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Pour un droit à la vie

Pour un droit à la vie
Pidgeon Pagonis

Pidgeon Pagonis et Vincent Guillot sont leurs noms. Deux histoires que le FIFDH choisit de dévoiler. Leur voix se font entendre pour changer les pratiques et idées reçues entourant l'intersexuation.

Le Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH) de Genève propose cette année une réflexion autour de l’intersexuation. Une thématique souvent méconnue. Pourtant, ce ne sont pas moins de 3 à 4 cas, toutes formes confondues, qui sont référés chaque mois au CHUV. L’occasion de dénoncer des pratiques médicales qui, pour le Festival comme une part grandissante de la communauté internationale et scientifique, constituent une violation des droits humains et de considérer les enjeux sociaux d’opérations aux conséquences souvent dramatiques. «Il s’agit de mutilations génitales irréversibles», explique Anne-Claire Adet, responsable éditoriale adjointe du Forum, «ayant des conséquences durant le reste de leur vie, comme une prise d’hormones ou des traitements complémentaires, sans compter les traumatismes psychiques inhérents aux souffrances physiques mais aussi au profond questionnement identitaire pour celles et ceux à qui l’on cache leur intersexualité.»

Pour nourrir la discussion, deux moyens métrages différents et complémentaires, deux témoignages des deux côtés de l’Atlantique. «Nous avons remarqué que ton vagin est plus petit que celui d’autres jeunes filles. Lorsque nous serons dans la salle d’opération pour travailler sur ton urètre, nous pouvons également faire une petite incision dans ton vagin pour l’élargir. Comme ça, tu pourras avoir des relations sexuelles avec ton mari lorsque tu seras grande. Ça te semble bien? J’ai regardé ma mère qui était avec moi, me demandant comment répondre à cette question. Je n’avais que 11 ans. J’ai lâché un oui honteux.»

Combat
Les mots de l’activiste Pidgeon Pagonis sont terrifiants et pourtant à l’image de ce qui est devenu aujourd’hui le combat de nombreuses personnes intersexuées dans le monde. «The Son I Never Had» est son récit de son enfance et son adolescence dans le mensonge de la profession médicale sur la nature de sa variation physique à la découverte et l’acceptation de son identité. En grandissant Pagonis essaie d’incarner la jeune fille parfaite. «Je ressemblais au succès, mais ce n’est pas parce que personne ne m’a jamais révélé la vérité que je n’en ressentais pas les effets.» C’est à l’université que Pagonis entend parler du syndrome d’insensibilité aux androgènes (SIA), et découvre la vérité.

«Quand je suis né, ma mère a vu le regard d’horreur des médecins avant de me voir. Ils lui ont annoncé qu’elle avait un monstre qui allait mourir, et ils m’ont hospitalisé sans qu’elle ait vraiment pu me voir. J’ai très tôt eu conscience que j’étais pas un garçon et j’étais pas une fille, mais dans ce monde, il y avait des garçons et des filles, donc on disait que j’étais un garçon».

«Réparer le garçon raté»

Vincent Guillot

Vincent Guillot est, lui aussi, né avec des organes génitaux féminin et masculin. Dans «France: n’être ni fille ni garçon», il témoigne de sa vie détruite par les opérations non consenties depuis l’âge de 7 ans. Alors qu’il vit loin du monde une vie de déclassé, il consacre aujourd’hui son temps à la lutte pour la reconnaissance d’une communauté qu’il qualifie d’ «invisible» sans réel statut légal, social, voire même médical. «Ils réparaient le garçon qui était raté. Ma mère m’a toujours dit que ça aurait été plus simple que je sois mort à la naissance.» Comment ne pas souffrir avec lui de la torture de ses mutilations. Si les pratiques commencent à changer, sous l’impulsion de l’Ecole de Lausanne notamment, ce n’est de loin pas le cas partout. De sa ferme bretonne, Vincent Guillot ira jusqu’à l’ONU pour dénoncer le pays dans lequel il a (mal) grandi. L’organisation internationale condamnera la France en 2016 pour ses pratiques.

Le FIFDH s’engage sur ce qui est un combat au grand jour. «Après des années de vie dans l’ombre, les souffrances et souvent la honte, les personnes intersexes se font désormais entendre.», poursuit Anne-Claire Adet. «Un récent article du Washington Post sur des activistes intersexes américains titrait «Their Time», leur moment. D’individus longtemps isolé.es, ils et elles ont créé un véritable mouvement et s’organisent pour faire entendre leur voix d’une manière particulièrement efficace. Leur discours est de dire «nous ne sommes pas des personnes étranges, et nous n’avons pas honte».»

Évolution
La projection des films sera suivie d’un débat autour d’une question: sommes-nous prêts à revoir notre approche binaire du genre? La question se pose face à la réalité des personnes intersexuées, encore opérées dans le monde pendant l’enfance sans leur consentement dans un but de «normalisation». En Suisse, les pratiques évoluent, notamment grâce à un groupe multidisciplinaire basé à Lausanne, l’Ecole de Lausanne. Cynthia Kraus, chercheuse auprès de l’Unil, en est l’une des fondatrices. Elle partage ses connaissances et son expérience de l’intersexuation.

