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Dites docteur, comment on fait un bébé?

Les couples homos qui, après mûre réflexion (lire notre précédent dossier - 360° No 15), décident d’avoir un enfant, sont confrontés aux aspects très pratiques de leur désir : comment procéder ? En théorie pure, trois voies s’offrent à eux: le système D et autres petits arrangements entre amis, le recours à l’assistance médicale pour trouver un père anonyme ou une mère porteuse et enfin l’adoption. Mais en matière de solutions officielles, tous les pays n’ont pas les mêmes pratiques légales. Cette situation encourage en Europe une sorte de tourisme de la procréation assistée. Enquête.

Coup de fil à l’hôpital Saint-Pierre, à Bruxelles:
– Allô, bonjour, je téléphone de Suisse et je voudrais des renseignements concernant la possibilité de recourir à la procréation assistée dans votre clinique.
Pas besoin de fournir plus de détails, l’infirmière a d’emblée compris à quel type de cliente elle a affaire:
– Vous êtes une femme seule ou une homosexuelle qui vit en couple?
– Euh… oui, c’est cela. Je vis en couple avec une femme.
– Très bien. Quel âge avez-vous?
– 37 ans.
– Si je vous demande cela, c’est parce que nous avons des critères d’âge, vous comprenez. Vous me donnez votre adresse et je vais tout d’abord vous envoyer notre brochure d’information. Ensuite, il vous faudra prendre plusieurs rendez-vous avec le gynécologue et le psychiatre. Le plus pratique pour vous, puisque vous venez de Suisse, sera de grouper tous ces rendez-vous.

L’infirmière, directe mais très aimable, nous donnera encore quelques informations: l’accès à la base des donneurs et les inséminations jusqu’à réussite coûtent 25 000 francs belges (975 francs suisses), un montant auquel il faut rajouter le prix des différentes consultations médicales, quelque 1500 FB par consultation. La clinique reçoit «énormément de demandes de l’étranger. Des Françaises surtout, mais nous avons aussi eu quelques Suissesses», explique encore l’infirmière.

En Belgique, il revient aux hôpitaux de décider s’ils accordent ou non la procréation assistée, notamment à des femmes vivant seules ou aux couples lesbiens. Selon les informations trouvées sur des sites homos, quatre hôpitaux belges au moins acceptent d’entrer en matière pour ce type de clientèle, trois à Bruxelles, un à Liège. Au bout d’un an de traitement, 80% des essais débouchent sur une grossesse. Il faut passer par des entretiens avec le médecin, qui cherche à connaître l’état de santé de la patiente, ainsi qu’avec un psychiatre qui s’intéressera, lui, aux motivations de la personne.

Facile de procréer quand on est homo? Tout dépend du point de vue que l’on a sur le désir des lesbiennes et des gays d’avoir des enfants. En tous les cas, en Europe, seuls quelques pays déclarent légales les inséminations artificielles de femmes seules ou vivant avec une femme. Outre la Belgique, ce sont la Grande-Bretagne et les Pays-Bas.

Au Danemark, l’insémination est interdite dans les hôpitaux privés et publics, mais la loi ne précise rien en matière d’insémination par des médecins qui exercent en cabinet. On chuchote aussi que certains hôpitaux espagnols la pratiquent aussi. Quant aux couples d’hommes, en Europe, ils n’ont guère de moyen de devenir parents (à eux deux) au sens légal du terme. Il faudrait pour cela qu’ils puissent recourir à une mère porteuse, ce qui est possible en théorie en Grande-Bretagne (mais peu de cliniques le font) et aux Etats-Unis.

Encouragement au tourisme
En Suisse, les femmes n’ont aucune possibilité de se faire inséminer si elles sortent du schéma traditionnel de la famille (1). La loi stipule en effet que «la procréation médicalement assistée est réservée aux couples à l’égard desquels un rapport de filiation peut être établi» et que «seul un couple marié peut recourir à un don de sperme». La loi en chantier sur le partenariat, même si elle donnera un statut légal aux couples homos, ne changera vraisemblablement pas la donne. En France, la base légale est comparable à celle de la Suisse et le PACS n’y a rien changé.

