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Edwin Ramirez

ven 26 avril - dim 28 avril

Plongée dans le burlesque berlinois

A Berlin, le burlesque revit des heures de gloire dans les clubs et bars de la ville. A condition de ne pas se laisser embarquer dans les ersatz sans saveur. Récit.

Partir en quête du néo-burlesque berlinois nécessite une bonne boussole. Burlesque night, Fête fatale, burlesque freak show, Grotesque party: l’offre est touffue. Il y a moyen de tomber dans le panneau d’une mode qui bat son plein depuis le revival américain de la fin des 90’s, encore plus depuis qu’Hollywood en a pondu sa version avec Cher et Christine Aguilera. «Un navet», tacle Julietta La Doll, jeune performeuse berlinoise, blonde platine, au look hôtesse de l’air des fifties. «C’est tout sauf du burlesque! Depuis on nous demande des danseuses et des chorégraphies. C’est très loin de ce qu’on fait.» Ce qu’elles font? Revenir aux racines du cabaret burlesque des années 20, y ajouter l’esthétique pin-up des années 50 avec effeuillage, arroser d’un brin de swing ou de rock selon l’humeur. Présenter en forme de cabaret pour exciter, et aussi faire rire. Réapparu dans la capitale allemande dans les années 2000, le burlesque attire aujourd’hui des artistes du monde entier. Et les soirées se multiplient, quitte à décevoir, comme ma virée au Salon Kokett.

Attrape-touristes
Cette dernière née des soirées burlesques s’est trouvé le CCP comme écrin, en plein Mitte branché. Aux manettes, Else Edelstahl, connue pour ses invitations à la Bohème sauvage dans un décor années 20: tables de casino, sautoirs de perle et coiffures à la garçonne, strip tease à plumes, on s’y croirait. Mais ce samedi soir au CCP, on en est très loin. A l’intérieur, je m’attends à un public looké et glamour. Keine! Ah si, là, dans le coin deux jupes à froufrous et franges bien lissées. Même la prestation de Molly Black, alias Clea Cuthroat, est décevante. Dans son bas résille ajouré, elle playback Lady Gaga avec un téléphone en carton. Ça se finit en bière dégoulinante entre les seins. Cinq minutes de show passe-partout.

Loin, très loin de ses performances trash aux côtés de Bonaparte, groupe punk glam berlinois avec qui elle tourne. Le son est mauvais, les regards des garçons embués, la bière chère. Au secours! Je m’en vais parler à Clea qui revient séchée et souriante des coulisses. Perchée sur des jambes sans fin, serrée dans un corset noir, la belle Américaine s’assoit aux côtés de sa brune, satisfaite. «Je trouve que l’ambiance est bonne. C’est un lieu que j’aime bien, ça fait partie des lieux du burlesque underground.» Ah bon? «Salon Kokett, c’est tout nouveau, c’est un peu pour les touristes. Eva Edelstahl organise déjà la Bohème Sauvage et la Fête Fatale. Peut-être que là, elle commence à surfer sur la vague», estime Sheila Wolf, grande pin-up brune la nuit, père de famille tatoué le jour. Son site queerlesque qui existe depuis 2003 est une mine d’infos pour qui veut découvrir la scène berlinoise. «Ce n’est pas là que tu verras le vrai burlesque, en tout cas son esprit. Même si j’aime beaucoup ce que fait Clea.»

Burlesque et scène rockabilly
La belle lesbienne new-yorkaise se rattrape effectivement une semaine plus tard au show freak burlesque des Teaserettes. Place au punk, au queer, au déluré avec son groupe Eat lipstick pour le rendez-vous mensuel du Wild at heart, vieux bastion rockabilly de Kreuzberg. Costumes, bananes, rousses pimpantes, brunettes excitantes, le ton a changé. Et là où le burlesque fait des prouesses, c’est qu’il débarrasse le rock de ses atours macho. La chanteuse punk est un magnifique travesti, les blondes affriolantes en habit de soubrette se font trucider à coups de couteaux par un nain nommé Tiger et, quand une fausse Withney Houston travestie rentre en piste, c’est pour supplier «fuck me when you can».

