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Fainéants chroniques

Dans sa dernière campagne de pub, Diesel aborde sans concession la fatigue existentielle d’une jeunesse plus cynique que jamais. La marque italienne choisit le format calendrier pour nous renvoyer une image de nous-mêmes à la fois drôle et tragique.

Vous faites partie de la génération des épuisés de vivre. A 25 ans, vous avez/aviez tout vu, tout vécu. Le quotidien est sans surprise et vous exténue: allumer la télévision, faire du shopping, penser à manger ou sortir. Ce sont là les durs labeurs que vous affrontez journellement. Apathie générale et générationnelle qui oscille entre la fatigue existentielle et une fainéantise chronique. La motivation d’atteindre un but n’existe plus que chez les participants de la Star Academy (et encore). Plus personne n’est d’accord de se crever pour tenter le rêve des années 80. Notre life-motiv, c’est un «no futur» collectif, édulcoré, qui ne choquerait pas trop nos parents. Parce que se révolter contre ses pairs c’est dépassé, nous les rassurons dissimulés derrière une ironie impitoyable. Celle-là même qui fait de vous le sauveur des baleines bleues parce que Greenpeace se sert directement sur votre compte en banque sans que vous ayez à vous déplacer jusqu’à votre ordinateur pour effectuer votre versement annuel.

Diesel, porte-parole officiel de cette lignée bourgeo-ironico-punkoïde, met à votre disposition un calendrier qui vous sera certainement offert la prochaine fois que vous achèterez péniblement des jeans à 300 balles. Petit pense-bête s’étalant de septembre à décembre 2003 (c’était trop pénible d’en faire un pour toute une année), il vous rappellera au jour le jour les souffrances intolérables liées à la banalité. Des photos, en noir et blanc, exhibent des mises en scènes haletantes ou de jeunes personnes tentent avec peine de se lever le matin, de changer les piles de la télécommande ou d’effectuer d’autres gestes quotidiens. Les visages des mannequins s’offrent à nous caricaturalement déformés par l’effort. Le message est percutant et facilement compréhensible. L’agence de pub Kesselskramer (Amsterdam) cible une nouvelle fois juste en s’adressant aux bien-looké(e)s que la joie de vivre et le politiquement correct des publicités Levi’s ennuient. Mais chez Diesel, on ne parle pas seulement de mode: la réalité que dévoile cette campagne n’est pas qu’éphémère. On peut aussi bien y voir un clin d’œil comique sur la flemmardise qu’une réflexion pointue sur l’état dépressif de notre société. Une constatation digne des plus complexes ouvrages de sociologie est rendue accessible le temps d’une campagne de pub. Diesel s’adresse aux désespérés satisfaits que nous sommes et nous laisse dans un face à face tragi-comique avec nos faiblesses.

Difficile d’effeuiller le Diesel Work Hard today calendar. Tout d’abord parce que la discipline nécessaire pour arracher quotidiennement les pages de ce genre de mémento n’est pas envisageable pour des flemmards tels que nous. Et vu la maestria dont la direction artistique fait preuve, on a plutôt envie d’exposer ce recueil dans notre bibliothèque. Bref, la dernière campagne Diesel s’élève définitivement au-dessus du paysage publicitaire actuel. Après avoir sponsorisé le bonheur en 2001, manifesté pour le week-end de quatre jours en 2002 et dévoilé ses secrets de marketing en 2003, Diesel opte pour la stratégie du miroir en reproduisant avec humour la dure réalité à laquelle nous sommes chaque jour confrontés. Aurez-vous la force de tourner les pages?