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L’affirmation jouissive du «mauvais genre»

L’affirmation jouissive du «mauvais genre»

Le cinéaste français Sébastien Lifshitz met en scène dans un livre un siècle de travestissement à travers des photos d’anonymes. Fascinant.

Tout a commencé par une démarche personnelle, interrogeant sa propre identité. Adolescent, Sébastien Lifshitz passait du temps à chiner aux puces, achetant des photos d’amateurs, dont certaines mettaient en scène l’homosexualité ou le travestissement. En 2001, celui qui est alors devenu cinéaste multiplie les contacts au sein de la communauté transsexuelle pour les besoins de l’un de ses films («Wild Side», 2004).

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De ces rencontres naît la fascination pour un monde nouveau, transgressif, celui qui brise la binarité du genre. Lifshitz se remet alors à collecter plus avidement encore des images, trouvées aux puces, mais aussi dans les vide-greniers, sur eBay, partout où ce type de représentations s’échange. S’amoncellent ainsi autant de photos anonymes d’hommes et de femmes portant des vêtements du sexe opposé, plus ou moins datées, en provenance pour beaucoup des EtatsUnis, mais dont on ne sait jamais vraiment dans quel contexte elles ont été réalisées. Cela donne aujourd’hui un formidable ouvrage, «Mauvais Genre», recueil de quelque 200 images qui traverse cent ans (de 1880 à 1980) de travestissement domestique.

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Ce qui frappe dans ces images, c’est le regard des photographié·e·s. Tantôt amusé, tantôt sérieux, ce regard semble crier au monde l’affirmation de soi dans la transgression. Quelle que soit l’époque à laquelle les photos ont été prises, ces femmes cravatées en complet veston, ces hommes portant jupes et boucles d’oreille, posent de toute évidence avec l’idée de défier les classifications normatives, de renier les codes sociaux de leur époque. Et, révélation jouissive dans cette traversée centenaire, cette posture d’insoumission et de liberté se révèle dans une permanence temporelle, que la photo ait été prise à la fin du XIXe siècle, durant les années folles ou les extraverties eighties.

Décor
Ce qui détonne encore, c’est le décor. Point d’estrades et de paillettes, point de représentations confinées sous les lumières des scènes de cabarets, reflet stéréotypé d’un travestissement socialement toléré uniquement lorsqu’il se fait show pour amuser la galerie. Non, ici c’est au fond du jardin, sur le perron de la maison, dans son salon que l’on pose comme on fait une photo de famille. Ce moment d’intimité, ludique, partagé avec ses proches, avec ses amis, ancre tous ces personnages dans une réalité ordinaire.

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Dans la préface de son livre, Sébastien Lifshitz raconte sa quête d’images et le cheminement effectué à l’intérieur même de sa démarche. «Plus les photographies étaient anciennes, plus mon intérêt était fort, car elles venaient bousculer la vision que je pouvais avoir des travestis au XXe siècle, celle que j’avais découverte dans des romans de gare ou dans les mauvais films. Malgré ma curiosité, mon ignorance était immense», écrit-il, expliquant avoir d’abord placé les photos des hommes déguisés en femmes et vice-versa dans des boîtes distinctes, puis s’être aperçu à quel point cette classification était simpliste. Maintes images collectées racontent un jeu de miroir entre les deux sexes, une androgynie assumée, une identité multiple.

» «Mauvais Genre» de Sébastien Lifshitz, éditions Textuel