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Le dico reste dans le placard

Tony Blair(1), la courge, les autistes, le t-shirt, le groupe Baader-Meinhof, les instituts bancaires.... Tout et n’importe quoi fait désormais son coming out. Les dictionnaires n’ont pourtant pas encore sorti l’expression du placard. Pourquoi?

A chaque rentrée scolaire, les dictionnaires de référence usuels sortent leurs nouvelles éditions. Ce rythme permet aux Robert, Larousse et Hachette de coller à la réalité sociale et d’intégrer régulièrement les termes devenus d’usage courant. Cette année par exemple voit les importations telles que base-jump ou e-commerce obtenir leur ticket d’entrée chez Hachette, seul parmi les trois éditeurs à s’intéresser spécifiquement aux anglicismes.

Mais entre come-back et cover girl, aucune trace de come-out ou de coming out avec ou sans trait d’union. Pas plus d’ailleurs que de mention de l’expression sortir du placard. Cela fait pourtant déjà trente ans que la formule a été créée et revendiquée par la rue. «Come out», c’est le cri de ralliement initial, le slogan fédérateur que l’on peut lire sur les affiches de la toute première Gay Pride, le 28 juin 1970 à New York. L’expression est depuis passée dans le vocabulaire courant de l’homosexualité. Et il est difficile de contester qu’au cours de ces trente dernières années, la visibilité et la reconnaissance ont progressé. Socialement et légalement. Pourtant, quelques irréductibles Gaulois résistent encore.

Intéressant reflet des limites sociales ou effet d’une forme de protectionnisme parisianiste, l’Académie française peine à intégrer les anglicismes dans son dictionnaire. Il est vrai, et les Immortels le reconnaissent, que son rythme de parution ne lui permet pas de suivre l’actualité. La dernière édition complète date de 1935 et la neuvième, en cours de rédaction, est en travail depuis plus de dix ans. La lettre «C» a fait l’objet de leur attention durant les années 80, soit assez longtemps pour être obsolète avant même d’être imprimée.

L’Académie écarte les emprunts liés à un effet de mode (speech pour discours), ceux qui sont inutiles parce qu’ils ont un équivalent français (bitter pour amer) ou sont trop vagues (cool, speed). Son rôle étant d’enrichir le français, elle reconnaît toutefois certaines importations de l’anglais et admet qu’elles contribuent à la vie de la langue «quand le français n’a pas d’équivalent tout prêt ni les moyens d’en fabriquer un (…), quand elles répondent à un besoin et quand leur sens est tout à fait clair». Quel avenir peut-on alors prédire au coming out?

En décembre 1999, l’ancien Secrétaire perpétuel Maurice Druon évoque une guerre des dictionnaires. Il s’en prend aux éditeurs commerçants qui accueillent et officialisent «le parler de la génération du PACS, un acronyme déjà entré (…) avant même que la loi qu’il désigne ait été votée». Reflet d’une forme de «pourriture du langage», ces termes abusifs seraient selon lui, un péché de l’esprit…

N’en déplaise aux rigoristes, l’utilisation de l’expression coming out fait son chemin dans la francophonie grâce à quelques lexicologues embrouillés mais plus audacieux(2) et aux médias qui l’emploient pour désigner les situations les plus diverses. Alors, même si l’usage – ou faut-il dire l’attention – semble encore manquer pour faire entrer “sortir du placard” dans les références hexagonales, gageons que ce ne sera plus pour longtemps. N’est-il pas vrai, parole d’Immortel, que «toute action politique commence par des paroles prononcées»?

(1) Lorsque, pour la première fois, il est apparu en public chaussé de lunettes. (Woman’s Own)
(2) Alfred Gilder, En vrai français dans le texte, dictionnaire franglais-français, éd. Le Cherche-Midi, 1999. Sa définition du coming out est… synonyme d’outing, soit un aveu public ou une déclaration d’homosexualité.