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Amazone

Amazone

Enfouie en moi, la tentation était grande: de rendre coup sur coup, œil pour œil et dent pour dent. Sans honte et fière, j’avais l’âme guerrière. Amazone.

D’aussi loin qu’il m’en souvienne, je n’ai jamais ressenti de honte. Ce sentiment délétère ne m’a jamais habitée. Un autre s’était installé en mon âme: la crainte. L’incompréhension, face aux violences que déclenchaient mes différences et mon incapacité d’appartenir ou de me soumettre à toute dominance, l’avait fait naître. De cette crainte ont émergé la révolte et la colère qui, ne pouvant s’exprimer, me rongeaient. Comme en réponse aux humiliations, j’ai commencé à comploter dans le secret de mon alcôve, brûlant mon sein droit au fer rouge pour faciliter le port du carquois contenant les flèches enflammées de mes vengeances futures.

Jusqu’au jour où j’ai commencé à réaliser que, sans nul témoin, croyant me délivrer des outrages, mes monologues intérieurs ne faisaient qu’empêcher mes plaies de se refermer, instillant en elles le venin à d’autres destiné. Pour une satisfaction illusoire, en mes veines un sang noir coulait, m’empoisonnant lentement, me rendant peu à peu pareille à celle·ux qui me maltraitaient. Face aux miroirs, dans les ascenseurs, je me surprenais même à régler mentalement mes comptes, vociférant intérieurement mes doléances à celle·ux que je faisais exister, les substituant à mon reflet. Mais là encore, il n’y avait que moi. Cette peine secrète devait cesser, il me fallait changer.

Ne plus jamais baisser le regard – quelles qu’en soient les conséquences – et me redresser, fière, devant les horizons

Pour mener à bien cette métamorphose, il m’a fallu prendre une décision: ne plus jamais baisser le regard – quelles qu’en soient les conséquences – et me redresser, fière, devant les horizons. Curieusement, comme en un battement de cils, toutes mes rancœurs se sont évaporées dans l’Éther. Parfois, comme une trace inscrite dans ma chair, une petite voix en colère se fait entendre. Alors, je lui parle, doucement comme une mère à son enfant. Je la berce et elle s’apaise.