Laura Jane Grace, transition punk
Icône d’une masculinité rock, la chanteuse du groupe Against me!, qui a révélé sa transexualité en 2012, témoigne de son parcours dans sa musique et dans une série de web-documentaires.
Son groupe porte un en forme de prémonition. Against me! – «Contre moi!». Anti-soi, contre-jour, vrai «je». Laura Jane Grace, mise au monde Thomas James Gabel aux premières heures des eighties, a fait de son parcours à travers le punk rock un cheminement identitaire. Lorsqu’elle annonce en 2012 la nécessité et l’imminence de sa transition, la scène indie, abasourdie, dégainait les gros titres. Le groupe allait-il se reconfigurer avec elle? Quelles seraient les nouvelles modalités de son image, de son profil sonore, de son rapport aux fans? Le dernier album de Against me!, «Transgender Dysphoria Blues» dissipait tous ces doutes à force de prose cathartique et de riff racé; il ressortait récemment dans plusieurs classements des meilleurs disques de 2014, notamment ceux de «Rolling Stone», «Stereo Gum» et «Fuse».
Fuck
Lorsque, à l’adolescence, Laura se met à dire «fuck» aux flics, à fumer des spliffs et à brandir les injonctions nihilistes du punk, elle sort d’une enfance marquée par l’autorité d’un père officier dans l’armée américaine et par la violence de l’éclatement familial à la suite d’un divorce vénéneux. Un profond sentiment persiste depuis toujours : celui de ne pas s’appartenir. A cinq ans, se rêver comme Madonna aperçue à la télé. A dix-sept, les cheveux en pétard et le jean élimé, fonder un groupe dont la rage est un barrage dressé face aux normes, aux regards qui blessent, aux regrets du droit chemin.
A l’aube du nouveau siècle, la hype propulse Against me! sur la route; dans le secret des chambres d’hôtel, Laura s’essaie au crossdressing. Mais, bientôt, le groupe signe un contrat avec une major du disques, et les exigences de la carrière prennent toute la place. «Alors tu fous tout dans un sac poubelle, tu vas derrière un magasin et tu balances tout dans un container.
«Alors tu fous tout dans un sac poubelle, tu vas derrière un magasin et tu balances tout dans un container. Parce qu’il y a la culpabilité, le danger du scandale, et que tu es terrifiée.»
Les dix épisodes entrecroisent différents portraits pour raconter la diversité des désirs, des genres, des identités, avec une certaine naïveté, mais aussi beaucoup de franchise et de sensibilité. Laura Jane Grace: «J’explore, je comprends, je m’adapte au fur et à mesure. Je témoigne avec toutes mes contradictions et mes ambiguïtés. Je n’ai de loin pas tout réglé, et c’est très important pour moi de le souligner : être transsexuelle ne fait pas de moi une experte du genre et de la transition!»