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La réalité augmentée de Leigh Bowery

La réalité augmentée de Leigh Bowery

Légende urbaine tombée du ciel, Leigh Bowery (1961-1994) fut la quintessence de la drag queen arty. Ses apparitions et performances auront marqué les esprits.

Outrageusement encagoulé et pustulé de sequins brodés de la tête aux pieds, Leigh Bowery fait une entrée chaloupante et remarquée dans le champ de la caméra de la BBC. La porte à tambour d’un grand restaurant londonien fait surgir comme par magie la sidérante apparition qui s’assied nonchalamment à une table et entame une conversation alambiquée avec son interlocutrice médusée. Extrait du programme culte «The Clothes Show», cette scène mythique semblant issue d’un futur improbable où toutes les drag-queens vénusiennes auraient leur place dans la vie quotidienne date pourtant de trois décennies. L’hallucinante créature est le fruit du travail d’un artiste polymorphe ayant poussé jusqu’aux extrêmes les plus impensables le jeu de l’apparence théâtralisée du travesti night-clubber.

Cette agile manœuvre de réalité augmentée a donné naissance à un personnage des plus fascinants, proche du delirium tremens. D’origine australienne, Leigh Bowery choisit rapidement Londres, plus adapté à son rythme de vie effréné, puis par extension New-York alors que la vague Nu-Rave bat son plein et qu’il en devient rapidement l’un des symboles les plus prodigieux. Unanimement cité en tant que la référence ultime par une majorité d’artistes et créateurs anglo-saxons tels que David Lachapelle, Alexander Mac Queen, Boy George, John Galliano, Lady Gaga, Vivienne Westwood ou The Scissor Sisters, il n’y aura pas eu d’équivalence aussi fantasque dans ce domaine suite à son décès en 1994. Jonglant avec dextérité entre art, performance, mode et clubbing, chacune de ses apparitions est plus tonitruante que la précédente.

par Fergus Greer (1991)
par Fergus Greer (1991)

Investiguant les codes sociaux en vigueur de façon bien plus approfondie qu’il n’y paraît au premier abord, Leigh Bowery transcende tout ce qu’il touche. A commencer par son physique imposant, qu’il met joyeusement en valeur, moulé dans des combinaisons intégrales ou dégoulinant de cascades de peinture multicolore, engoncé dans un cocon entrelacé de chaînes dignes de Houdini et allant jusqu’à punaiser ses fameux masques en latex sur son visage et devenir ainsi un authentique monument vivant. Modèle iconique du peintre Lucien Freud, danseur et costumier de la compagnie de danse dadaïste Michael Clark, il fait aussi quelques apparitions remarquées dans des vidéos underground et ouvre le bien-nommé Taboo, le club hédoniste le plus délirant de Londres en pleine explosion ecstasy.

Art performatif
Leigh Bowery est également l’un des membres les plus éminents du mouvement artistique Tranimal qui apporte à la pratique drag une approche post-moderne volontairement cauchemardesque. Dans cette même lignée se situent également le créateur drag du mouvement, Jen Ben Jones, le jeune Matthew Sanderson ou la photographe américaine transformiste Cindy Sherman ainsi que toute une scène située principalement sur la West Coast, très bourgeonnante à l’heure actuelle. Quant à la performance artistique la plus aboutie de Leigh Bowery, interrogeant aussi bien la peinture classique que le voyeurisme primaire, elle date de 1988, période à laquelle il fut remarqué par la galerie Anthony d’Offay ayant pignon sur rue à New Bond Street. Il s’y enferma durant une semaine, séparé du public par un miroir sans tain encadré à la façon d’un tableau, prenant la pose figé sur une causeuse à la façon d’une Odalisque semblant tout droit sortie d’un trip lysergique à la Jodorowsky.

par Nick Knight (1992)
par Nick Knight (1992)

Statique, tel une poupée de cire, il change de pose comme un automate en affectant des minauderies au ralenti, parfois des mimiques plus explicites, dans le plus pur style performatif. Ses looks ahurissants passent de l’intégral polka dot rouge et blanc (visage inclus) à mi-chemin entre une varicelle d’opérette matinée de Yayoi Kusama, le tout orné d’un brushing au bigoudi, en passant par une divinité hindoue hirsute au visage bleu, piercée de chaînes nasales, emmitouflée dans un manteau ressemblant à une toile d’araignée. Et chaque dégaine plus invraisemblable l’une que l’autre se suit sans se ressembler. L’action encadrée par la pénombre est très justement éclairée par une poursuite ajoutant une touche théâtrale supplémentaire à la performance.

Le côté voyeuriste dans lequel le public est projeté malgré lui est magistral. Projet puissant et inégalable, il explore simultanément les frontières entre bienséance et impudeur, mascarade et mise à nu, culture classique et nouvelles esthétiques. Chacun s’y retrouve, le tout enrubanné en mode burlesque, cela aidant à faire passer la pilule. Ainsi, voyeurs, anthropologues, visiteurs d’un zoo ou d’un peep-show, chacun se retrouve à sa façon intensément happé par la fantaisiste machinerie exhibitionniste mise en place par le génial Leigh Bowery.

» A voir: «The Legend of Leigh Bowery», documentaire de Charles Atlas