Neuchâtel

Chocolate Remix + La Terrorista del Sabor

mer 28 mai, 22:00
Sallanches

Pride Sallanches

ven 20 juin, 18:00
Genève

Café des fiertés

dim 1 juin, 14:00
Neuchâtel

Dragâteloises King Edition

sam 24 mai, 18:30

Journal d’une presque humaine

Acte V: Le poids d’une ombre

Le voyage était beau et la Terre était belle. Des vagues et puis des dunes et des villes et des champs. Et je voyais des rues du haut de ma nacelle. Je me penchai un peu, pour mieux voir au-dedans. Un peu trop brusquement. Je glissai sans un bruit; comme une feuille d’automne ou les eaux qui ruissellent, du sol je m’approchais et la Terre était belle et l’émotion trop forte et je m’évanouis. Je rouvris les yeux, inconsciente du temps durant lequel déjà je m’étais éclipsée et vous vis impassibles autour de moi groupés, sans penser un instant à me tendre la main. Je me redressai donc, orgueilleuse et fière, vous regardai perplexe, sans ciller pour autant. Humains que vous avez de drôles de manières. Mais la Terre étant belle… je restai un instant.

J’aimerais être aussi légère que le vent, n’avoir qu’à dire l’amour que pour vous je ressens et la magie de ces instants de grâce quand, dans le plaisir, le sourire ou l’extase, je vous vois vous abandonner librement. J’aimerais pouvoir dire, avec moins de soupirs, la beauté de ce monde où depuis quelques siècles évolue toute une Humanité, où les êtres naturellement se rencontrent, se mélangent et partagent, en toute intelligence, sans jamais se jauger. J’aimerais tant…
Mais dites-moi, jolis comptables, pourquoi faut-il que derrière chaque éclat de vos fragiles beautés se traîne une flaque sombre tapie dans les recoins de votre pensée? Cette ombre lourde et rampante, noire marée qui vient tout engluer, qui brise les envols, éteint tous les désirs et tente de maintenir contre vents et marées la grisaille sur vos têtes hermétiquement fermée. Et qui, vous rendant si avares en gestes et en regards, de vous-même et des autres vous sépare, faisant de votre monde un purgatoire où chacun de l’autre reste à jamais l’étranger. Cet autre qu’il faut fuir, dont il faut se méfier, qu’il faut vaincre, détruire, écraser.

Et le monde se morcelle, en castes bien cloisonnées où la pensée se fige et s’écrit dans des livres que personne ne relit autrement que pour contrôler que tout est à sa place et que rien n’a bougé. Les leçons sont apprises, avalées, digérées et la moindre résistance ou esquisse de dissidence est, d’un geste, balayée. Et partout se dessinent des clans et des communautés, des alliances souvent contre-nature auxquelles vous ne croyez même pas pour la plupart du temps et dont vous vous déferez à l’instant même où tournera le vent.

Empêtrés dans tout ça, dites-moi comment vous faites pour continuer à ne pas voir que ça commence tous les jours, parmi vous, autour et juste devant? Et que si vos masques fissurés, écaillés, derrière lesquels vous vous agrippez, ne tiendront plus longtemps, les cicatrices que jour après jour ils impriment sur votre visage resteront inscrites jusqu’à la fin des temps.