Des rappeuses amoureuses
THEESatisfaction, où comment la queeritude de deux étudiantes de Seattle s'est transformée en romance hip-hop et militante.
Du rap fait à quatre mains, vécu à quatre saisons. Loin de Los Angeles et son soleil de plomb, loin de Harlem et ses académiciens du son. Stasia Irons et Catherine Harris-White, alias THEESatisfaction, fomentent une musique libre et capricieuse comme la météo océanique. «Le ciel de Seattle est imprévisible et impulsif, il peut y avoir de la neige, de la pluie et du soleil dans la même journée», aiment-elles dire en interview. «Le hip-hop d’ici a gardé cette fluidité.» Diversité des climats, et des identités. Femmes, noires, lesbiennes: hors de l’axe traditionnel East Coast – West Coast, les deux membres de THEESatisfaction embrassent leur condition triplement minoritaire au fil d’un premier album en forme de kaléidoscope. Loops de funk hédoniste ou de jazz intempestif, mantras rythmiques sous des pianos alanguis, «awE naturalE» vous enveloppe dans son groove irrésistiblement protéiforme.
Battles syllabiques
L’entrelacs des textes scandés et des lignes vocales, à l’ombre de la grande Lauryn Hill, joue sur les mots et les influences. Revendications militantes sur un souffle de Malcolm X, visages de l’intimité au creux d’une boucle de saxophone, battles syllabiques aux fraîcheurs de premier rendez-vous. «awE naturalE» dégage cette séduction de l’instant, ce sourire du décloisonnement qui fleurent bon la liberté. «On a beaucoup réfléchi à l’idée selon laquelle l’anglais serait un langage qui ne nous appartiendrait pas à nous autres Afro-Américain(e)s», notent Stas et Cat. «Nous aimons considérer la langue comme un terrain de jeu, et de transformation. Objectivement, il est possible de le modeler à l’infini. C’est une manière de montrer qu’il nous appartient désormais.»
Premiers émois
La revanche par la poésie, en quelque sorte. Quand elles se remémorent leurs années de lycée, les deux femmes disent la difficulté de se sentir «queerdoes», contraction de queer et «weirdoes» («bizarre»). Elles ne se connaissent pas encore ; ce sont les bancs de l’université qui les rapprocheront bientôt. Stas, la slammeuse du duo, tombe sous le charme de la voix de Cat. «Je la suivais secrètement dans des soirées open mic. J’ai finalement été lui parler… ça a pris un moment.» La musique est d’abord le lieu d’un certain romantisme. «On s’est connectées par le son, et puis peu à peu les sentiments ont émergé.» L’occasion de se chanter mutuellement les comptines des premiers émois, en mode Jill Scott-Heron et afrofuturisme. Ou encore TLC, trio R&B pour lequel Stas et Cat partagent une certaine vénération. «En concert, elles allaient jusqu’à porter des capotes devant leurs yeux!» Sur leurs fingues aussi, histoire de décomplexer l’Amérique mainstream des années 1990, encore prompte aux préjugés. «C’est super inspirant. Les TLC avaient un sens de l’engagement politique, mais version fun!» Action, satisfaction, THEESatisfaction.
“Femmes, noires, lesbiennes(…)leur condition triplement minoritaire”
Depuis quand être une femme c’est appartenir à une minorité ? Il y a plus de femmes en suisse ( et dans le monde ) que d’hommes et pourtant nous sommes toujours considérées et donc traitées comme une minorité. Je comprends bien évidemment ce que vous voulez dire, et que minoritaire ici signifie opprimée. Il me semble cependant qu’il faille être vigilant-e-s sur le vocabulaire employé qui ici trahit l’impression générale du masculin neutre et commun face au féminin spécifique et minoritaire. Cela joue le jeu du sexisme.