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Boycott homophobe: Migros passe à la caisse

Parce qu'elle a sponsorisé l'élection de Mister gay, la Migros est victime d'une campagne de boycott lancée par l'Union démocratique fédérale, un parti conservateur alémanique. Cela n'empêchera pas le distributeur orange de renouveler son soutien à l'événement.

Depuis quelques semaines, Grégoire Schnegg, directeur du sponsoring culturel et social de la Migros, reçoit une montagne de courrier à son bureau zurichois. Il ne les a pas comptées, mais ce sont plusieurs centaines de lettres qui lui sont parvenues depuis le mois de décembre, assure-t-il. Leur contenu? Pas vraiment sympathique. Disons même franchement hostile, voire carrément injurieux. Dans ce courrier, des clients furieux affirment qu’ils ne poseront plus jamais les pieds à la Migros.

Mais qu’a donc fait le populaire distributeur orange pour mériter pareille haine? Aux yeux de tous ces mécontents, il a tout simplement eu le tort de sponsoriser l’élection de Mister gay en octobre dernier. Un geste &endash; 10’000 francs &endash; qui n’avait pourtant rien d’une vaste conquête commerciale du prometteur marché homo.

«Cette avalanche de lettres est le résultat d’une campagne organisée», explique Grégoire Schnegg. En décembre dernier, le journal de l’Eidgenössische Demokratische Union &endash; Union démocratique fédérale (UDF), un parti conservateur dont le siège est à Thoune, s’indignait en effet de ce sponsoring dans un grand et sidérant article intitulé «Migros contra göttliches Prinzip» («Migros contre le principe divin» – sic!). «Etre homosexuel n’est pas un nouveau trend libertin que la Migros doit soutenir avec ses 10’000 francs, mais une façon de vivre contre-nature que Dieu condamne et punit», écrivait l’auteur de l’article, un certain Ernst Hohl-Wirz, président du groupe appenzellois de l’UDF. Mais encore: «Dieu aime tous les homosexuels, mais déteste l’égarement dans lequel ils se trouvent. Il doit les changer.» A la fin de sa diatribe remplie de références bibliques, l’auteur invitait «tous les chrétiens» à écrire à la Migros et à la boycotter pour une durée d’une semaine au début de l’année 1999. «La Migros a offensé Dieu (…) Il faut lui donner une leçon, la punition est méritée», concluait-il.

Ernst Hohl-Wirz ne prêche apparemment pas dans le désert: le siège de la Migros à Zurich a donc été bombardé de lettres, dont le ton de quelques unes a choqué Grégoire Schnegg. Leurs auteurs, selon lui, ont le profil de conservateurs tendance catholique. «Mais heureusement, nous avons aussi reçu énormément de lettres de soutien», dit encore le responsable du sponsoring culturel de la Migros. Pour répliquer à l’appel de l’UDF, Pink Cross a demandé à ses membres alémaniques d’écrire à la Migros pour la féliciter de son action en faveur des gays.

Réactions romandes
En Suisse romande, où l’UDF est pourtant inexistante, la Migros a également reçu passablement de réclamations de clients mécontents au sujet de son soutien à Mister gay. Des lettres de lecteurs virulentes ont aussi paru dans les journaux romands. Outre la campagne de l’UDF, y aurait-il donc eu aussi des réactions spontanées? Ou alors les opposants jusqu’ici très discrets face aux revendications des homos sont-ils plus organisés qu’on ne le pense? A Migros-Genève, un responsable du marketing ne s’étonne qu’à moitié de toutes ces réactions négatives: «La Migros n’est pas une entreprise comme une autre, elle est très ancrée dans la vie quotidienne des gens qui lui sont attachés de façon affective. Peut-être que le sponsoring gay colle mal à l’image que le public se fait généralement de la Migros.»

Pour Grégoire Schnegg, il ne faut cependant pas s’arrêter à ces critiques et ces craintes internes: «En soutenant Mister gay, la Migros veut faire passer le mes-sage qu’elle s’engage contre la discrimination. Et puis, notre entreprise a toujours soutenu des projets de toutes sortes dans ses démarches de marketing social et culturel. Il n’y a aucune raison de ne pas le faire aussi pour des projets gays, il n’y a aucune raison de faire des différences.» Et Grégoire Schnegg n’entend pas se laisser impressionner par l’appel au boycott: «Cette année, nous sponsoriserons encore l’événement Mister gay», assure-t-il.

Chez Pink Cross, qui fait partie du jury de l’élection, on s’en réjouit: «Au sein même de la communauté gay, certains trouveront toujours à dire que l’intérêt de la Migros est commercial, mais n’est-ce pas naïf de voir les choses ainsi? Même si elle y trouve son compte, le fait qu’une grande entreprise s’engage pour soutenir les gays, c’est aussi un signal politique très positif», souligne le secrétaire général Rolf Trechsel. Il est vrai qu’au sein même de la communauté homo, l’élection de Mister gay a suscité quelques critiques et moqueries. Cette fanfaronnade prêtait à sourire? La campagne de l’UDF lui donne d’un seul coup une dimension nettement plus politique et revendicative.