Liposuccion collective
EDITO
Raboter ce qui dépasse sur les fesses, se faire liposucer le bidochon, se laisser tirer la peau du visage quitte à avoir l’air de sauter en permanence en parachute. A une époque, seuls les régimes miracles foisonnaient avant l’été dans les pages des magazines de mode et autres émissions de télé-conseil. Aujourd’hui, pour retrouver des «formes idéales», les moyens plus radicaux de la chirurgie plastique se popularisent, et la manière de les vendre donne à penser que l’acte est devenu d’une banalité simplissime.
Frappante cette image saisie dans une récente émission de Jean-Luc Delarue, d’une femme babolant sur son portable tandis que des hommes en vert lui charcutent les cuisses à coup de longues tiges métalliques… Fini le temps où des experts venaient encore expliquer, sur les plateaux de télé, la nécessité de bien soupeser sa décision. La chirurgie plastique se fait désormais low cost: comme sur Easyjet, on y accède facilement et pour pas cher. La concurrence, acharnée, se fait désormais sur les prix, selon la communication sciemment voulue par une clinique genevoise. A Lausanne, une enseigne offre même des services délocalisés en Tunisie. Et les Suisses, d’habitude enclins à se fier à la seule médecine labellisée helvétique, n’hésitent plus à se rendre à l’étranger pour se faire ravaler la façade à bas prix (lire notre enquête en p. 6).
Raboter là où l’on peut, faire fondre les «surplus», tailler dans la chair: l’obsession de la minceur ne s’arrête cependant pas à la cosmétique individuelle. C’est à l’échelle collective que les régimes de rigueur et l’obsession du bistouri se sont durablement installés dans les esprits. L’Etat n’a-t-il pas fait de ses objectifs de rigueur budgétaire un quasi-mode de fonctionnement? Taillé pan par pan au scalpel, le filet social helvétique ressemble à un vieux pruneau sec. Et personne ne s’inquiète de savoir si, à long terme, les conséquences de ce démantèlement des tissus ne se paieront pas plus chèrement encore.
A Genève, le pôle social de l’association 360 est précisément soumis à une opération drastique de charcutage. Pourtant reconnus d’utilité sociale en 2003 et subventionnés alors à hauteur de 98’000 francs par le Département de l’action sociale et de la santé, les services d’assistance (psy, juridique et coordination) d’Espace 360 ont vu cette aide baisser à 50’000 francs en 2004, puis à… 10’000 francs en 2005! Un régime digne de l’anorexie forcée auquel aucun organisme ne saurait s’adapter. Merci de signer la pétition (téléchargeable sur www.360.ch) que notre association vient de lancer à ce sujet.