Quel que soit le jugement que l’on porte sur les lois qui autorisent – respectivement qui interdisent –, une chose est sûre: la diversité des dispositions légales encourage en Europe une forme de tourisme lesbien de la procréation assistée. Les Françaises se ruent dans les cliniques belges (lire interview), les Allemandes se précipitent en Hollande. Dans ce pays, des dizaines et des dizaines de cliniques sont actives sur ce «marché», avec une politique de limite d’âge (de 40 à 45 ans) et de prix très variables, à l’image des informations disponibles sur un site hollandais qui répertorie les nombreuses cliniques (voir encadré) pratiquant l’insémination artificielle. Certains établissements font payer chaque insémination, d’autres proposent un traitement tout compris. Le prix est aussi fonction du nombre maximum d’essais que le traitement prévoit. Un business comme un autre? Certaines cliniques travaillent toutefois sans but lucratif. Comme le Centre médical d’orthogénie de Leyden, pas très loin d’Amsterdam, où les émoluments demandés couvrent simplement les frais. Ce centre a visiblement l’habitude de recevoir une clientèle étrangère. Son site est disponible en quatre langues!

On le sait, mettre au monde un enfant avec un donneur inconnu est une méthode controversée, d’autant plus lorsque cette pratique est utilisée par les homos. Et le sujet fait aussi débat au sein même de la communauté homosexuelle. Aussi nombreuses sont les lesbiennes (et dans une certaine mesure les gays), qui désirent avoir un enfant, mais refusent d’emprunter ce chemin. Elles préfèrent s’adresser à un homme, qui jouera, avec plus ou moins d’importance, son rôle de père. Mais trouver, parmi ses amis, celui qui partage également ce désir n’est pas chose facile. Alors commencent la valse des rencontres avec petites annonces et le volontarisme de faire vivre un couple parental dont les deux protagonistes ne partagent aucun sentiment. Pas facile. Il n’empêche que des organismes tentent aujourd’hui de faciliter ces rencontres. En Allemagne, un site Internet, fonctionnant tel une agence matrimoniale, s’est donné cette tâche.

Sperme sur Internet
Troisième voie: celle de l’adoption. Elle reste toutefois très théorique. Pour l’instant, seuls quelques Etats américains acceptent l’adoption d’un enfant par un couple homo, d’hommes ou de femmes. Mais on sait que cette possibilité comporte une hypocrisie de taille, lorsque les Etats l’appliquent, comme cela s’est fait parfois, à la seule adoption d’enfants sidéens. Autre hypocrisie: en Suisse, mais c’est aussi le cas dans d’autres pays européens, il est possible pour une femme seule d’adopter un enfant, alors que deux femmes vivant en couple ne peuvent le faire. Une discrimination étrange puisque jusqu’ici l’importance d’avoir un père et une mère pour un enfant est l’argument psychosocial de base – bien que contesté par de plus en plus de psys – pour refuser l’idée d’homoparentalité. En suivant cette logique, l’adoption par une femme seule devrait être impossible.

Internet enfin ouvre les portes par-dessus les frontières et les législations nationales. Aujourd’hui, aux Etats-Unis, une femme, même si elle habite à l’étranger, peut commander du sperme par ce biais. Certains sites réclament l’appui d’un médecin, mais pas toujours. Grâce au web encore, un homme habitant n’importe où dans le monde peut louer les services d’une mère porteuse américaine au prix fort: entre 50 000 et 700 000 dollars.

A n’en pas douter, l’homoparentalité, parce que la société n’est pas prête, culturellement, à reconnaître ne serait-ce que son existence, continuera très certainement de se développer encore longtemps sur une sorte de marché gris. Un marché où toutes les dérives, effectivement, sont possibles. Cette réalité-ci, ceux qui se bornent à dénoncer par principe l’idée même qu’un couple homo puisse élever un enfant, ne veulent pas la voir. Il serait temps que le débat devienne enfin adulte.

(1) Une récente étude sur l’homoparentalité détaille notamment les différentes législations, dont celle de la Suisse: Magali Bandelier, Philippe Kaiser: «Vivre et se développer dans une famille homoparentale», Institut d’études sociale, Genève, février 2001. 360° en reparlera dans sa prochaine édition.

A lire également dans notre dossier homoparentalité: Paul Devroey, professeur de gynécologie, et Patricia Baetens, psychologue, tous deux à l’hôpital académique de la VUB à Bruxelles, expliquent les raisons qui les poussent à répondre aux demandes de couples lesbiens.