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Le grand-père le plus sexy de Berlin

Avec son look so british et sa silhouette élancée malgré ses 71 printemps, le Berlinois Günther Krabbenhöft ne passe pas inaperçu dans les rues de Kreuzberg... et sur les dancefloors.

Complet bleu, nœud papillon en soie, chapeau melon. Günther Krabbenhöft semble tout droit sorti d’une garden party «chap» (1). Il a la ponctualité et les bonnes manières des gens de son âge. Mais le même week-end de fête derrière lui que ceux qui pourraient être ses petits-enfants. Ce retraité berlinois a ses entrées dans les clubs les plus branchés de la ville. La techno, il adore ça, il a les yeux qui brillent quand il en parle: «Cette musique me comble, me fait monter, me permet d’exprimer tout ce qui est en moi. Quand je rentre à la maison après avoir dansé pendant des heures, c’est comme si je flottais. Je me sens vivant.»

Qu’on ne le comprenne pas de travers: «Les drogues, elles viennent des hauts-parleurs.» Aller danser, pour lui qui va au fitness studio deux fois par semaine, c’est une hygiène de vie: «C’est comme si je rechargeais mes batteries.» Avant de devenir un des oiseaux de nuit les plus célèbres de Berlin, Günther a eu une vie plutôt rangée. Du moins jusqu’à qu’il fasse son coming-out à 32 ans. Mais même s’il s’est découvert une âme de fêtard en fréquentant la scène gay berlinoise, il a cessé de sortir passé la cinquantaine.

Le grand virage
C’est en 2014 que sa vie paisible de cuisinier à la retraite a pris un grand virage: alors qu’il attendait le métro, un touriste ébahi par son allure de dandy l’a supplié de le laisser le prendre en photo. Günther a accepté, en lui demandant de garder la photo pour lui. L’homme ne l’a pas écouté. Quelques semaines plus tard, sa photo avait été vue plus d’un million de fois sur la toile. Son téléphone a n’a plus arrêté de sonner: une marque de vêtements japonaise l’a embauché comme modèle pour son futur catalogue, un site allemand de vente en ligne de costards sur mesure a fait de lui «sa muse», comme il s’amuse à dire, et il apparaît même dans une publicité pour le moteur de recherche Google.

Deux ans après cette rencontre fortuite sur un quai de métro, Günther fait partie d’une agence de mannequins, il a sa propre attachée de presse, sa page Facebook totalise plus de 16 000 likes et il a près de 8 000 abonnés sur Instagram. Sur son smartphone, il a une photo d’un pochoir à son effigie sur un bus en Russie. «Je suis devenu une marque», s’amuse-t-il, lui pour qui cette célébrité soudaine est «un cadeau» tombé du ciel. Et une reconnaissance pour cet esthète toujours tiré à quatre épingles: «J’ai toujours eu mon propre style, je cousais même mes vêtements moi-même autrefois. J’ai toujours été différent et créatif. Mais ce look de gentlemen, je ne l’ai que depuis que je suis vieux. Je me suis demandé comment vieillir sur un plan vestimentaire. Je n’avais pas envie de mettre une casquette à l’envers et de porter des baggys, je trouve ça ridicule sur quelqu’un de vieux mis à part quelques exceptions. Il était donc clair que je ne pouvais m’orienter que sur la mode masculine classique. Mais je ne voulais pas avoir l’air d’un parfait lord anglais, mais mettre dans mes tenues mon propre twist, de manière à rendre le tout un peu plus moderne et désinvolte.»

Se réveiller et danser
C’est ce subtil équilibre entre élégance et fantaisie qui là encore lui a ouvert les portes des clubs berlinois, où il n’osait pas aller de peur de se faire refouler à l’entrée d’un «retourne à la maison de retraite!». Deux filles croisées dans la rue l’ont invité à les accompagner au Berghain après s’être extasiées sur sa tenue: «C’est ce soir là que je suis devenu un habitué des clubs». Depuis, presque pas un week-end ne passe sans qu’il n’aille faire la fête. Avec un rythme là aussi sur-mesure, eu égard à son âge: «Je vais dans les clubs l’après-midi ou bien je me couche tôt le samedi soir et me réveille à quatre heures pour aller danser. Je rentre ensuite chez moi en fin de matinée pour prendre le petit-déjeuner, puis je vais dans un autre club l’après-midi.»

Même s’il assure continuer à passer de bons moments avec ses vieux copains bien qu’il soit le seul de la bande à encore aller danser, le contact avec les jeunes est devenu une sorte d’élixir de jouvence pour lui: «Ce n’est pas que j’ai quelque chose contre les gens vieux puisque je le suis moi-même. Mais je suis encore curieux. Je veux vivre dans l’instant présent. Et ça ce n’est possible qu’avec les jeunes, car la plupart des gens vieux ne parlent plus d’avenir.»

(1) Né en Grande-Bretagne, le mouvement «chap» prône l’élégance et l’humour face à la morosité ambiante, et «la révolution par le tweed».Pour en savoir plus, lire le délicieux «Manifeste Chap», traduit en français par les Éditions des Équateurs.