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Rosa von Praunheim: flashback sur une icône

Le réalisateur, 70 ans, a écrit les grandes lignes de l'histoire du mouvement gay en Allemagne. Un centre culturel berlinois lui consacre une grande rétrospective, à découvrir jusqu'au 17 février.

«Les pédés ne veulent pas être pédés. Ils ne veulent pas être différents, mais ils veulent vivre d’une façon aussi petit-bourgeois et kitsch que le citoyen moyen. [ … ] Ils sont politiquement passifs et se comportent de façon conservatrice par gratitude de ne pas être battus à mort. Ce ne sont pas les homosexuels qui sont pervers, mais la situation dans laquelle ils sont contraints de vivre.»

C’est avec ces mots trempés dans l’acide que Rosa von Praunheim s’est fait un nom. Dans son film devenu culte Nicht der Homosexuelle ist pervers, sondern die Situation, in der er lebt («Ce n’est pas l’homosexuel qui est pervers, mais la situation dans laquelle il est»), il reproche aux gays leur absence d’engagement politique, à travers une succession de vignettes pleines d’humour sur le quotidien des homos, commentées par une voix off au ton professoral qui rappelle les premiers documentaires ethnographiques sur les tribus lointaines.

Un scandale
Dans l’Allemagne du début des années 1970, où l’homosexualité vient à peine d’être radiée de la liste des délits, le film fait scandale. Le «New York Times» le décrira comme «un appel marxiste pour en finir avec la répression des homos». Non seulement la carrière artistique et politique de Rosa von Praunheim est lancée, mais ce dernier entraîne aussi avec lui des dizaines de gays à qui il a donné le courage de sortir du placard. Comme il aime à le répéter, une cinquantaine d’associations de défense des droits des homosexuels ont vu le jour en Allemagne dans la foulée de la sortie de son film. Né pendant la Seconde guerre mondiale dans une prison de Riga, Holger Mischwitzky de son vrai nom, est séparé de sa mère à la naissance – et n’apprendra son identité que récemment, des années après sa mort. Adopté par une famille allemande, il grandit d’abord près de Berlin, en ex-RDA, puis à Francfort, ses parents ayant pris la fuite à l’Ouest.

Il s’intéresse à la mise en scène, écrit, étudie la peinture, puis à 20 ans décide de tout plaquer pour aller s’installer dans la capitale. C’est là qu’il tournera ses premiers films. «À l’époque du Mur, Berlin était une île pour beaucoup de freaks. Autrefois quand on vivait à Berlin on n’était pas obligé de faire le service militaire, c’est pour ça que de nombreux jeunes venaient. Il y avait beaucoup de gens intéressants, c’était une ville très politique et très créative. Et elle l’est toujours», explique Rosa von Praunheim, assis dans la cuisine bordélique de son vieil appartement berlinois.

Un nom, un symbole
C’est à cette époque qu’il prend son nom d’artiste: Rosa, en souvenir des homosexuels affublés du triangle rose à leur arrivée dans les camps de la mort, auquel il accole von Praunheim, du nom de la banlieue au nord de Francfort dans laquelle il a grandi, pour ne pas oublier d’où il vient.

Boulimique de travail, il a plus de 70 films à son actif, fictions e documentaires, parmi lesquels de nombreux portraits – et vient d’en réaliser 70 autres à l’occasion de son anniversaire en novembre dernier. Quand il ne tourne pas, il écrit des livres et dessine des animaux imaginaires. Bien qu’une grande partie de son œuvre filmique ne soit pas militante, il n’hésite pas à monter au créneau, comme quand dans les années 1990, lorsque, perdant ses amis l’un après l’autre, il consacra une trilogie au fléau du sida et alla même jusqu’à outer des homos célèbres pour attirer l’attention. Son goût pour la provocation et son égocentrisme revendiqué font de lui un personnage controversé au sein de la communauté gay. Ex-admirateur devenu l’un de ses détracteurs, le journaliste Elmar Kraushaar le décrit dans le magazine LGBT «Siegessäule» comme «un individualiste, un solitaire, poursuivant ses propres projets avec ambition».

Électron libre, certes, mais les sujets de ses films racontent en creux un homme plus à l’écoute des autres que de sa mégalo, à l’image de son dernier docu Die Jungs vom Bahnhof Zoo, portrait sensible de jeunes prostitués des trottoirs de Berlin.

Rosa von Praunheim: Rosen haben Dornen, Haus am Lützowplatz; jusqu’au 17 février 2013.
www.hausamluetzowplatz-berlin.de