Homos sweet homes
A Zurich, un projet de maison de retraite réservée exclusivement aux gays est à l’étude. Vision d’horreur ou refuge enchanteur?
Ce qui semblait être un projet farfelu au début des années 80 s’est depuis longtemps concrétisé dans divers pays. En Suisse, plusieurs projets de maisons de retraite pour homosexuels sont à l’étude, dont un en ville de Zurich (pour hommes). Or, s’il y a bien une chose taboue dans le milieu, c’est la vieillesse. Epris d’hédonisme et adeptes du culte de l’apparence, bon nombre de gays refusent de se projeter dans un avenir fait de dépendance, de couches-culottes et de bouillies de carottes. Faire admettre aux gays que leur vie ne se résumera pas seulement en libations et festoiements n’est pas chose facile. Se pose donc une question: que va-t-il nous arriver lorsque, rhumatisants, nous ne pourrons plus manipuler nos fioles de poppers? Miracle de la subdivision de la société moderne, un nouveau choix se profile: aux maisons de retraite «classiques», les homosexuels pourront, dans un proche avenir, opter pour celles qui leur seront exclusivement réservées. Mais vieillir et décrépir entre homosexuels, ne serait-ce pas là pousser un peu loin l’instinct de grégarisme, voire de sectarisme, déjà fort répandu dans le milieu? On pourrait dès lors, de notre adolescence jusqu’à notre mort, ne fréquenter que des établissements gays et, perspective vertigineuse, ne vivre qu’en milieu clos, parallèle au monde hétérosexuel. De plus, les homos, avec leur pouvoir d’achat plus important que la moyenne, seraient des proies idéales dans le domaine déjà très rentable de la gérontologie.
En fait, les partisans d’une solution différenciée ont aussi leurs arguments. Non pas que l’homosexuel vieillissant réclame des soins si différents, mais qu’il le veuille ou non, il est un «client» spécifique. Les gays partagent peu ou prou la même expérience de vie et le fait d’être réunis en communauté, surtout lors de la phase finale de la vie, instaure un climat de confiance et de calme qui réduirait la tension nerveuse pouvant s’opérer lorsque le sentiment d’être différent devient trop important. Plus détendus, les retraités homosexuels peuvent ainsi discuter entre eux sans avoir rien à cacher et ne subissent plus de pression sociale. Ils peuvent librement parler d’eux et échanger des propos sans s’inventer une vie qu’ils n’ont pas vécue ou renier quoi que ce soit. Quand on sait que le contact humain est ce qui manque le plus aux personnes âgées, on peut aisément imaginer la solitude du vieil homo dans sa maison de retraite quand il ne peut rien partager avec ses colocataires, le personnel soignant ou les docteurs, par honte ou par gêne.
De plus, les homos n’ont souvent pas de descendance et donc pas vraiment de visites de leurs cercles familiaux. Et avec le temps qui passe, le groupe d’amis se réduit comme une peau de chagrin. Dans les maisons de retraites «classiques», on imagine que les visites des enfants et autres petits-enfants peuvent donner naissance à un sentiment d’exclusion chez les pensionnaires homos, voués à leur solitude. Le personnel des homes gays suivra une formation lui permettant d’être plus réceptif aux problèmes de cette population spécifique. L’accompagnement se fera de manière plus individuelle, plus intime que dans les maisons classiques. Il est extrêmement important d’instaurer un climat de confiance permettant un réel sens du dialogue, chose pas forcément évidente lorsque l’on est minorisé.
Aux Pays-Bas, où ce type d’institutions fait partie du décor, les expériences se révèlent positives. Ces maisons de retraite ne sont pas plus fermées vis-à-vis de leur environnement qu’un home standard. Le but de réunir les retraités selon leurs préférences sexuelles reste le bien-être de ses occupants. Avec un peu de chance, le personnel de ces maisons sera gérontophile et ce serait le paradis avant l’heure.
Projet d’ouverture d’une maison pour «Schwule Senioren» à Zurich.
Rens.: 01-401 29 68.