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ven 24 janvier, 19:30

L’amer hic des Amérindiens

A des lunes de l’imagerie fantaisiste des «Pocahontas» et autres intermèdes scolaires folklorisés, bien loin de l’affligeante relecture ethnique des westerns d’Hollywood, les Amérindiens d’Amérique du Nord écrivent sans concession, depuis plus de trois décennies, les pages d’une auto-histoire traversée de poésie, de désespoir revendiqué et de réhabilitations. Comment assumer un ethnocide et lui survivre? Comment pardonner à ceux qui vous ont dépouillé de tout, de la terre, des vôtres, jusqu’à l’éclat précieux de votre identité?

Des romanciers, des poètes (toutes ethnies confondues) livrent de dérangeantes mises au point, réajustant les chronologies et dénonçant cette architecture d’exactions sur laquelle repose le beau rêve américain contemporain. Unissant leurs voix, des chanteurs-rockers-conteurs scandent leur désir de reconnaissance et pleurent leur passé sacrifié. Country-western, blues, rap, rock, traditionnel: tous les styles se déclinent… mais le message et l’axiome restent étonnamment insécables. Unanimement, on revendique le droit à son intégrité raciale. Alors on réapprend à parler la langue des ancêtres, on explore les mythes originels, on ressuscite les spiritualités bafouées. A la fois chant de mort et liturgie guerrière, ces voix indiennes unies – toujours perçues comme scandaleusement subversives – peinent souvent à se faire entendre. Aux côtés des Link Wray (le pionnier), Jesse Ed Davis, Peter La Farge, Paul Ortega, Redbone, XIT, Jim Boyd, Buddy Red Bow, Robbie Bee, Jim Pepper, Blackfoot, Floyd «Red Crow» Westerman, Robbie Roberston, Georgia Wettlin-Larsen, Kashtin, Red Power Squad, Blackfire et bien d’autres, voici les portraits de deux leaders chantants, astres emblématiques et rayonnants d’une résistance à soutenir d’urgence.

Le feu sacré de Buffy Sainte-Marie
Née dans une réserve Cree à Qu’Appelle Valley, Saskatchewan, Buffy Sainte-Marie fut adoptée tout enfant et vécut ses premières années retranchée de ses racines, dans la solitude des forêts du Maine et du Massachusetts. Musicienne naturelle, elle fait ses premières gammes sur le piano familial, puis à 16 ans, apprend la guitare. Un diplôme des Beaux Arts et de philosophie orientale sous le bras, c’est en Inde – dans une école fondée par Ghandi – que Buffy étudiera plus pleinement la philosophie, la musique et la danse. Début des années 60, la jeune fille compose et interprète ses premiers refrains engagés. Très vite, cette Joan Baez «exotique» attire les regards et les rencontres… En 1965, Donovan immortalise son «Universal Soldier». Puis des dizaines d’artistes reprendront ses refrains contestataires ou romantiques: Janis Joplin, Barbra Streisand, Elvis Presley, Neil Diamond, Tracy Chapman, Joe Cocker… et même Bette Davis! Une quinzaine d’albums incandescents vont rapidement l’imposer comme la Pasionaria des Peaux-Rouges. C’est avec le titre «Soldier Blue» que va s’affirmer son combat. Elle séduit et dérange. Même si les médias, politiquement conseillés, la boudent, elle multiplie ses harangues (Buffy et son fils, Dakota Wolfchild Starblanket, furent durant cinq ans les hôtes de «Sesame Street» où ils enseignèrent aux jeunes Américains que les «Indiens existent encore»). En 1993, elle signe avec son album «Coincidence and Likely Stories» l’un des réquisitoires les plus virulents contre la politique anti-indienne des Etats-Unis. En février 1996, son dernier album, «Up Where We Belong» couronne plus de trente ans d’un combat qui, affirme-t-elle, ne fait que commencer…

John Trudell, le loup solitaire
Réservé, silencieux même lorsqu’il s’exprime, l’homme irradie ce magnétisme sans âge qui barre toutes les souffrances, commande aux pierres et aux esprits. Sioux Santee, John Trudell est né à Omaha, Nebraska, le 15 février 1946. Après une enfance chaotique, il s’engage dans l’armée. Au bout de quatre années dans la Navy, il abandonne l’uniforme, momentanément privé d’illusion. Redécouvrant ses racines, il se définit alors comme «un Indien, un prisonnier des Amériques». Animé d’un sentiment de révolte qui ne le quittera plus, on l’aperçoit en 1969 à Alcatraz, pendant le siège de l’îlot pénitenciaire par les tribus amérindiennes. De 1973 à 1979, il devient le président de l’AIM (American Indian Movement). A la fois activiste forcené, pétrisseur de mots, humaniste concerné et suspect privilégié du FBI (ils lui consacreront un rapport confidentiel de 17’000 pages!), John Trudell brûle symboliquement, le 11 février 1979, un drapeau américain devant le bâtiment Edgar J. Hoover, siège du FBI à Washington DC. Douze heures plus tard, un incendie détruit sa propre maison, dans la réserve de Shoshone Paiute, au Nevada. Son épouse Tina, ses trois enfants et sa belle-mère périssent, carbonisés. L’enquête conclut à un accident tragique. John Trudell riposte avec vigueur, affirmant que sa famille a été délibérément assassinée.

Dévasté par ce drame, John Trudell se réfugie dans l’écriture. Son ami Jackson Brown l’encourage à mettre certains de ses poèmes en musique. Bonnie Raitt, Buffy Sainte-Marie et Bob Dylan vont l’épauler. Son premier album «Aka Grafitti Man» (1986 et commercialisé par Rykodisc en 1992) lui ouvre les portes d’une reconnaissance internationale. «Johnny Damas & Me», son second album, sort en 1994. Avec «Blue Indians» (2000), la hache de guerre est définitivement déterrée! Kris Kristofferson, fan de la première heure, écrit de lui: «John Trudell est un loup solitaire, un poète, un prophète et un guerrier. En lui brûle une flamme inextinguible qui s’appelle justice. L’esprit de ses ancêtres l’envahit. Ça le rend extrêmement dangereux…».