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Quand Nina Bouraoui parle des hommes

Un peu moins de deux ans après Mes mauvaises pensées (prix Renaudot 2005), Nina Bouraoui publie ces jours-ci un court roman intitulé Avant les hommes. Rendez-vous pris au bar du Lutetia, grand hôtel parisien. La classe. Nina Bouraoui est là, sagement assise, un verre de Perrier à la main, L’oiseau de Pierre Charras, dans l’autre. Naturellement la discussion glisse vers l’homosexualité, le désir, l’amour, etc.

Comment allez-vous ?
Très bien.

Avez-vous toujours de mauvaises pensées ?
Non, je n’ai plus de mauvaises pensées. J’ai su en rire finalement. Et puis être en vie c’est aussi avoir ces pensées-là, non ?!! Alors, ce n’était pas si grave.

Le narrateur d’Avant les hommes est un jeune homme de 17 ans. Finie l’autobiographie ?
Oui j’avais vraiment envie de me détacher du «je» autobiographique. Je crois que j’ai fait le tour de l’Algérie, de l’amour pour les femmes. Je voulais revenir à la liberté immense du roman.

Pourquoi ce personnage Jérémie ?
J’ai toujours été fascinée par la jeunesse et sa sensualité. C’est un état sauvage où on a l’impression que la sexualité va définir notre personnalité. Jérémie incarne parfaitement cela. Ses sentiments pour Sami sont violents. Il l’admire, il s’identifie à lui mais il n’y a pas d’amour au sens propre. C’est charnel. C’est un désir frustré, jamais satisfait. Il est dans le fantasme total.

Dans beaucoup de vos livres, vous avez évoqué vos amitiés avec des garçons homos. Vous vous en êtes inspiré pour ce livre ?
Non. Quand j’écris, je suis libre. Je ne suis ni fille ni garçon. Je me laisse emporter par l’écriture. Même si les thèmes sont assez différents, je reste dans «mes décors»: la jeunesse, le désir…Je crois que la mort et le désir sont toujours liés. Quand on est jeune, on est triste. Tous les sentiments sont exacerbés. On est seul. Chez les homosexuels c’est encore plus vrai. Avant de me mettre à l’écriture d’Avant les hommes, j’avais lu un rapport qui établissait que les jeunes homosexuels se suicidaient 7 fois plus que les autres. On n’en parle jamais de cela !

Vous dites avoir écrit Poupée Bella essentiellement la nuit. Et Avant les hommes ?
Si Poupée Bella est un livre de nuit, Avant les hommes est un livre de jour. C’est un petit livre mais il m’a demandé un travail énorme. Un an en tout. Surtout qu’avant ce texte final, j’ai jeté 200 pages ! Je m’étais rendu compte que je tombais dans le piège du jeunisme. J’avais trop caricaturé Jérémie dans ses manières et sa façon de parler. J’ai tout repris avec la volonté de donner plus de poésie au personnage. J’en ai fait un garçon sensible, aimant la lecture.

Est-ce que Jérémie vous ressemble au même âge ?
Contrairement à Jérémie j’ai reçu beaucoup d’amour. Mais comme lui je me sentais différente des autres. J’étais une amoureuse, tout le temps, très fort. Je m’inventais des histoires mais ça ne marchait pas. Je me disais que l’amour, ça ne devait pas être pour moi. Jérémie a une relation compliquée avec sa mère. Combien de filles et de garçons font couple avec leur mère ou leur père ? Enormément ! Ce n’est plus un secret : j’ai eu avec ma mère des rapports très fusionnels.

Vous vous plaisez toujours à Paris ?
Oui mais à vrai dire je vis beaucoup entre la France et la Suisse. (Rires). Qu’est-ce que ça fait chic de dire cela ! J’ai besoin de l’ébullition de Paris pour écrire mais j’aime aussi le calme de la Suisse, le contact plus immédiat à la nature. Et puis même si c’est très cliché de dire cela, je trouve les Suisses très gentils.

Avez-vous déjà d’autres projets pour la suite ?
J’aimerais continuer à faire vivre le personnage de Jérémie pour le voir évoluer dans ses relations. J’ai déjà les titres: «Avec les hommes», «Contre les hommes»… Rien n’est fait mais ce qui est sûr c’est que je ne veux pas attendre trop longtemps entre chaque livre. Je veux écrire, encore et toujours.

Avant les hommes ou l’incandescence du désir

En exergue du livre, ce titre d’une chanson de Belle & Sebastian: «Get me away from here, I’m dying». Jérémie, 17 ans vit avec sa mère dans un petit pavillon. C’est l’été, il s’ennuie. Il meurt à petit feu. Il aimerait disparaître. Dans son âme mille pensées d’entrechoquent. Pire, son corps devient le siège d’un désir inassouvi et dévastateur pour Sami, le caïd de la cité d’à côté. Il y a aussi Alex, l’ami de sa mère, qui traverse le jardin torse nu. Mais Alex est interdit. Comme pour Sami, plus il y a de l’interdit plus le désir culmine. Jérémie parle à la première personne. Et c’est son bouleversement intérieur que Nina Bouraoui nous donne à voir, à sentir, à palper dans un charivari de phrases courtes taillées comme des lames de rasoirs. Comment ne pas être touché l’absolue sincérité, de Jérémie, son innocence ? Nina Bouraoui signe là un dixième roman très réussi, hanté par la sensualité. Une œuvre charnelle. Tout en tension. Dans un style simple et limpide. Un pur régal.

Avant les hommes, Nina Bouraoui, éditions Stock.

Photo: © Anne Ferrier