«L’assignation du sexe se fait par un acte de parole qui institue un enfant dans le monde des filles ou des garçons. L’inscription du sexe à l’état civil se fait par une déclaration médicale. Cette déclaration se base sur l’apparence des organes génitaux externes mais les médecins doivent parfois faire des examens complémentaires: c’est le cas lorsqu’un enfant a une forme d’intersexuation. Ces examens portent sur la morphologie interne, les chromosomes, les gènes, ou les taux d’hormones. Assigner un sexe prend alors plus de temps. L’enjeu pour les personnes concernées, c’est que cette assignation ne se fasse plus à coup de scalpel.»

«Le troisième genre est une fausse bonne idée»

360° – Pourtant, des opérations de ce type sont encore pratiquées dans le monde?
Cynthia Kraus – Oui, mais ce n‘est plus le cas à Lausanne. D’abord grâce à un chirurgien qui a cessé de faire ces opérations à la fin des années 90, puis dans le cadre d’une équipe qui collabore depuis 2005 pour changer les pratiques médicales au profit d’une approche non-chirurgicale. L’Ecole de Lausanne réunit aujourd’hui une vingtaine de spécialistes des sciences biomédicales et des sciences humaines et sociales, entre Lausanne, Genève, Sion et Delémont. Pendant longtemps, les médecins ont suivi le paradigme dit de Johns Hopkins, développé dans les années 50 par le psychologue John Money aux Etats-Unis. Son plan: opérer le plus vite possible pour normaliser l’apparence des organes génitaux. Le sexe d’assignation dépendait des possibilités chirurgicales: comme il est plus facile de couper, on considérait qu’il était plus facile de «faire» une fille qu’un garçon. Le modèle multidisciplinaire de l’Ecole de Lausanne, lui, est autre, et commence à prendre en Suisse et ailleurs. Son principe de base, c’est que l’enfant doit pouvoir participer à la décision d’être opéré ou non. Tant que l’enfant ne peut pas participer à la décision, il est urgent d’attendre. Le respect de l’intégrité physique et le droit à l’autodétermination sont inscrits dans les conventions des droits humains et de l’enfant. Le respect de ces droits passe avant les soi-disant nécessités sociales de «normalisation».

– Comment le milieu médical appréhende-t-il cette évolution?
– Les choses sont en train de changer notamment avec des équipes comme la nôtre mais aussi, surtout, grâce à des activistes comme Daniela Truffer et Markus Bauer de Zwischengeschlecht, qui font un travail de lobby extraordinaire en Suisse et auprès d’instances internationales comme l’ONU. Et les résultats sont concrets. En 2012, la Commission nationale suisse d’éthique pour une médecine humaine a publié des recommandations très importantes. Elle a reconnu les torts causés aux personnes traitées selon le paradigme Johns Hopkins, et souligné les raisons à la fois éthico-médicales et légales de différer toute opération irréversible qui n’est pas vitale, telles que les chirurgies d’assignation du sexe.

– Est-ce que l’introduction d’un 3e genre peut être une solution?
– Absolument pas, au contraire. Le 3e genre est une fausse bonne idée. Il faut faire très attention, car les effets peuvent être néfastes à un moment où la profession médicale est en train de changer ses pratiques pour accompagner les enfants intersexués. La raison de s’opposer à des chirurgies génitales précoces n’est pas la crainte de se tromper de sexe car la possibilité de se désidentifier de son assignation existe pour tout le monde. La raison, c’est que ce genre de chirurgie est contraire à l’éthique médicale et aux droits humains. Un 3e genre va, d’une part, invisibiliser le problème des opérations non-consenties dont l’ONU et plus récemment le Conseil de l’Europe demandent l’interdiction pure et simple. D’autre part, assigner un enfant à celuici signifierait un outing. Où est le consentement? On n’oute pas les gens et encore moins les enfants.

– Quelles difficultés une opération précoce chez un enfant intersexué peut-elle créer?
– Le paradigme de Johns Hopkins a fait de l’intersexuation une question d’identité de genre: est-ce que ces enfants se sentiront et deviendront des hommes et des femmes comme les autres? Le vrai problème est ailleurs. Le secret médical et familial génère de la honte et les stigmatise sans en connaître les raisons: pourquoi des examens médicaux répétés, pourquoi ces examens impliquent de montrer leurs organes génitaux, pourquoi sont-ils opérés encore et encore… Le traumatisme réside dans les non-dits et ces actes médicaux lourds et non-consentis. Peut-être que ces enfants s’interrogeront plus tard sur leur identité, mais comme n’importe quelle autre personne. Les personnes intersexuées ont gagné en visibilité aujourd’hui. Il faut en parler oui, mais il faut faire plus qu’en parler. Il faut changer les pratiques médicales qui sont problématiques, et garantir à ces enfants la possibilité de vivre une bonne vie.

Festival du film et forum international sur les droits humains; du 9 au 18 mars à Genève
» fifdh.org

A ne pas manquer, le débat du samedi 10 mars (Théâtre Pitoëff 17h), avec Pidgeon Pagonis, la sprinteuse Dutee Chand, le mannequin Hanne Gaby Odiele, entre autres.

Symposium CHUV et Unil, le 22 juin 2018
Avec notamment la participation exceptionnelle de Cheryl Chase, fondatrice de l’Intersex Society of North America, et d’un généticien spécialisé dans ces questions, eric Vilain du Children’s National Health System, George Washington University. Programme détaillé suivra
» unil.ch/stslab/home.html