier mot. Mais d’années en décennies, l’espoir des fans s’est peu à peu transformé en nostalgie extatique d’un temps lointain et le conte semblait définitivement se conjuguer au passé.

Le trio en 1984.
Le trio en 1984.

Le come-back de l’année
Jusqu’à ce fameux vendredi 21 avril 2017, qui allait changer le cours de l’histoire: après 29 ans, le groupe annonçait son grand retour sur sa page Facebook dans l’heureuse perspective d’une série de concerts en fin d’année en Grande-Bretagne. «WOW!», l’écho du célèbre cri de ralliement de leurs années de gloire n’a pas tardé a trouver un puissant écho sur les réseaux sociaux et les médias. Sous la bannière «The Original Line Up For The First Time Ever» et affublé d’un #Bananarama2017, le combo réussit l’exploit de se retrouver pour la deuxième fois de sa carrière au bon endroit au bon moment. Aussitôt mis en vente, les billets sont partis comme des petits pains, Sold Out à Londres, Sold Out à Bristol et un peu partout. Stupéfaites face au succès phénoménal de leurs retrouvailles, les trois copines n’ont pas hésité à rajouter des dates à leur tournée. En attendant le pèlerinage, on replonge avec délectation dans leur histoire. Une saga pop et unique comme seules les Anglaises savent les concocter.

«Nous étions sans limites et on voulait juste un maximum de plaisir» Siobhan

Rewind? En 1979, les copines d’enfance Sara Dallin et Keren Woodward quittent Bristol pour aller surfer sur la vague punk rock à Londres. Sur les bancs d’école où elles étudient le journalisme de mode, elles rencontrent Siobhan Fahey, une excentrique à l’éducation et au goût du scandale peaufinés dans un couvent à Edinbourg en Ecosse. Inséparables, les trois amies qui vivent en collocation aiment faire la fête et forgent leur réputation de buveuses de vodka jusqu’au bout de la nuit. Dans une récente interview, Siobhan expliquait: «On nous prenait pour des gentilles filles, mais en réalité nous n’étions pas le genre de copines qu’une mère souhaite pour sa fille. Plutôt infréquentables, nous étions sans limites et on voulait juste un maximum de plaisir, le reste on s’en foutait complètement.»

Coup de pouce
La fête, la mode, la musique, elles ne carburent qu’à ça et ne tardent pas à se faire remarquer par leurs voisins, dont le studio se trouve au-dessous de leur appartement: Steve Jones et Paul Cook des Sex Pistols. Encouragées par les punks sous le charme, elles enregistrent leur première maquette, une reprise de la chanson «Aie a Mwana». Dans la foulée, elles déclinent l’offre de Malcom McLaren, le scandaleux gérant de l’image des Sex Pistols, qui souhaite devenir leur manager. A l’aise dans l’underground londonien, elles sont rapidement repérées par le magazine «The Face», véritable bible de la branchitude avec toujours une longueur d’avance. L’article qui leur est consacré les propulse et leur collaboration avec le groupe pop new wave Fun Boy Three sur leur single «Really Saying Something» les installe tout en haut des charts. Les hits se suivent et leur look s’impose: punkettes en salopettes, elles ne lésinent pas sur les bombes de laque pour défier les lois de la gravité capillaire. A des années lumières des notions de marketing, elles sont conscientes de leurs limites vocales et leurs chorégraphies sont loin d’être parfaites, ce qui fait tout leur charme. Le secret de Bananarama, c’est leur amitié. Grisées par le succès, elles en veulent plus et font appel au trio de producteurs Stock, Aitken & Waterman, fabricants de hits commerciaux à la chaîne.

Gogos dancers
A commencer par Venus, le premier clip dans lequel elles ont l’idée de génie de faire danser des hommes objets aux torses bien huilés. Pionnières en la matière, elles feront des gogo dancers leur marque de fabrique et seront érigées en icônes gay absolues. Au passage de l’underground à la pop sucrée, elles lissent leur image mais vendent plus de disques que jamais. Les puristes de la première heure déplorent la production un peu putassière de leur album WOW! (1987). Divergences artistiques et tensions au sein du groupe, Siobhan n’y croit plus et jette l’éponge à peine quelques heures après leur performance de «Love In The First Degree» au Brit Awards en 1988, au sommet de leur gloire.

Stupeur et tremblements, les fans n’y croient pas, Sara et Keren sont effondrées. Remplacée à la volée par une chanteuse sans relief, la sauce ne prend plus et les Bananarama amorcent leur lente et inexorable descente vers la ringardise. De galas bon marché en showcases dans des clubs de seconde zone, Sara et Keren deviennent des phénomènes de foire. Lorsque leur ami George Michael meurt le 25 décembre 2016, c’est le déclic pour Keren qui appelle Siobhan en lui disant: «Tu nous manques, la vie est trop courte, si on ne le fait pas maintenant, on ne le fera jamais.» Siobhan accepte de revoir ses amies, en larmes. Elles passent une nuit entière à rire, à danser, à boire de la vodka comme au bon vieux temps et décident que le moment de la réunion est venu. Preuve que l’alchimie du trio fonctionne toujours en 2017, l’effervescence est intacte et l’excitation est à son comble. Comme le chantaient leurs cadettes épicées lorsque les bananes étaient au creux de la vague dans les années 90: «Friendship Never Ends».