La troupe berlinoise emmenée par la blonde Sandra Steffl alias Sandy Beach existe depuis 2004. Douze artistes, des femmes mais aussi des hommes, composent ce petit cirque burlesque qui balade ses spectacles érotico-comiques dans toute l’Europe. L’ambiance est au rire, à 
l’improvisation, au spontané. Le show dure plus d’une heure non stop, l’esprit de troupe fait plaisir à voir. Les touristes sont restés à quai à Alexander Platz. «Jouer ici c’est un peu comme jouer en famille», m’explique Zora, alias Miss Popalina, qui vient de se déshabiller dans un numéro très frenchy. «Tout le monde vient de la scène rockabilly, on a quelque chose en commun.» Les tatouages sont le costume le mieux partagé. Autre moteur: la comédie. «Pour moi le burlesque c’est certes le strip tease, mais il faut surtout une histoire, une personnalité et de l’humour, sinon on reste dans la pâle copie et dans la nostalgie», confie Sheila. Zora y ajouterait un message politique. «Le burlesque c’est dire aux femmes qu’elles n’ont plus à se cacher, qu’elles peuvent s’affirmer, peu importe si elles ne correspondent pas aux canons de la beauté, peu importe leur milieu social. C’est du féminisme en moins sérieux, en plus érotique.» C’est cet esprit qu’elles essaient de faire passer dans leurs workshops burlesques organisés sur un week-end. Cinq ou six cobayes y apprennent l’art de se coiffer, se maquiller et se déshabiller, s’inventer un personnage, devenir autre, faire rire et exciter. «C’est génial, il y a des femmes âgées, des employées des impôts, des profs. Le mois prochain on accueille même notre premier homme!», savoure déjà Sandra.

Belles à plume
Ma tournée des soirées ne serait pas complète sans une visite dans l’autre famille burlesque berlinoise, celle dite «classique» des jolies filles à plumes. Il faut aller la chercher du côté de Lady Lou et son école «Schönheit Tanz», de Julietta La Doll et de la Fête Fatale, grand rendez-vous semestriel. Entre les deux mondes, il n’existe pas vraiment de concurrence mais les artistes se côtoient peu. «J’aime bien ce que font les Teaserettes mais ce genre comédie n’est pas mon style», m’explique Julietta. Du haut de ses 24 ans, elle fait figure de jeunette dans une scène plutôt mature. Je la retrouve pour le Pinky’s Peep show, au Bassy Club, repère rock et chic de Mitte. Ici, les filles sont lookées, belles, élégantes, une blonde au look hôtesse de l’air se saisit d’un micro rétro pour lancer «La belle Julietta la Doll». Arrivée dans une grande robe noire ajustée, avec couronne et plumes, Julietta se lance dans un déshabillage en règle avec moues lascives et yeux papillonnants. Un peu lisse. Avant elle, Miss Beautiful Jewels avait avalé des épées dans une jolie petite tenue rose chair. «Tu verras c’est encore autre chose», m’avait prévenu Sheila. «Un entre-deux entre le CCP et le Wild at heart, mais moi j’aime bien». Sheila, intarissable sur le sujet, me conseille encore la Fête Fatale, le grand cabaret des Teaserettes au Roadrunners, les folles soirées de Chantal’s House of Shame dans un registre plus queer le jeudi au Bassy. La nuit burlesque berlinoise n’en n’a jamais assez. Mais moi je vais me coucher.

» Programme des soirées sur bassy-club.de, 
teaserettes.de, salonkokett.de, queerlesque.de

Les must-have des soirées burlesques

Hôtesse de l’air Jambes galbées, jupes fendues et moulantes mais sous le genou, carré élégant, petit bibi de travers. De préférence blonde platine avec un rouge à lèvres cramoisi. Battre des cils et marcher à petits pas. Siroter un cocktail.
Queerlesque Bon goût à mettre au placard. Résilles déchirées, minishorts à paillette, docks lacées ou plateforme boots. Un détail fifties: un bandeau dans les cheveux, une frange bien courte. S’envoyer un shot de vodka.
Rockeur(se) On sort les tatouages, on banane les cheveux, on gomine. Les jupettes se font courtes, arrondies, froufroutantes. Les garçons peuvent se la jouer débardeur blanc ou chemise boutonnée jusqu’en haut. Mâcher du chewing gum entre deux gorgées de bière.
Années 20 Retour aux origines. Collier de perles sur une nuisette en soie rose et 
un ruban pour cintrer le front. Costards et bretelles pour les garçons. Trinquer 
au Sekt.