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Rosa von Praunheim: pink politique

Alors que la communauté gay tente de cloner la famille traditionnelle, Rosa von Praunheim, le controversé réalisateur allemand, empêche-t-il toujours les homos de tourner en rond? Rencontre avec un iconoclaste pur sucre.

Invité d’honneur du festival Queersicht où il présentait son «Personality show» et participait à un débat, le très dérangeant Rosa von Praunheim s’amuse à Berne. Denis, chargé avec son petit ami du transport de l’enfant terrible berlinois, raconte qu’à peine monté en voiture, Rosa leur demande les détails de leur vie sexuelle… Rien de surprenant quand on connaît le personnage, c’est ainsi qu’il fonctionne: provoquer pour mieux comprendre, choquer pour faire passer des messages. Père d’une filmographie d’une soixantaine de titres, documentaires, courts et longs métrages, téléfilms et pièces télévisuelles confondues, Rosa von Praunheim détient à la fois le statut de pionnier de l’activisme homosexuel et celui de réalisateur culte.

Rosa, vous êtes un personnage célèbre de la communauté gay allemande pour vos films et vos apparitions télévisées provocatrices. Pourriez-vous présenter votre travail en quelques mots à nos lecteurs francophones, peu familiers de votre œuvre?

Au début des années soixante, j’ai commencé à tourner des films gays à visée politique. Le plus controversé fut «Ce n’est pas l’homosexuel qui est pervers mais la situation dans laquelle il vit», qui fut présenté officiellement à la berlinale de 1971. Il marqua les débuts du militantisme homosexuel en Allemagne. Une cinquantaine de groupes d’activistes se formèrent dans toute l’Allemagne à cette époque. Lors du passage du film à la télévision, certains téléspectateurs d’Allemagne de l’Est virent le film et fondèrent à leur tour des associations de défense des homosexuels. C’est ainsi que ma carrière de réalisateur débuta.

Expliquez-nous votre nom. D’où provient-il? Qu’est-ce qui vous a poussé à adopter un tel pseudonyme?

Mon prénom est féminin et fait référence au triangle rose dont les nazis affublaient les homosexuels dans les camps de concentration. Il s’agit donc d’une déclaration politique.

Vous affirmez être le personnage le plus haï d’Allemagne au sein même de la communauté homosexuelle. Comment sont nées ces inimitiés?

Je suis un réalisateur controversé car très provocateur. J’ai attaqué, dès le début, les gays pour leur manque d’engagement politique et leur passivité. Ces prises de position ont été diversement appréciées par les homosexuels… A cette époque (les revendicatives années 60-70, ndr), nous croyions en des messages radicaux. Je pense qu’ils sont nécessaires parfois. Sur le front de la lutte contre le sida, j’ai également été très actif, notamment dans la promotion du safer sex par le biais de messages très crus, très radicaux. Cela était plutôt mal perçus par certaines personnes.

Vous vous êtes également fait remarquer par une campagne d’outings en Allemagne au début des années 90. Le referiez-vous aujourd’hui?

Cette époque constituait le point culminant de l’épidémie de sida. Il était nécessaire d’obtenir une certaine solidarité de la part de la population et de bénéficier de la sympathie des journalistes pour les homosexuels. C’est pourquoi j’ai nommé publiquement des comédiens, des présentateurs de talk-shows et des hommes politiques qui n’étaient pas ouvertement gays. Cette campagne fit l’effet d’un pavé dans la mare, elle eut beaucoup d’éclat. Aujourd’hui la situation est différente; je pense qu’il y a d’autres actions à mener, si on estime qu’il est essentiel de se battre.

Et que pensez-vous de la communauté homosexuelle actuelle?

En Allemagne, la communauté vit dans une situation très libérale en ce moment. De ce fait, beaucoup d’homosexuels se relâchent et ont, en quelque sorte, le sentiment qu’il n’y a plus de combat à mener, ni de politique à défendre. Ils pensent bénéficier de tout ce qu’ils désirent. Désormais, il faut faire preuve de solidarité pour les homosexuels de l’étranger, ceux des pays dont la situation n’est pas aussi aisée qu’en Allemagne. C’est ce pour quoi il faut se battre maintenant.

Vous avez beaucoup choqué dans les années 60-70. De nos jours, la provocation est-elle toujours possible alors que les contenus les plus subversifs sont sans cesse récupérés par la publicité, la mode ou la politique qui les vident de toute leur substance
contestataire?

Oui, j’estime qu’il y a encore beaucoup de thèmes se prêtant à la subversion. Par exemple, on trouve tellement d’hommes politiques secrètement gays. Une multiplicité de religions et de cultures sont établies en Allemagne. Nous devons les aider à s’émanciper. De même, nous pouvons faire beaucoup au niveau de l’éducation, à l’école, afin que les enfants soient éduqués de façon plus libérale et progressiste.

Le kitsch est un élément qui traverse toute votre œuvre. Est-il juste de dire qu’il a une valeur politique de lutte contre la bourgeoisie et son soi-disant bon goût, ou n’est-ce qu’un penchant personnel?

Oui, j’ai beaucoup travaillé avec le kitsch. J’aime le kitsch. Le kitsch, ou plutôt le camp fait indubitablement partie de la culture homosexuelle. Il s’agit d’une façon propre aux gays de se représenter le divertissement. Principalement dans les années 60-70, cette culture camp était très forte et mes films de cette période en sont imprégnés. Mais, j’ai produit beaucoup de films, tous très différents. La notion de kitsch a beaucoup changé depuis les années 60 et beaucoup d’autres artistes l’ont exploitée plus sciemment que moi dans l’intervalle.

Quels sont vos prochains projets?

Je travaille sur un film qui traite de l’homosexualité et du fascisme, et plus spécialement des gays nazis…