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Le mythe de la miss

Le mythe de la miss

Samedi prochain sera diffusée la traditionnelle cérémonie Miss France. Retour sur le célèbre concours de beauté et son indécrottable conservatisme, mais aussi sur les versions alternatives qu'il a fait naître par réaction.

Depuis 1920, luxe, glamour et paillettes représentent le fonds de commerce du concours «de la plus belle femme de France». Le temps d’une soirée, 30 candidates s’affrontent (avec fair-play) à coup de sourires crispés et de mains sur les hanches dans des chorégraphies quelque peu hasardeuses (mais néanmoins distinguées), le tout sous les yeux d’un jury exigeant, toujours bienveillant et qui s’y connaît en matière de beauté. Tant d’élégance et de savoir-vivre nous sont jetés en pâture qu’on se demanderait presque si les candidates n’auraient pas participé à un workshop «bonnes mœurs» organisé par l’académie Nadine de Rothschild International Way of Life avant de monter sur scène.

La Marianne en bikini
Être Miss c’est avant tout respecter les 10 commandements de l’élégance: femme biologique tu seras, jeune et vierge tu resteras et surtout des photos de nu tu ne commettras pas, auquel cas la colère de Geneviève ou de Sylvie s’abattra sur toi, destitution et humiliation tu vivras. Chez Miss France, on est là pour être belle (entendre pure) et non pour être sexy (entendre obscène). Les étrangères, les tatouées, les mariées, les trans* et les «vulgaires» sont personæ non gratæ et peuvent ranger leurs escarpins au placard. Le monopole de la beauté semble toujours appartenir à la norme.

Quatre-vingt huit élections et la question demeure ouverte: Miss France est-elle le reflet de l’identité nationale? Le comité Miss France semble encore profondément partagé sur une définition unique de la Miss représentative de la société française. D’une part, chaque année certaines Miss tiennent un discours de fierté régionale et d’attachement aux traditions locales. Vêtue de son traditionnel costume folklorique, l’ambassadrice ne représente pas seulement le territoire, elle est devenue produit du terroir. D’autre part, la tendance actuelle voudrait que la diversité culturelle soit respectée, mais le panel de jeunes femmes demeure encore majoritairement blanc. Conservateur et contemporain, le concours raconte l’histoire d’une France à double vitesse.

Fé-miss-nisme?
Face à la prolifération des concours de beauté – autant au niveau local (Miss Tuning, Miss Fêtes de Genève ou encore l’incontournable version estivale Miss Camping) qu’à l’échelle planétaire (Miss Monde ou Miss Univers) – la course au diadème est adaptable à toutes les sauces et à tout événement populaire. Toutefois, les jeunes filles en fleurs qui squattent les podiums ou restent adossées durant des heures à un capot de voiture ne sont dorénavant plus les seules à prétendre à la lumière des projecteurs. Dans l’ombre des concours médiatiques de Miss traditionnels, certain-e-s tentent d’exploiter le concept dans un but d’émancipation. Attention, s’il n’y a pas de remise en cause du principe de beauté comme critère de classement, on procède à une négociation des critères la déterminant. Diversifier les profils des candidat-e-s pour plus de visibilité, c’est le pari de Miss Ronde, Miss Gay, Miss Handicap et Miss Trans*.

L’année 2017 marque par exemple la première édition mondiale de Miss Wheelchair, concours de beauté destiné aux femmes handicapées. Cette élection n’a rien à envier à un concours classique, les chorégraphies se font en chaise roulante et le but de la cérémonie vise à changer la perception de la femme victime, prisonnière de son handicap. Le ton se veut désormais revendicatif, il est ainsi dénoncé que les fauteuils roulants restent un luxe dans de nombreuses parties du monde. Faisant valoir un droit à la beauté pour toutes, les participantes portent leurs combats et leurs causes sur le devant de la scène. Bien que la Miss Bonnes Mœurs ait toujours pavané pour la paix dans le monde, on ne doutait pas de ses bons sentiments et de ses compétences mais on avait un peu de mal à imaginer comment cette dernière allait résoudre le conflit israélo-palestinien tout en caressant des bovins au salon de l’agriculture. Néanmoins, du défilé en maillot de bain à la tribune politique, il n’y a qu’un pas.

Discours engagé
Le caractère sexiste de l’élection Miss France a été, à maintes reprises, pointé du doigt, au motif qu’elle érigeait la couronnée en symbole officieux de la femme française par une représentation silencieuse et stéréotypée. Est-il possible de questionner la compatibilité du concours avec une vision féministe de la société ? Modifier le ton d’une telle cérémonie semblait difficilement réalisable et pourtant l’édition 2017 de Miss Pérou a su relever le défi. Lors de leur présentation au public, les 23 candidates ont tenu un discours engagé remplaçant leur tour de poitrine et de taille affriolant par les chiffres alarmants des violences faites aux femmes. «Mon nom est Camila Canicoba et mes mensurations sont 2202 féminicides en neuf ans dans mon pays», pouvait-on entendre. Exemple à suivre au-delà des frontières. Une nouvelle ambassadrice hybride est née : la reine de beauté féministe et inclusive ou quand la Miss devient non seulement le visage mais la voix de toute une communauté.