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Streetwear post-soviétique

Pris sous son aile par la maison Comme des Garçons, le designer russe Gosha Rubchinskiy exerce un pouvoir de fascination inouï dans les hautes sphères de la mode, le vent de l’est en poupe.

Comme une formule magique qui ensorcelle par sa sonorité alambiquée, le nom Gosha Rubchinskiy résonne créant la suggestion tout autour. Il aurait le pouvoir de transformer en High fashion tout ce qu’il touche et c’est principalement à la rue que son présumé génie se frotte originellement. Il évoque le skateboard – il a même sorti une fragrance unisexe en 2016 qui devrait suggérer l’odeur de bitume – et les rave parties, mais avant tout il évoque une face de la Russie loin des clichés plus répandus tel le luxe pompeux et vulgaire des classes aisées.

Jeux des logos, écritures en cyrillique, mais surtout des pièces sportswear qui s’inscrivent dans l’histoire de la Russie et font notamment écho à la fascination de certaines marques étrangères après la fin de l’URSS. Ce n’est pas un hasard si la caricature du voyou russe, cristallisé dans la figure située entre réalité et caricature qu’est le gopnik, fait également appel à une omniprésence des looks sportifs. L’univers rubchinskiyien fait donc appel à la pauvreté et à la marginalité pour se targuer du terme contre-culture. Les chaussettes remontées et les lacets comme ceintures viennent de cette jeunesse banlieusarde et s’accompagnent de quelques trouvailles décalées, mais pas trop, comme cet imprimé qui mélange les drapeaux russe et chinois ou encore l’inspiration ouvrière de ses larges bretelles. En plus d’évoquer une jeunesse avec peu d’espoir, le créateur choisit le plus souvent des mannequins pré-pubères manifestant une obsession pour la fraicheur juvénile. Il est allé même jusqu’à organiser des concours de casting sauvage pour piocher ces éphèbes parmi le peuple russe et, pour nourrir son propre mythe, il a tout filmé.

Douce saveur eighties
S’adonnant également à la photographie et à la vidéo, ce Russe né en 1984 bénéficie chez certains journalistes de la qualification d’«artiste total», comme s’il était désormais monnaie courante qu’un artiste cumule les casquettes en parfait slasheur contemporain. Gosha Rubchinskiy apparaît sans trop creuser comme un phénomène marketing qui fait de l’appropriation son pain quotidien. C’est effectivement la charge nostalgique de son vocabulaire qui nous fascine grâce à la douce saveur eighties qui se dégage de ces looks. En cherchant à déplacer le curseur de la mode streetwear, en imposant le cyrillique et en déplaçant ses derniers défilés ainsi que ses bureaux en Russie, Rubchinskiy véhicule un attachement à son pays, à son histoire, à sa jeunesse. Cette déclaration d’amour à la Russie génère le capital sympathie de la marque, beaucoup plus que le quotient créatif de ses collections.

Rubchinskiy véhicule un attachement à son pays, à son histoire, à sa jeunesse.

Si sa mode se révèle au final hyperréaliste et crue, il le doit à son acolyte russe Lotta Volkova Adam, la überstyliste qui injecte dans la griffe son venin âprement décalé. Si sa marque a décollé, il le doit à sa rencontre avec Adrian Joffe, président de Comme des Garçons et gourou du retail derrière l’enseigne londonienne Dover Street Market. Le prosélytisme Rubchinskiy semble avoir encore des beaux jours devant lui, à en juger par ses collaborations avec la marque sud-coréenne Fila, le géant Burberry ou l’équipementier italien Kappa ainsi que par son alliance avec le géant allemand Adidas qui durera jusqu’en 2018, année qui verra la Russie accueillir la Coupe du Monde de football.