Genres de nuit
Disparu il y a près de 15 ans, le mythique squatt gay Chez Brigitte est à l’honneur d’un festival techno zurichois.
Quatre jours et nuits de musique électronique, d’ateliers, de performances, un débat, une conférence et une exposition de photo sont au programme du Gender Bending Music Festival du 5 au 9 novembre à Zurich. Avec un objectif: assurer une plus grande visibilité aux femmes et aux autres minorités – transgenre, queer – dans la scène électronique, tout en remettant en question les stéréotypes de genre. Car, après bientôt 30 ans de culture techno, la réalité des chiffres est tenace: les femmes ne représentent toujours que 10% des artistes à se produire dans les clubs et les festivals.
déconstruire les clichés sexuels
«Il est temps de corriger cette éclatante sous-représentation», déclarent Les Belles de nuit, l’association organisatrice qui n’en est pas à son coup d’essai. Les deux premières éditions avaient eu lieu à Istanbul, déjà dans l’idée de déconstruire les clichés sexuels en incitant davantage de femmes et de queers à se produire en public.
Une bonne quarantaine d’artistes issues de différentes disciplines – musique, arts visuels, photographie, théâtre, danse – se partagent les scènes et les espaces d’exposition. Avec notamment des DJ et productrices de renommée internationale comme l’incontournable Jennifer Cardini, la transsexuelle Aérea Negrot ou l’expérimentaliste Gudrun Gut mais aussi une foison de jeune talents. Le festival se veut aussi didactique et espace de rencontre: plusieurs workshops donnés par des spécialistes de la production en studio, du mixage, du booking, de la création de label… ou de la fabrication de vibromasseurs sont ouverts au public. On y suivra aussi une conférence d’un psychiatre autrichien sur la transsexualité vue comme prototype de la société contemporaine ou un débat sur la nouvelle génération de «geeks» décomplexées qui pourraient bien féminiser les studios de production.
Des expositions
L’exposition «Gender benders» ouvrira le festival jeudi 5 novembre avec diverses performances, dont celle de Sonia Rickli. Les artistes exposés, dont la célèbre photographe Diana Scheunemann, y testent les limites imposées les représentations sclérosées liées aux sexes, les culbutent, les transgressent ou les dissolvent en jouant sur les faux-semblants.
Une place de choix est aussi réservée au défunt et unique squatt gay de Suisse Chez Brigitte que l’artiste visuelle Laure Schwarz, ancienne de ce lieu culte genevois, met en scène dans une œuvre d’art documentaire. «Ce lieu a changé la face du monde gay en Suisse romande, je ne voulais pas que cela tombe dans l’oubli», commente-t-elle. En effet, peu se souviennent que la Gay Pride romande et le magazine «360°» en sont issus. Le festival se termine comme il se doit par une rave de 36 heures, jusqu’aux aurores lundi matin. Comme quoi, culture, politique et fête sont décidément comme cul et chemise.
Gender Bending Music Festival du 5 au 9 novembre 2015 à Zurich, Galerie Photobastei, Verein K 18 et Club Supermarkt. Infos et inscriptions aux workshops sur lesbellesdenuit.ch
