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La traque des «fausses femmes»

L'histoire du sport est truffée de cas de femmes qui ont été soupçonnées de posséder des «caractéristiques masculines» aptes à les disqualifier. 80 ans de suspicions et d'humiliations sur fond de guerre contre le communisme et, désormais, de peur des pays émergents.

» Diaporama: 11 athlètes au genre non conforme, de 1924 à 2012.

Malgré la conception misogyne, sous Pierre de Coubertin, d’un olympisme qui mériterait d’être réservé aux hommes, les années folles et le vent de libération qui souffle dans les années 1920 font entrer les femmes dans les stades, venant concurrencer ainsi le spectacle offert par les hommes. Dans les années 1930, celles qui s’illustrent par des performances ne tardent pourtant pas à être suspectées d’être «en réalité des hommes».

Mais c’est surtout dès les années 1950-60 que le sport et en particulier la compétition pour les médailles cristallisent l’affrontement politique entre l’Occident et le bloc de l’Est. En pleine guerre froide, les épreuves féminines n’échappent pas à cette lecture politique. Les athlètes soviétiques et celles portant les couleurs d’un pays satellitaire de l’URSS sont régulièrement perçues dans les médias occidentaux comme hyper-musclées, viriles et ultra-masculines. «La question du sexe des sportives de haut niveau, avec celle du dopage, devient l’instrument d’un véritable affrontement politique dont l’objectif est de remettre en cause la puissance rivale en l’accusant de tricherie», souligne Anaïs Bohuon. Or à cette époque, l’amalgame est vite fait entre le recours intensif au dopage dans le conditionnement des athlètes du bloc de l’Est (le recours à la testostérone est apte à transformer les corps) et le soupçon de falsification de l’identité sexuelle de ces mêmes athlètes. C’est dans ce contexte très politique que sont introduits à la fin des années 1960 les tests systématiques de féminité, destinés à traquer les «fausses femmes», et qui assoient, encore aujourd’hui, la conception binaire des sexe auprès des instances sportives internationales. Ils seront appliqués à toutes les athlètes jusqu’en 1999. Toutes? Pas tout à fait, car devant le soupçon de tricherie sur le genre, tout le monde n’est pas égal: en 1976, la Princesse Ann, qui est alors membre de l’équipe équestre britannique, est dispensée de cet affront…

«J’ai raté, je n’ai pas assez de poitrine»
«On faisait la queue devant une pièce où trois médecins étaient assis en rang derrière un bureau. Tu devais y aller, enlever ton t-shirt et baisser tes pantalons. Les médecins te regardaient pour dire si oui ou non tu étais OK. Je me souviens d’une sprinteuse petite et maigre, sortant de la pièce en secouant la tête, en disant: «J’ai raté, je n’ai pas assez de poitrine», raconte la lanceuse de poids américaine Maren Sidler, au sujet d’un examen pratiqué en 1967.

Après les humiliants examens de l’anatomie génitale arrive le test du corpuscule de Barr, un prélèvement de salive destiné à chercher le X manquant dans les chromosomes des athlètes féminines. En 1967, la Polonaise Ewa Klobukowska est la première à échouer à ce test. Elle est exclue avant de se faire blanchir en 1970. Peu fiable, le test est remplacé en 1972, puis en 1980 par d’autres tests chromosomiques qui s’évertuent toujours à définir la femme par la seule biologie. A partir des années 1990, la guerre froide est bel et bien finie, mais l’affrontement Est-Ouest se déplace bientôt sur l’axe Nord/ Sud, avec des soupçons se portant de plus en plus sur les pays émergents. Trois athlètes du Brésil, de l’Inde, de l’Afrique du Sud ont fait ces dernières années la Une des «fraudes de genre: «Non seulement les organisations sportives internationales sont plus enclines à mettre en doute le sexe des athlètes qui défendent les couleurs des pays dits aujourd’hui “du Sud”, mais qui plus est, elles développent manifestement une culture du soupçon à l’égard de certaines fédérations sportives nationales, qui tairaient délibérément la vérité dans le but d’obtenir des médailles et de se positionner sur la scène internationale sportive et politique», analyse Anaïs Bohuon dans son livre. L’argument d’une «médicalisation insuffisante» des pays du sud est aussi invoqué pour justifier le recours au test sur les athlètes et leur prise en charge (hormonothérapie) par les instances sportives, qu’elles vendent comme un engagement de santé publique.

Pour les JO de 2004 d’Athènes, ô progrès, le CIO fait entrer les athlètes transgenre dans son vocabulaire, mais pour les contraindre à un protocole précis pour être apte à concourir: il faudra que l’opération de changement de sexe soit entièrement achevée et que l’athlète ait été soumis(e) à un traitement hormonal évalué à au moins deux ans. En 2012, le test consistant à traquer l’hyperandrogynie est la dernière version des tests de genre. Avec une innovation majeure: désormais, les instances du sport ne se contentent plus d’exclure toutes les athlètes qui ne coïncident pas avec ses catégories de pensée ; elles ont trouvé des remèdes pour les faire rentrer dans le rang des «femmes acceptables».

Pour en savoir plus: Anaïs Bohuon, Le test de féminité dans les compétitions sportives: une histoire classée x, éditions iXe, juin 2012

4 thoughts on “La traque des «fausses femmes»

  1. Merci pour cet article et les quelques « cas » présentés au-dessus, qui montrent bien de quelle façon aberrante certaines athlètes ont été et sont, toujours, traitées (le summum ayant été atteint au XXIe siècle, avec le traitement médiatique international odieux réservé à Caster Semenya, à qui on ne peut souhaiter que le meilleur pour ces prochains Jeux, mmême si la lourde hormono« thérapie » qu’on lui impose compromet grandement ses chances).

  2. Info culture générale: Un des deux X n’est pas manquant mais inactivé chez les femmes XX (et chez les hermaphrodites XXY aussi je pense).

  3. Je suis 100% masculin, mais je veux devenir une femme. Comment ça marche chez vous.
    Est-ce que en prenant des hormones feminins, on risque de devenir obèse, un monstre, comment achanger la voix trops grave
    Avez des traitements chez vous qu’en puissent acheter par internet?. Faut-il bloquer la testosterone pour ne pas devoir prendre l’oestrogène tout sa vie

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