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«La réincarnation existe et il y a un putain de raciste homophobe en moi»

Shirley Soignon est à l'affiche du festival Ainsi Soit’L, organisé par l’association vaudoise Lilith, le 7 octobre à Lausanne. Entretien.

Shirley Souagnon est «humoriste, noire, lesbienne avec des dreadlocks». À 29 ans, elle jouit déjà d’une grande notoriété, grâce notamment à de nombreux passages dans l’émission de Laurent Ruquier «On n’demande qu’à en rire». Cette année, elle revient avec son troisième one-woman-show, «Monsieur Shirley», qu’elle présentera au festival Ainsi Soit’L, à Lausanne, le 7 octobre.

360° – Pourquoi avoir appelé votre spectacle «Monsieur Shirley»?
Shirley Souagnon – Parce qu’on m’appelle souvent «monsieur». Ça doit être l’énergie que je peux dégager. Des gens qui s’adressent à moi, parfois même sans me regarder, me disent souvent «monsieur».

– Une manière d’aborder les questions de genre?
– J’ai envie d’enlever la notion de femme et d’homme, elle ne veut rien dire et elle ne sert à rien. J’aimerais aussi qu’un mec puisse parler de son copain, une fille de sa copine, sans avoir à dire «pardon» et à se justifier. Ça me permet également d’aborder un autre aspect de moi: Dans ma relation de quatre ans avec mon ex, j’ai réalisé que j’étais un connard misogyne. Les meufs dans la cuisine, ça me fait kiffer et j’aime faire de la X-Box… Je crois que la réincarnation existe et qu’il y a un putain de raciste homophobe en moi.

– A qui s’adresse votre spectacle, aux homosexuels, aux homophobes?
– A tout le monde: homophobes et homos sont dans le même panier… de souffrance. Certaines fois on hésite à revenir sur des thèmes, mais tant que ça fait rire, c’est qu’on est pas encore détaché et qu’il faut y revenir encore. Je parle de plein d’autres thèmes aussi, comme les SDF, la psychothérapie ou encore cette petite voix interne qui nous juge en permanence.

– Quel lien faites-vous entre humour et détachement? Et quelle différence entre détachement et indifférence?
– L’humour permet de pointer certaines choses, de les rendre visibles, sans les nier. Le but c’est d’être l’observateur… De se décoller de ce qu’on croit être vrai. Moi je vois ce qui nous empoisonne et je le dis. Ça n’a rien à voir avec de l’indifférence. L’humour permet de passer des messages et d’aider chacun à se détacher des images sociétales figées qu’on a tous. Le rire libère, il aide à se rendre compte que dans le fond… c’est pas grave. Plus je fais de l’humour et plus je pense que le rire, c’est comme les larmes, c’est une douleur qui s’échappe.

– Comment écrivez-vous vos spectacles?
– Comme des journaux intimes, d’une façon très noire… presque au bord des larmes. Ensuite, je reprends l’essence du texte et ce qui peut être potentiellement drôle, je le retravaille. D’autres écrivent directement des blagues. Mes idoles dans l’humour, George Carlin ou Barry Crimmins ne font même plus de blagues du tout, ils disent simplement ce qu’ils pensent. Leur colère est saine et ils la crient et on ne se demande pas pourquoi ils crient, parce que ça sonne juste.

– Outre vos spectacles, vous êtes productrice…
– Oui, et j’aime ça. Être une entreprise c’est prendre des risques et payer des gens. Ça me permet de laisser la chance à de jeunes talents d’êtres découverts… Comme le premier humoriste que je produis avec S.A.S. On Time productions, Adrien Arnoux, qui sera en première partie de mon spectacle au festival «Ainsi Soit’L». J’essaie pas mal de choses, j’ai fait des spectacles avec des musiciens et j’ai même lancé Afrocast, une plateforme qui réunit acteurs, réalisateur Afro-Français. Je voulais leur donner de la visibilité.

– Pourquoi vous tourner vers les Afro-Français? Par communautarisme?
– Je ne suis pas une personne de communauté et j’ai mis beaucoup de temps me rendre compte de l’intérêt que ça pouvait avoir. Être membre d’une communauté c’est avoir une famille, des gens qui vous ressemblent et comprennent votre souffrance. Chacun fait partie de plusieurs communautés: moi je suis noire, basketteuse, bouddhiste – même si je ne veux pas en faire partie –… comme je n’ai pas non plus envie d’être lesbienne… Oui, c’est toujours compliqué pour moi de dire que je suis lesbienne. En fait, je suis, là et maintenant, et ça, c’est déjà énorme.

– Comment trouvez-vous le public suisse?
– Il a un ressenti personnel et il est souvent intelligent. Il ne rigole pas à des trucs simples et mal vendus. Ici, le temps c’est de l’argent. Pour l’instant, mon public est comme moi, il n’est pas fidèle. J’ai beaucoup changé, je ne porte plus de perruque, je ne fais plus le même genre de chose que je faisais à la télé. Mon public évolue aussi.

– A «Ainsi Soit’L», vous jouerez devant un public acquis. Ça change quelque chose?
– Je n’ai pas écrit le spectacle pour ce festival, mais tout de même on pourra aller plus loin, parce qu’il y a des choses sur lesquelles on ne devra pas revenir. J’ai l’impression que quand on a beaucoup souffert soi-même, on est plus libre en public, plus détendu.

La troisième édition du festival Ainsi Soit’L se déroulera du 7 au 9 octobre au Casino de montbenon à Lausanne. Il rassemble spectacles d’humour, concerts, exposition d’art, congrès et même dancefloor, le tout au féminin. Allez-y nombreuses… et nombreux! » ainsisoitl.ch