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Le sida, on n’en guérit toujours pas

Le sida, on n’en guérit toujours pas

Act Up-Paris se retrouve sous les projecteurs à l’occasion de la sortie dans les salles, ce mercredi, de «120 battements par minute», film récompensé à Cannes, qui retrace son histoire.

Si Robin Campillo aborde dans son long-métrage la mort et les combats d’Act Up pour le droit d’être avec la maladie, la réalité de la lutte associative aujourd’hui est d’autant plus importante qu’elle révèle le symptôme des oubliés: le VIH est encore une source de discrimination et de précarité. L’action est plus que jamais indispensable, comme l’indique son président Mikaël Zenouda à «Transversalmag»: «Pour mobiliser les gens, il faut continuer à répéter inlassablement les problèmes qui se posent. Car nous sommes dans un contexte où, dès qu’un nouveau traitement sort, les médias annoncent la fin prochaine de l’épidémie.» En 2017, on ne guérit toujours pas du Sida, répète l’association. A sa création à New York en 1987, l’association donne de la voix, car le silence, c’est la mort. Quelle différence 30 ans plus tard? Si proche et pourtant si loin du but, Act Up, c’est plus qu’une association, ce sont des hommes et des femmes en lutte, une force qui tient dans son acronyme: AIDS Coalition to Unleash Power.

C’est en 1989, que la branche indépendante parisienne d’Act Up naît dans la capitale française, sous l’impulsion de Didier Lestrade, Pascal Loubet et Luc Couvalin, en réaction à un discours associatif discriminant: «Il fallait ’ séparer ’ la visibilité gay du Sida. (…) Avec ses drapeaux et ses t-shirts, Act UpParis a montré que la honte d’être séropo pouvait être transformée en fierté…» explique son premier président, Didier Lestrade à Têtu. Pour incarner cette prise de pouvoir transatlantique, le triangle rose autrefois utilisé par les nazis pour identifier les homosexuels dans les camps de concentration. Pour transformer l’humiliation en symbole de solidarité et de résistance, le triangle est redressé. Le ton est donné. Act Up agit en coup de poing dans une société aux politiques discriminatoires.

Littéralement, to act up signifie «faire des siennes» en anglais. Et l’association l’aura bien compris, elle choisit ses propres voies d’expressions militantes spectaculaires, des actions qui choquent pour changer la pensée comme la pratique. On parle de zaps comme autant d’attaques contre un mal plus grand que la maladie, l’indifférence. C’est avec leur corps que les engagés militent, le corps maltraité par la maladie devient l’arme première du cri de l’existence. Après l’apparition d’une première banderole en 1989 sur les tours de Notre Dame de Paris, Act Up encapote l’obélisque de la Concorde le 1er décembre 1993. Le préservatif géant rose est financé par la marque Benetton. Et l’action paie, petit à petit. En 1996, Act Up change la face de la maladie en libéralisant l’accès aux antiprotéases. La menace même de recours à Act Up, suffit dans ces années à ébranler le système. Les mesures contre les laboratoires sont prises.

Épidémie politique
«Silence = Mort». Le slogan à l’origine du mouvement s’incarne dans l’action même de celui-ci. Le 11 octobre 1992, des membres de l’association américaine déversent devant la Maison Blanche les cendres de celles et de ceux «assassinés» par la négligence du gouvernement. Act Up-Paris jettera les cendres de l’un de ses plus fervents défenseurs et président entre 1992 et 1994, Cleews Vellay, sur l’assemblée de l’Union des Assurances de Paris et du laboratoire Glaxo pour lutter contre les restrictions d’accès à l’antirétroviral 3TC. Les militants adoptent aussi régulièrement le die-in, comme le 1er décembre 1994 au milieu des Champs Elysées, pour figurer celles et ceux que le Sida décime. Le Sida tue, mais le Sida est une épidémie politique, selon l’association, les dirigeants lui donnent sa force. Les années 2000 nourrissent des messages, rendus plus visibles par l’arrivée des réseaux sociaux. Si l’on écoute le Pape, on devient séropo. Avec la tête de Nicolas Sarkozy, votez Le Pen.

Si certains critiquent ce qu’ils caractérisent de violente désobéissance civile, pour les militants d’Act Up le risque pris d’agir ainsi à visage découvert est à la hauteur de l’urgence de la situation. L’accès aux médicaments est littéralement une question de vie ou de mort. De morts en masses. «Je pense fondamentalement qu’Act Up a sauvé un paquet de vies. Et c’est sans doute le plus important. On a permis un accès beaucoup plus rapide aux traitements qui a sauvé la vie à des milliers de personnes. Mais plus fondamentalement, pour plein de mecs dans les années 90, et tout particulièrement avant l’arrivée des trithérapies, cela a été un retour à la vie.» Emmanuel Château, co-président de l’association entre 2006 et 2008, le souligne clairement. Act Up est aussi et surtout un combat pour la vie. Si l’association parisienne a recentré son combat aujourd’hui autour de la prévention et le soutien aux malades en matière de droits sociaux après de grosses difficultés financières et un redressement fiscal, Act Up reste celle qui ose donner de la voix, là où parfois on tend à oublier que sans la voix, l’être humain n’est pas.