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L’inconnu du fleuve 

L’inconnu du fleuve 

En été, s’ouvrent de nouveaux espaces de rencontres sauvages. Des interstices, des trous de mémoire

En été, s’ouvrent de nouveaux espaces de rencontres sauvages. Des interstices, des trous de mémoire dans le paysage, où la vie peut s’infiltrer et se réinventer. En marge de voies ferrées, dans de petits bois, sur des rivages difficilement atteignables, dans les rares friches qui restent dans les régions denses et urbaines. Dans les bosquets d’un parc.

C’est là-bas, sur une île du Danube, parmi les merisiers et les fleurs de pois de senteur: un jeune homme à barbe brune te suit sur un sentier. Les arbres forment une nasse autour de vous, pour vous protéger. Tu prends dans ta main, dans ta bouche, son sexe tendu. Il est brûlant et pourtant il a la fraîcheur du fleuve. Tu sais que ce corps est le centre de l’été, le faîte de l’année, que le temps s’immobilise. Votre semence tombe sur la terre sèche, vous souriez. Tu entends sa voix pour la première fois. Il porte un nom israélien, tu le prononces mal et il se moque de ton accent français. Les graines cotonneuses des saules, comme des flocons de neige, essaiment plus loin la douceur.

Le soir a une odeur de sureau, de couilles et d’humus. 

Dans le jour vidé de son sang, le visage du garçon inconnu paraît de plus en plus doux, contours polis, un visage-galet plongé dans ce bras du Danube où vous vous êtes baignés sans vous connaître. Il disparaît et déjà tu l’oublies. Avec le soir, vos visages glissent, si doux à reconstruire, on dirait de la cire. Lentement, ils renoncent à être eux.

La nuit vous enveloppe.

Tu quittes l’île, rejoins le pont, la gare et Vienne. Là-haut, sur la crête, tu suis le sentier, cette trouée du dernier soleil dans les arbres, ton ombre si longue effilochée dans les herbes et les épines. Au fond de toi: la forêt, le Danube, le paysage tout entier, deviennent l’homme, sa présence chaude et nue. Dans le noir, tu gardes précieusement l’odeur de l’inconnu du fleuve que jamais tu ne reverras. 

Julien Burri est poète, romancier et journaliste. Il écrit sur les corps, la nuit et les glaces en bâton.