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Rudolf Brazda: mémoire vive

Rudolf Brazda: mémoire vive

Le dernier déporté homosexuel connu, qui a été nommé chevalier de la Légion d’honneur par la France le 24 avril dernier, évoque son incroyable traversée du siècle dernier.

8 août 1942. Un homme coud un triangle rose sur son uniforme de prisonnier, dans le camp de concentration de Buchenwald. Presque 70 ans plus tard, un samedi de février, le même homme est là, au local genevois de Dialogai. A 97 ans, Rudolf Brazda vous observe d’un œil malicieux. Quand on lui demande si le camp le hante encore, il lance : «J’ai tout oublié et j’ai vécu heureux!» Une boutade: même si l’esprit prend parfois la tangente, les souvenirs sont là. D’abord ceux d’une époque insouciante, au début des années 1930. Né Tchécoslovaque en Allemagne, il est alors un jeune homme séduisant. Et un fêtard qui réunit autour de lui une clique de jeunes homos, hommes et femmes. Nous ne sommes pourtant pas à Berlin, mais à Meuselwitz, une bourgade du côté de Leipzig. On y rit, on y flirte, on part en virées, travestis à l’occasion. Le petit cercle est accepté par les proches de Rudolf : il y aura ainsi ces « noces » avec son ami d’alors, dans la maison familiale.

Traqué par les nazis
«C’était une chose normale. Nous étions des gens libres… Jusqu’à ce que les nazis prennent le pouvoir», explique Rudolf. Première cassure en 1937. Une dénonciation vise l’un de ses amis. La police remonte jusqu’à lui. Verdict : six mois de prison. Après avoir purgé sa peine, le voilà expulsé vers la Tchécoslovaquie. Il y entame une vie de bohème, vendant des cosmétiques aux prostituées de la ville et fréquentant une troupe de théâtre. Mais le nazisme le rattrape quand la région est envahie par l’Allemagne. La police aura vite fait de le retrouver, à la faveur d’une petite annonce publiée imprudemment par l’un de ses amis. Dans sa passionnante biographie, Jean-Luc Schwab détaille avec quel zèle la justice nazie traque un à un les amis homosexuels du suspect. Rudolf est pris dans l’engrenage. Pressions et bluff le font avouer. Quatorze mois de prison, au bout desquels le véritable cauchemar commence : un transfert à Buchenwald. Des 239’000 personnes qui y seront internées, 56’000 y succomberont. Rudolf est sauvé par son métier, couvreur – il est affecté à l’entretien du camp –, et par la solidarité de ses codétenus.

Le visage de la dignité
Ce qui a poussé le nonagénaire à ne sortir de l’anonymat qu’en 2008? Peut-être la mort, en 2003, de son grand amour, Edi, avec qui il avait refait sa vie à Mulhouse. Aujourd’hui, Rudolf reste animé d’une prodigieuse vitalité. Sans doute la dignité de faire partie de l’«élite de l’humanité», comme le lui avait dit un officier américain à la libération du camp, n’y est-elle pas pour rien.

« Rudolf Brazda, Itinéraire d’un Triangle rose » de J.-L. Schwab. Ed. Florent Massot, 2010.

(Article paru dans le 360° de mai 2011)