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Vieille comme la rue? La prostitution hier et aujourd’hui

Genève, ven 19 avril, 17:30

Grindr, la fierté gay version 2.0?

La célèbre application de drague gay ne repose pas que sur le sexe. Elle est devenue l'expression permanente d'une fraternité gay virtuelle, écrit une psychologue américaine. On a de gros doutes.

La vraie Gay Pride, aujourd’hui, ne se déroulerait-elle pas virtuellement, 24 heures sur 24 et 365 jours par ans? Dans «Psychology Today», la psychologue américaine Melissa Ritter avance cette idée que l’application Grindr et ses millions d’utilisateurs sont devenus l’un des outils privilégiés pour se forger une «fierté» homosexuelle. Avec son écran d’accueil, mosaïque de visages souriants des plus proches géographiquement aux plus lointains, son dispositif de géolocalisation et son extrême simplicité d’usage, la plateforme de rencontres gay est devenue indispensable à beaucoup d’hommes gay. Melissa Ritter se base sur l’usage surprenant que ses patients font de l’application. Comme ce couple qui avait voyagé à travers un Etat américain désertique et réputé homophobe. «Ils checkaient Grindr de temps en temps rien que pour se rassurer. Même là-bas, ils n’étaient pas les seuls gays dans les parages: il y avait des gens qui leur ressemblait», lui avait raconté l’un des deux hommes «avec un soulagement joyeux, comme si le monde semblait pour le coup un peu moins effrayant.» Eh oui, les sites de cul servent aussi à tromper la solitude, voire à nouer des liens d’amitié ou de fraternité virtuels. Elle raconte encore qu’un autre de ses clients, «membre d’un minorité ethnique dont la culture est réputée homophobe pouvait trouver sur Grindr d’autres hommes faisant face à la double marginalisation résultant de l’orientation sexuelle et de l’origine ethnique. «La haine de soi est diminuée, ne serait-ce qu’un peu.» Comme une Gay Pride, Grindr s’impose en tant qu’«endroit où règne l’ouverture et l’optimisme», résume la praticienne.

«Egoïste Pride»
Ce point de vue a suscité des réactions pour le moins mitigées. Sur Gawker.com par exemple, Rich Juzwiak trouve qu’en tirant une analogie entre Grindr et la fierté homosexuelle, le Dr. Ritter rate le coche en beauté. D’abord, parce que l’application évacue totalement toute présence de l’autre, c’est-à-dire de l’hétéro, dont la présence (qu’elle soit hostile ou bienveillante) est fondamentale dans toute marche des fierté. Sur Grindr, à l’inverse, on évolue dans un vide sidéral où ne flottent que des gays disponibles individuellement. «La pride, l’orgueil, que je peux retirer de Grindr est entièrement égoïste, souligne Juzwiak. Il provient de l’attention que je capte et du charme que je déploie pour amener quelqu’un à passer du temps avec moi. Et pas avec moi en tant que gay, mais avec moi en tant que moi. L’écran d’accueil a beau faire ressembler Grindr à une expérience communautaire, cet océan de visages et d’abdos ne fait que compartimenter davantage un monde déjà compartimenté.»

L’enthousiasme de Melissa Ritter n’est peut-être pas si béat. Ainsi s’avoue-t-elle un peu désarçonnée par le logo de Grindr, qui ressemble étrangement à une tête de mort. Le choix de cette icône serait-elle un acte manqué de la part de ses concepteurs? Elle se borne à l’interpréter comme le signe d’une «ambivalence», d’une «homophobie intériorisée». Dommage qu’elle ne creuse pas davantage cette «face obscure» des plateformes de drague gay, et notamment le rejet basé sur l’âge, la race, le physique et l’attitude dont sont truffés les profils d’utilisateurs. Mais il est vrai qu’il ne serait alors pas resté grand chose de son sentiment d’optimisme initial.