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Genève
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Les joies du gode

L'olisbos existe depuis toujours: normal, il va de soi, tant qu'il y a à combler, le génie humain comble. Adam et Eve, une fois chassés de l'Eden, on fait de grandes choses. Demain, vous aussi, participez au gai savoir de l'enfilette, révolutionnez la mélancolie des trous, inventez votre bienfaiteur personnalisé.

Durant l’Antiquité, l’olisbos est vénéré. La Bible, par la voix d’Ezechiel le dénonce. Car dans les rues d’une Jérusalem livrée à la débauche, on dressait des idoles viriles à la gloire de cultes païens, et le fléau de la prostitution s’écoulait des prêtresses ainsi consacrées. Au nord-ouest de la tour de Babel, les Grecs, au sage raffinement, faisaient de l’objet un véritable art de vivre, et ne l’utilisaient qu’après l’avoir lubrifié d’huile précieuse. En Afrique noir, on sculptait des statuettes priapiques et des phallus totémiques, enseignes de la fécondité, auxquelles on aimait parfois sacrifier des vierges parfumées. En Inde, on doit à la tribu aborigène des Muria, adepte des longues caresses, l’invention de la gigue du godemiché: les jeunes filles se trémoussant avec un bâton symbolique entre les cuisses. Au Moyen-Age, les Chinoises cueillaient une plante rare, qu’il fallait imbiber d’eau pour obtenir un braquemard du tonnerre. Le diabolique «guesquel» de Patagonie, fabriqué en crin de mulet, secondait le pénis lors du coït, et provoquait paraît-il, mille émotions chez la partenaire. Du crin au bois, de la pierre à l’ivoire, de l’or à la jade, du caoutchouc au plastic, tous les matériaux ont donc contribué à travers l’histoire et autour du monde à la renommée de l’olisbos.

On trouve dans nos cultures occidentales dès le XVIIe siècle des marchands de godemichés. En effet, ces précurseurs du sex-shop, proposaient en annexe aux ceintures de chasteté contre la masturbation en général, et pour maris jaloux en particulier, un large éventail d’articles jouissifs. Il existait des notices détaillées, presque scientifiques, sur estampes, et l’on pouvait même essayer avant d’acheter. D’aucuns, plus exigeants, se rendaient chez l’artisan pour s’en faire confectionner des modèles sur mesure.

En parallèle de ces vitrines libidineuses, s’épanouit une abondante littérature sur le sujet. Nous ne citerons que quelques titres parmi les plus fameux: «Les godemicheuses» de Saint-Evremond, «Histoire merveilleuse et édifiante de godemiché» de l’abbé de Laurens, «L’académie des dames» de Nicolas Chorier, et «Le godemiché royal», satire anonyme contre la reine Marie-Antoinette.

De nos jours le gode est communément répandu. Il s’exhibe de toutes les couleurs. Il se décline en maintes dimensions, avec ou sans système vibratoire. Les modèles XXL sont aux yeux de l’innocent d’authentiques machines de torture; souvent munis de courbes accidentées et de veinures convulsives, ils font peur. Ces imitations de verges faunesques sont réservées aux avertis. À l’autre extrême, des miniatures, tels ces faux tubes de rouge à lèvres, sont idoines à satisfaire des envies légères mais fréquentes, pour musarder dans la salle d’attente du dentiste par exemple, et idéales pour les voyages.

Au rayon des spécialités, le «plug» régale les dilatations anales, le gode-ventouse se fixe sur un siège, une balançoire, une porte, au fond d’une baignoire, et se prête aux investigations gaillardes, la poire à giclette éjacule quand on lui presse sur les bourses, bourses qui peuvent être poilues, le gode-fakir, le gode double-pénétration, le gode à deux glands opposés et le gode-ceinture permettant de garder les mains libres, sont des classiques. Quant aux amoureux des bêtes…

Le paradoxe américain, lui, interdit cette dépravation aux confins du Far West, où l’on ne s’amuse guère qu’avec la bonne vieille winchester familiale, et autorise ailleurs la commercialisation d’engins guignolesques à l’effigie de leurs présidents, ou comment un soir d’Halloween je me suis fait stimuler l’adrénaline par Clinton. On peut aussi dénicher les moulages de certaines stars du porno, en ce moment Rocco Siffredi a le vent en poupe. Imaginez cependant l’hystérie fanatique que provoqueraient les simulacres de Johnny Halliday, Leonardo DiCaprio et Pascal Sevran…

Les artistes ont su donner de puissantes réalisations à ce matériau, et même si ce n’est pas toujours le gode qui en est la véritable étincelle, le résultat en vaut souvent la chandelle. Le cinéma tout d’abord avec le délicieux archer à la flèche turgescente des «Mille et une nuits» de Pasolini. La peinture avec «Le pain anthropomorphe» de Salvador Dali. La sculpture avec «L’objet désagréable» d’Alberto Giacometti, «L’objet-dard» de Marcel Duchamp, la très ambiguë «Princesse X» de Constantin Brancusi: lecture phallique par les galbes de «l’éternel féminin». «La fillette» de Louise Bourgeois, gode géant, immortalisé par Mappelthorpe comme un simple accessoire de la rue: parapluie ou sac à main. La photographie enfin avec les autoportraits de Pierre Molinier: «A vos outils», «La poupée», dans lesquelles on découvre un gode-chaussure, ergot de l’androgynie, philosophie acrobatique de l’auto-galipette.

On le voit, le gode, au fil d’un quotidien frénétique, ne cesse de s’adapter à nos caprices. Il n’en reste pas moins une œuvre mystique, et entre Michel Simon qui collectionnait les clichés de nonnes en prière devant un autel voué au Dieu Gode, et Pierre Louÿs qui conseillait de ne pas confondre les croyances: «Ne suspendez pas de godmiché au bénitier de votre lit. Ces instruments-là se mettent sous le traversin», à chacun de définir le juste milieu dans lequel épanouir sa foi, et le calice essentiel dans lequel tremper ses joies.