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Disclosure, house maison

Les deux frangins de Disclosure, 40 ans à eux deux, sont en train de signer la régénération de la house music vocale depuis le grenier de chez papa-maman.

Je ne sais pas, lectrice, lecteur, lecteuse, si tu as récemment trainé tes sneakers ou tes mocassins à pompons dans un club un tant soit peu hip (un de ces endroits où on porte des sarouels, des marcels sans sous-tifs et des barbes cryptomarxistes), mais si c’est le cas tu auras sans doute observé que la house music signe son grand retour et dame allègrement le pion à la techno et à l’électro. Longtemps, les tenants du clubbing hip se sont fait un devoir de vomir sur le moindre track à danser qui comportât une trace de mélodie chantée – les ennemis jurés en la matière se nommant David Guetta, Avicii et Calvin Harris. On est swag ou on ne l’est pas. Mec.

Et puis, soudain, toute cette foule fièrement réclamée de l’internationale alternative se retrouve à se déhancher sur des éruptions vocales dignes de la fin des années 1990, et des basses transpirantes pompées au fin fond de la garage house. On ressort Masters at Work, on scande «Au Seve» du très en vue Julio Bashmore, bientôt Barbara Tucker sera à nouveau ton idole des jeunes. Si si.

Si je vous tartine tout ça, c’est parce que la dernière sensation en matière de nuit moite et sonore nous vient de la banlieue londonienne, répond au doux nom de Disclosure et achève le retour en grâce de la house music. Le temps d’un album, «Settle», les fères Guy et Howard Lawrence se sont fait projeter dans la stratosphère des dancefloors mondiaux, enchaînant dans les deux prochains mois des gigs au Japon, en Australie, aux States et au Royaume Uni. C’est peu dire que les teenagers en chemises à carreau et pendentifs triangulaires des cinq continents ont l’impression de découvrir la lune, alors qu’en fait ils découvrent que oui, il y avait de la musique électronique même avant leur naissance dans la seconde moitié des années 1990.

Fruitée, bruyante, collante
Bien sûr, les frangins s’en défendent à grand renfort d’appellations génériques – «dance», «pop», «crossover » – et de qualificatifs métaphoriques – «fruitée, bruyante et collante». Mais ne nous y trompons pas: ce que les garnements de Disclosure sont en train de faire, à même pas 20 ans, c’est de recycler l’héritage nineties de Kenny Dixon Jr, Ron Trent et consort. D’ailleurs ils tiennent D’Angelo en très haute estime, et citent Michael Jackson quand on leur demande quelle serait la voix idéale pour une collaboration. Ben voyons.

Ce qui n’empêche pas Guy et Howard de faire la démonstration d’un talent insolent au long de «Settle», 18 titres distillés en tout artisanat dans un studio de fortune installé dans l’attique au-dessus de la salle de vente que tient leur père dans le sud-ouest de Londres. Ces deux fils d’un rocker à ses heures et d’une mère chanteuse de croisière se faisaient remarquer en 2010 déjà, au gré d’un titre produit sur l’autoradio de Guy. Récupéré par Greco-Roman, le label de Hot Chip, ils affirment une recette déjà bien huilée, à savoir les riffs de deep house au groove contagieux de Howard sur lesquels Guy pose des vocaux outrageusement cheesy, qu’il chante lui-même ou confie à quelques copines aux gorges évidemment sucrées – AlunaGeorge et Sasha Keable en tête de liste.

Le résultat, formidablement addictif et méchamment bien envoyé, semble déjà trop bien installé dans les charts pour convaincre la frange la plus poilue du revival house. Avec leurs mentons imberbes et leurs visages poupon, les Disclosure semblent il est vrai plus proches de One Direction que de Carl Cox en termes de communication. Mignons et sympas (non ce ne sont pas forcément des insultes), ils racontent volontiers ne se battre pour rien d’autre que la nourriture, et se montrent tout sourire sur la couverture du magazine NME, qui n’hésite pas à les qualifier de «fun»… David Guetta et Calvin Harris n’ont qu’à bien se tenir.

Disclosure, «Settle» (Island Records)