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Baier se réinvente

Baier se réinvente

Le réalisateur lausannois Lionel Baier se met en scène pour une drôle de cavale entre autobiographie et fiction dans «Comme des voleurs (A l’Est)» au côté de Natacha Koutchoumov, que l’on retrouve avec bonheur dans l’univers du cinéaste, deux ans après «Garçon stupide»… en tant que frère et sœur, à la poursuite d’une identité qui reste toujours à réinventer.

Dans «Comme des voleurs», Lionel s’invente une nouvelle personnalité: une sorte de personnage rêvé?
Oui, c’est l’envie qu’a le personnage de se projeter lui-même dans un personnage de fiction afin d’optimiser sa propre vie, de se dire: «La vie telle qu’elle est tous les jours ne me convient pas» et d’en faire quelque chose de mieux en y ajoutant de la fiction, du rêve. Et puis le fait de se projeter à la recherche de ses origines polonaises, c’est comme une sorte de parcours de vie. C’est de l’ordre de la bouffée d’air frais.

Le film mêle réalité autobiographique et fiction: Comment cela s’est fait?
De façon assez naturelle. Il y avait une volonté de faire exister certains pans de ma vie parce que je les trouvais intéressants dramatiquement, comme la famille, le père pasteur, le fait qu’il ait une sœur ou encore l’homosexualité du personnage. Ensuite, pendant les repérages, on se dit: «Tiens, ce lieu il m’intéresse» ou ce quiproquo-là. Par exemple un jour, j’étais dans le même hôtel que quelqu’un qui porte mon nom et qui vient de Gdansk, le dernier endroit ou mon grand-père a habité. On se dit que c’est une coïncidence tellement incroyable qu’il faut l’utiliser dans le scénario. C’est des clins d’œil de la réalité qui sont forts.

Comment vois-tu l’élément de l’homosexualité dans le film ?
Aujourd’hui l’homosexualité est quelque chose de complètement courant et banal dans le monde médiatique. Le personnage du film, il forme avec son ami un couple extrêmement traditionnel, et tout le monde trouve ça formidable. Lui, il est assez emmerdé avec ça. Il lui faut trouver autre chose. Donc il vient avec une fille. Finalement, le fait qu’il ait envie de normalité et d’hétérosexualité, c’est ça, le côté extravagant du personnage.

Et dans ta vie, personnellement?
J’ai une relation avec la même personne depuis sept ans: des problèmes de couple comme tous les couples peuvent en avoir. Quand je discute avec mon frère ou ma sœur, je n’ai pas l’impression d’être en décalage complet, je vis les mêmes choses. D’une certaine façon, la question de la différence m’intéresse plus sur le fait de savoir si, à l’intérieur, tu continues à te battre pour assumer ton homosexualité ou si tu l’as assumée. Mais est-ce que quelqu’un a jamais complètement assumé sa sexualité tout court?

Quel est ton opinion par rapport au mouvement LGBT, à ses revendications et combats ?
Ce qui me fait le plus peur, c’est que j’ai l’impression qu’on est arrivé à un seuil de tolérance maximum. On voit ce qui se passe justement en Pologne, les élections en Belgique ou ici, avec l’UDC: un durcissement de tout. A un moment donné, les gens vont dire: «On en a assez, ça suffit maintenant vos mariages, vos trucs!» J’ai l’impression que l’on est dans un moment de latence, mais la lutte va reprendre de plus belle, d’autant que le retour de manivelle sera très violent. Et je ne pense pas qu’aux homosexuels, je pense à tout ce qui est considéré comme une minorité.

Dans tes films, il y a un thème récurent, celui du développement personnel…
Ce qui fait du personnage de Lionel quelqu’un qui peut se tenir debout, qui peut parler à sa sœur et qui a une certaine dignité, c’est qu’il décide de prendre sa vie en main. Rien n’est naturel, rien ne va de soi, tout se change. Et Lionel vit vraiment dans une espèce d’urgence de dire: «Il faut agir sur sa vie». Son copain lui dit: «Tu es homo et c’est l’ordre des choses», eh bien non! Si je n’ai pas envie de prendre le chemin qui est tracé, c’est mon devoir en tant qu’être humain de prendre les chemins de traverse, de faire autre chose, de se battre contre l’adversité, contre une forme de destin préétabli.

Tout le monde est-il armé de la même manière pour ce combat?
On ne peut jamais reprocher à quelqu’un de ne pas s’élever contre cette adversité. Je ne juge pas. Mais pour ma part, cela va à l’encontre de ce que je crois. J’ai horreur de l’idée du naturel, de ce qui va de soi. Je trouve que la vie humaine est intéressante parce qu’elle transforme. On ment, on raconte des histoires, on trafique la vérité, on trafique la nature qui est autour de nous: mais je trouve que c’est plutôt une valeur humaine intéressante de trafiquer, de vouloir changer.

…comme le cinéma d’ailleurs ?
Oui, comme le cinéma, qui est un bricolage avec la réalité, qui n’arrête pas de mentir sur ce qui est vrai et sur ce qui est faux. C’est pour ça que ça m’intéresse le cinéma, bien sûr !

Quel est ton meilleur souvenir dans la réalisation de «Comme des voleurs»?
C’est toujours le tournage. C’est le seul moment ou j’ai vraiment l’impression d’être bien. Tous les deux ans j’ai droit à un moment ou je vis pleinement un truc: cette fois, évidemment, c’était la partie polonaise qui m’a comme «lavé les yeux». J’y ai vu plein de choses que je n’aurais pas pu voir ici en Suisse.

Est-ce qu’il y a une chose qui te rend particulièrement heureux en voyant le film?
Par mon éducation et le milieu dans lequel j’ai grandi, arriver à poser sur la table ses émotions, avouer que j’ai des tripes, que j’ai pleuré, que j’ai beaucoup rigolé ou que je suis désespéré, ça ne se fait pas tellement. Dans ces conditions, je suis heureux de voir que j’arrive à en susciter chez les spectateurs. Très égoïstement, je me dis que j’arrive à créer de l’émotion chez d’autres personnes et donc je ne reproduis pas le schéma parfois un peu austère et compliqué duquel je suis issu. Et je me dis que c’est bien. Ca veut dire que je fais du travail sur moi.

Une cavale fraternelle

baier_web2.jpg5 ans après «La Parade (Notre Histoire)» et 2 ans après «Garçon stupide», Lionel Baier s’amuse à mêler fiction et réalité, humour et émotion, pour nous raconter l’histoire de Lionel, trentenaire, fils de pasteur, homosexuel, qui vit à Lausanne. Ayant appris l’existence d’un lointain grand-père polonais, il mène l’enquête sur ses origines. Petit à petit, son engouement pour la Pologne devient tel, qu’il va remettre en question toute la tranquillité de sa vie, de manière farfelue et fort excessive: Changement d’orientation sexuelle, obsessions maladives, mariage blanc… tout y passe. Devant l’absurdité de la situation, Lucie, la sœur aînée, décide de soigner le mal par le mal et d’emmener son frère en Pologne. Commence alors un voyage où la petite histoire de Lionel va se mêler à la grande, celle d’un peuple et d’un pays. Un voyage à la rencontre d’autres personnes et à la découverte de soi-même. Un road movie émouvant, drôle, profond… et réalisé avec une très belle sincérité.

«Comme des voleurs», de Lionel Baier, 1h44. Sortie en Suisse romande le 15 novembre.