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Petite philosophie

Chapitre 8: Dermatologie de la crise du logement.

Les statistiques sont formelles, comme diraient les journalistes qui pensent avoir étudié sous prétexte qu’ils ont une licence en sciences sociales: le nombre de logements disponibles fond comme chat sur braise dans notre beau pays où tout le monde souhaite vivre dans les villes du plateau, alors que chacun le sait, c’est sur nos monts que le soleil…
Or donc, chacun préférant la sentence crépusculaire des villes de grande solitude, comme le chantait le poète et philosophe français Michel Sardou, aux promesses généreuses de l’aube patriotique, eh bien, comme le diraient les journalistes qui pensent avoir de la culture parce qu’ils ont une licence en lettres, les conséquences ne se font pas attendre (avez-vous remarqué que dans notre beau pays les conséquences sont toujours à l’heure?): c’est la crise du logement!
Si, si, ma bonne dame, c’est la crise, dans notre beau pays, qui l’eût cru, pas moi en tout cas, mais, aujourd’hui, rien ne va plus, faites vos jeux et priez le soleil des monts pour que votre AVS tombe sur une case «mot compte triple» et vous permette de vivre tranquillement votre Alzheimer dans un EMS où vous pourrez oublier que le monde vous a oublié, parce que sans ça c’est la rue, on va quand même pas payer des soins à domicile, alors que tout le monde en cherche justement, pas des soins – quoique – mais un domicile.
Et comme il en va des fléaux sociaux comme de l’herpès viral, la crise du logement connaît des conséquences aussi pénibles qu’une rougeur purulente sur un coin de sourire: l’isolement social, effet lui aussi ponctuel de la soif de vengeance aveugle que ne manque jamais de provoquer l’état de faiblesse chez celui qui a quelque chose à reprocher sinon à la vie du moins au premier agneau qui aura commencé de s’immoler tout seul en se retrouvant, qui garni d’un furoncle, qui dépourvu d’appartement.
Il n’y a pas de fumée sans feu, comme le répétait sa grand-mère à l’employée de commerce échouée dans une régie alors qu’elle rêvait d’être secrétaire de direction chez Lombard & Odier… Si jeune et déjà confrontée à l’injuste persécution que le sort réserve souvent aux simples d’esprit (raison pour laquelle on leur a promis le ciel, où le soleil qui sur nos monts etc).
Comment, dès lors, imaginer que celle qui hier encore gambadait dans un champ de coquelicots sur les traces de la maladroite mais si touchante Laura Ingalls en rêvant de procès-verbaux financiers et de quatorzième salaire puisse être devenue autre chose que cette triste mine aux envies de meurtres sadiques aussi prononcées que celles d’une guichetière des CFF officiant aux abords d’une ligne désaffectée depuis que Bénédikt Weibel a révélé les tabelles de Rail 2000 à l’humanité?
Dans ces conditions, ami locataire sans domicile fixe, vous devez faire preuve de compréhension. Le babouin enragé en tailleur Zara et carré en nylon de chez H&M qui se donne des airs de monarque de l’autre côté du desk de la régie n’a rien contre vous en particulier. Vous n’êtes pour lui rien d’autre qu’un objet transitionnel, un écran projectif, un maladroit transfert. Ceci dit, avouez-le, cet air servile que vous prenez pour remplir la demande de location, cette manière que vous avez de lui sourire comme si vous compatissiez à sa carrière ratée, ne peut provoquer grand chose d’autre qu’une farouche envie de vous faire payer. Quoi? Là n’est pas tellement la question…
Alors, franchement, à moins que vous ne teniez absolument à endurer l’humiliation de quémander un taudis pour un prix exorbitant, optez plutôt pour la solution la plus simple: fuyez, vers les verts pâturages, vers les loyers bon marché, vers la quiétude des lieux désertés, partez vous installer à la campagne!
L’exode urbain, vous vous en rendrez vite compte, peut apporter le calme et la sérénité et même donner du sens à l’exorbitant leasing de votre 4×4 japonais qui, sur les routes de montagne où ne passent guère plus que les cars postaux et Béatrice Barton en repérage d’un improbable reality-show pour Neuchâtelois en fin de droits, sera bien utile pour vous sortir de la tempête.
Et, une fois le blizzard bravé, peut-être même découvrirez-vous que le genre humain s’est entretué pour 20 m2 avec vue sur la cour et que sur les gravats de l’hécatombe immobilière ne reste plus qu’une jeune fille, perdue, à peine voilée d’un carré en nylon H&M, hier paria de la crise du logement, aujourd’hui élu de l’espèce, avec lequel il vous faudra procréer pour repeupler le monde. Exténué par l’effort physique, allongé sur le dos au flanc d’un coteau ramuzien, vous vous surprendrez alors à contempler les cimes, sur lesquelles le soleil…