Dreyfus, victime d’un complot antisémite… et homophobe?
Un livre exhume une relation homosexuelle entre deux protagonistes de l'«Affaire». Elle pourrait avoir joué un rôle dans la condamnation du capitaine Alfred Dreyfus pour trahison, en 1894.
L’«Affaire» déchira la France de la Belle époque. En 1894, le capitaine Dreyfus était arrêté et déporté en Guyane pour espionnage au profit de l’Allemagne. Il faudra douze pour qu’il soit finalement réhabilité et que les auteurs de la machination soient démasqués. Un ouvrage paru le mois dernier éclaire une facette peu connue du procès Dreyfus. L’accusation était basée pour une large part sur des documents secrets transmis aux juges par la Section de statistiques (le Contre-espionnage). Selon trois historiens, ce «dossier», aujourd’hui perdu au milieu d’une avalanche de documents et de faux, comprenait probablement des insinuations sur l’homosexualité de l’officier français.
«Alexandrine» et «Maximilienne»
De fait, l’attaché militaire de l’ambassade d’Allemagne à Paris auquel Dreyfus était accusé d’avoir livré des secrets d’Etat, Maximilian von Schwartzkoppen, aurait été l’amant de son homologue italien, Alessandro Panizzardi. Cette relation torride est conservée sous forme de correspondance. Les deux hommes s’y appellent «Alexandrine» et «Maximilienne», ou encore «ma petite belle», «mon grand bourreau», et y évoquent caresses et petits cadeaux.
L’homosexualité n’était pas inconnue dans le Paris aristocratique de 1890. Inutile de dire qu’elle était néanmoins très sévèrement jugée. Il n’y a pas de référence explicite au fait que Dreyfus ait partagé ces goûts sexuels. Cependant, les auteurs estime probable que les prétendus liens de Dreyfus avec ce couple de «pédérastes» aggravait son cas. Il s’agissait, écrivent-ils, de «provoquer un effet de scandale en révulsant les juges».
«Le Dossier secret de l’affaire Dreyfus», par Pierre Gervais, Pauline Peretz, Pierre Stutin. Ed. Alma. Extraits à lire dans «L’Express».