Lausanne

Grande rencontre des parentalités queers

sam 27 avril - dim 28 avril
Genève
#Installation

La Maison de Dorothy

jeu 25 avril - sam 4 mai
Genève
#exposition

Ex-eroticis: Art et fierté du livre secret

ven 26 avril - ven 31 mai
Genève

36 gr.

ven 26 avril, 23:00

Laura Jane Grace, transition punk

Icône d’une masculinité rock, la chanteuse du groupe Against me!, qui a révélé sa transexualité en 2012, témoigne de son parcours dans sa musique et dans une série de web-documentaires.

Son groupe porte un en forme de prémonition. Against me! – «Contre moi!». Anti-soi, contre-jour, vrai «je». Laura Jane Grace, mise au monde Thomas James Gabel aux premières heures des eighties, a fait de son parcours à travers le punk rock un cheminement identitaire. Lorsqu’elle annonce en 2012 la nécessité et l’imminence de sa transition, la scène indie, abasourdie, dégainait les gros titres. Le groupe allait-il se reconfigurer avec elle? Quelles seraient les nouvelles modalités de son image, de son profil sonore, de son rapport aux fans? Le dernier album de Against me!, «Transgender Dysphoria Blues» dissipait tous ces doutes à force de prose cathartique et de riff racé; il ressortait récemment dans plusieurs classements des meilleurs disques de 2014, notamment ceux de «Rolling Stone», «Stereo Gum» et «Fuse».

Grace en 2007, avant la transition.
Grace en 2007, avant la transition. Cliquer sur l’image pour agrandir.
Durant ses quinze premières années d’existence, les codes déployés par Against me! étaient ceux d’une masculinité tatouée, suante et rebelle, agrémentée de quelques têtes de mort, mâchoires de fauves rugissants et slogans jouissifs balancés à la face de la bienséance, de la société capitaliste et des gouvernements républicains. «Agressif, blanc, mec»: voilà comment Laura Jane Grace décrit dans une interview à «Guardian» les indispensables attributs du chanteur punk qu’elle se devait d’endosser. «Il faut gueuler à s’en arracher les poumons, être à cran à cause de ceci ou cela.» Sur scène ou dans les clips, les cuirs sont noirs, les muscles torse-nus, les harangues frénétiques. Ce qui, à certains égards, lui convenait bien. «Mais on devient aussi une parodie, et plus je m’en rendais compte, plus je me sentais frustrée.» Même les postures anti-conformismes ont leurs obligations, leurs règles, leurs interdits.

Fuck
Lorsque, à l’adolescence, Laura se met à dire «fuck» aux flics, à fumer des spliffs et à brandir les injonctions nihilistes du punk, elle sort d’une enfance marquée par l’autorité d’un père officier dans l’armée américaine et par la violence de l’éclatement familial à la suite d’un divorce vénéneux. Un profond sentiment persiste depuis toujours : celui de ne pas s’appartenir. A cinq ans, se rêver comme Madonna aperçue à la télé. A dix-sept, les cheveux en pétard et le jean élimé, fonder un groupe dont la rage est un barrage dressé face aux normes, aux regards qui blessent, aux regrets du droit chemin.

A l’aube du nouveau siècle, la hype propulse Against me! sur la route; dans le secret des chambres d’hôtel, Laura s’essaie au crossdressing. Mais, bientôt, le groupe signe un contrat avec une major du disques, et les exigences de la carrière prennent toute la place. «Alors tu fous tout dans un sac poubelle, tu vas derrière un magasin et tu balances tout dans un container.

«Alors tu fous tout dans un sac poubelle, tu vas derrière un magasin et tu balances tout dans un container. Parce qu’il y a la culpabilité, le danger du scandale, et que tu es terrifiée.»

tom-gabel-against-me
Le leader du groupe Against Me assume son identité trans (360°, mai 2012)
Succès. Mariage. Naissance. Laura ne dit rien à sa femme, mais soudain elle s’interroge. «J’ai réfléchi au modèle que je voulais être pour cet enfant. A ce qui était le plus important de lui transmettre. Etre honnête: voilà l’exemple que je voulais donner.» Si aujourd’hui Laura est séparée de sa femme Heather, elles continue d’éduquer leur fille. «Elle m’a dit une fois qu’elle ne voulait plus que je sois Laura, qu’elle voulait que je sois Tom à nouveau. Je lui ai juste répondu : «Je serai toujours ton père, ton parent, je t’aimerai toujours. C’est juste un nom.» Etre plus qu’un nom, plus qu’un genre, plus qu’un corps. Alors, même si elle n’a pas encore les cheveux de Julianne Moore dont elle «rêve parfois», Laura fait de sa réassignation un lieu d’expression et de dialogue, musical bien sûr, mais aussi multimédia, avec la production d’une série de mini-documentaires visibles sur le web, «True trans».

Les dix épisodes entrecroisent différents portraits pour raconter la diversité des désirs, des genres, des identités, avec une certaine naïveté, mais aussi beaucoup de franchise et de sensibilité. Laura Jane Grace: «J’explore, je comprends, je m’adapte au fur et à mesure. Je témoigne avec toutes mes contradictions et mes ambiguïtés. Je n’ai de loin pas tout réglé, et c’est très important pour moi de le souligner : être transsexuelle ne fait pas de moi une experte du genre et de la transition!»