Lendemain de coming out
En ouverture de la Pride jurassienne, un jeune homme s’est fait remarquer en faisant son coming out au micro, devant des milliers de personnes. Comment a-t-il pris sa décision? Celle-ci a-t-elle changé sa vie quotidienne? 360° est retourné voir Michaël à Delémont.
Samedi 7 juillet 2003, Delémont. Du haut du balcon de l’Hôtel de ville, Michaël Ruch observe les rues s’animer et la place se remplir. Le comité de la Pride est présent. Le Maire de la ville lui serre la main, peut-être lui a-t-il dit quelques mots, Michaël est ailleurs, il ne peut ni entendre et encore moins parler. Son discours, il le connaît, il le lira au micro dans un moment. La foule est dense et impressionnante. Les premiers intervenants se succèdent au micro, des applaudissements se font entendre ponctuellement. Concentré sur ce qu’il dira, Michaël ne les écoute pas. Soudain, on lui fait un signe. Accroché devant la balustrade, le micro qui l’attend semble être fixé dans le vide, dernier rempart avec la foule. Michaël sait qu’il n’y a plus moyen de faire demi-tour, il faut assumer jusqu’au bout. Assumer une lecture de texte est certainement donné à tout le monde. Mais quand c’est de sa vie dont il faut parler, quand ce sont ses sentiments personnels qu’il faut dévoiler devant une foule – qui va bien au-delà des personnes présentes, parce qu’il y a les journalistes, parce qu’il y a ceux qui en parleront plus loin – l’histoire prend alors une autre dimension. Lors de la Pride de Delémont, Michaël a fait son coming out au micro.
Son discours terminé, Michaël n’attend pas et descend retrouver les tâches d’intendance que le comité d’organisation de la manifestation lui a confiées. A peine a-t-il rejoint la foule qu’on l’arrête et le félicite; c’est à ce moment-là qu’il se rend compte de l’impact émotionnel qu’il a suscité. «Des amis scouts étaient venus pour voir la Pride et ont entendu mon coming out, ils m’ont félicité.»
Un lendemain un peu différent…
Prenant des allures de fête villageoise, la Pride de Delémont a vu se mélanger des populations. «J’y ai vu des homos jurassiens heureux, alors que j’avais l’habitude de les voir mal dans leur peau.» Michaël s’est senti libre pendant toute la journée, mais comme dans un conte de fée, le lendemain, cela semblait terminé. «Mon copain et moi avons traversé Delémont dimanche matin en nous tenant par la main. On nous regardait comme si on était des clowns. On n’a pas osé continuer.» Lundi, Michaël achète tous les journaux. Soulagé, aucune photo de lui n’y figure. «J’ai eu soudainement peur des injures. Le plus dur est de lire la peur dans le regard des autres, on imagine quelquesfois qu’ils vont nous lapider.»
Sa mère a appris l’homosexualité de Michaël une année auparavant. C’était à table, ils étaient seuls quand il l’a annoncé. Certaine que son fils aurait une vie triste, la maman a pleuré et tous les deux ont eu l’appétit coupé. Le thème n’est jamais revenu dans la discussion. Michaël a offert quelques livres à sa mère qui ne connaissait rien du sujet. «Je lui ai dit que j’allais faire un discours lors de la Pride. J’espérais qu’elle viendrait; elle est venue.» La maman de Michaël a le contact facile, et la Pride ne lui a pas semblé être autre chose qu’une manifestation comme les autres. Voyant dans la foule un homme du village, elle est allée discuter avec lui… pour apprendre que lui aussi est gay.
Le père savait son fils homo depuis plusieurs mois. Ecrivant son travail de diplôme sur l’homosexualité, Michaël a demandé l’aide de son père pour la mise en forme et l’impression du document. Les choses se disent naturellement. Toutefois, ils ne sont pas suffisamment proches et c’est par la presse que le père apprendra le coming out médiatique de son fils.» Ma mère m’a dit avec émotion qu’elle état fière de moi. Mon père m’a téléphoné pour me
féliciter.»
Reconnu au Mc’Do
Presque deux mois plus tard, Michaël n’a eu que des retombées positives de ce coming out public. A deux reprises, alors qu’il servait au guichet du Mac Donald’s à Bienne, on lui demande sympathiquement s’il est bien celui qui a fait le discours à la Pride. A 19 ans, Michaël est un jeune homme lumineux et intelligent qui rêve de vivre sa vie simplement, dans un petit village du Jura, avec un ami. Se destinant au métier d’instituteur, il souhaite aider les jeunes qui ont besoin de parler de l’homosexualité, peut-être pourra-t-il organiser une conférence au gymnase où il étudie en ce moment. «Ce n’est pas parce que la Pride est finie que les homos doivent disparaître.» C’est une belle histoire que celle de Michaël Ruch, jeune gay du Jura, qui n’a pas voulu mentir sur sa différence, qui n’a pas voulu continuer à vivre dans la peur.