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«Transparent», la série qui dédramatise la transidentité

Jamais la transidentité n'avait été abordée avec tant de tendresse, d'humour et d'empathie à la télévision. La série californienne envoie joyeusement valser les normes et les préjugés.

Elle a invité ses trois enfants à dîner. Ça fait des semaines qu’elle pense à ce dîner, des semaines qu’elle ressasse mentalement ce qu’elle aura à leur annoncer: que celui qu’ils appellent papa et que les autres surnomment Mort est en réalité une femme, et que son prénom sera désormais Maura. Mais le soir venu, Maura n’en a pas la force. «Transparent», c’est le récit tout en délicatesse du coming-out de cette femme qui a vécue enfermée durant une soixantaine d’années dans le corps d’un professeur de sciences politiques fraîchement retraité, et qui étouffe dans sa grande villa de la banlieue chic de Los Angeles.

La série dépeint le quotidien de Maura et de ses trois enfants, qui eux aussi se cherchent: Sarah, l’aînée, trompe l’ennui de sa vie rangée de femme mariée et de mère de deux enfants en ayant une liaison avec une ancienne camarade du lycée, Josh, le cadet, collectionne les conquêtes, tandis qu’Ali, la benjamine, semble être restée bloquée à l’adolescence.

Révolution heureuse
Maura mène tranquillement sa révolution heureuse, suscitant l’empathie, l’étonnement voire l’amusement autour d’elle. Pas de rejet, pas de cassure dans cette famille excentrique et névrosée mais une poignée de non-dits qui volent en éclats et vont pousser les proches de Maura à rebattre les cartes, à prendre eux aussi des décisions courageuses, à changer de cap, quitte à parfois le regretter…

La série est signée Jill Soloway, scénariste de la géniale série Six Feet Under, qui s’est inspirée de sa propre histoire familiale. En effet, il y a quelques années, son père lui a annoncé qu’il était une femme. Diffusée aux États-Unis en 2014 sur la chaîne privée Amazon Prime, la série a remporté un tel succès – et au passage le Golden Globe de la meilleure série comique cette année – qu’une deuxième et troisième saison sont d’ores et dejà annoncées.

Le personnage attachant de Maura, aux antipodes des représentations télévisuelles souvent caricaturales de la transsexualité, et le message de tolérance que véhicule «Transparent» en ont même fait un outil au service de la communauté trans, comme l’expliquait Jill Soloway il y a quelques mois au magazine culturel français Télérama: «A mon grand plaisir, la série est aussi devenue un outil, utilisé par les jeunes trans, pour se faire comprendre de leurs parents. Jeffrey Tambor (l’acteur qui interprète Maura, ndlr) appartient à leur génération, ils saisissent mieux son personnage, apprécient sa douceur, sa gentillesse. Ils ont compris que sa «transition» n’est pas un acte d’agression. Et à travers lui, ils comprennent leurs enfants. Ce n’était pas ma volonté, mais «Transparent» est en train d’aider la cause trans à travers le monde.» Preuve que la télévision peut parfois être aussi une fenêtre sur le monde.

L’éclairage de Karine Espineira

Chercheuse en sciences sociales, coresponsable de l’Observatoire des transidentités et auteure de l’ouvrage «Médiacultures. La transidentité en télévision».

– Que pensez-vous du personnage de Maura?
Karine Espineira – C’est un personnage très positif, plein d’humour. C’est intéressant que sa transition soit ce qu’on pourrait appeler «tardive». Dans les années 1990, c’était le profil majoritaire des personnes qui faisaient leur transition, parce qu’elles n’avaient pas osé avant. La série permet donc aussi à une des premières générations de personnes trans à avoir fait leur transition de se reconnaître dans le parcours de Maura, bien que le cadre social ne soit plus le même.

– Pensez-vous que cette série peut aider à faire avancer la cause trans?
– Ce traitement de la transidentité est pour ainsi dire nouveau. Avant on s’intéressait aux opérations, au taux d’hormones, à quelle date vous aviez été opéré, etc. Dans cette série, la personne est inscrite dans un tissu relationnel, et non plus dans un cadre médical. De ce point de vue je pense que « Transparent » est susceptible de faire avancer la cause trans, conjointement à d’autres médiatisations comme celle de Laverne Cox par exemple, l’actrice de la série «Orange Is the New Black».

– Vous expliquez dans votre livre que le traitement médiatique de la transidentité verse souvent dans la «glamourisation» ou le misérabilisme. «Transparent» parvient-il à éviter ces écueils?
– L’histoire de Maura, elle est banale et extraordinaire à la fois. Elle est banale parce que c’est une transition assez courante dans les communautés trans. Elle est extraordinaire parce qu’on est encore une fois dans un bouleversement du genre, des attitudes. Son histoire n’est pas celle d’un deuil mais d’un épanouissement. Et dans ce sens là, c’est une histoire extraordinaire parce ce n’est pas forcément une histoire qu’on voit ou qu’on vit tous les jours. La majorité des gens ne connaissent les personnes trans que par les représentations médiatiques, elles n’en ont pas forcément rencontrées en vrai, et tout l’imaginaire qu’elles construisent autour des personnes trans, elles ne le font que par l’intermédiaire des médias.

» Karine Espineira «Médiacultures. La transidentité en télévision» (L’Harmattan, 2015)

One thought on “«Transparent», la série qui dédramatise la transidentité

  1. Merci pour ce bel article. Je suis toutefois surpris d’y trouver le terme « transsexualité », qui prête largement à confusion (puisque la transidentité n’est pas une sexualité) et que je croyais définitivement bani, particulièrement dans une publication 360°. Un oubli, sans doute 🙂

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