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La Pride de Sion selon Lionel Baier

Pendant des mois, le cinéaste vaudois Lionel Baier a filmé les préparatifs de la Gay Pride et tous les déchirements que l’événement a fait naître. A l’arrivée: un documentaire fort, drôle et tendre qui raconte, au-delà du militantisme homo, une fable sur les différences au pays des Helvètes.

Souvenez-vous du printemps dernier. La tempête est arrivée sans que personne ne s’en aperçoive. Elle avait pour nom Gay Pride de Sion, ou plutôt la perspective de son organisation début juillet au cœur du Valais. D’un coup d’un seul, les préparatifs de la fête annuelle des homos allaient déclencher des débats sans précédent en Suisse romande. Dans les médias, dans la rue, dans les milieux gays, cet événement fort en symboles allait mettre à nu, telle une caricature, toutes les différences de mentalités qui cohabitent en ce coin de pays. C’est sur ce canevas de mentalités en opposition que Lionel Baier construit son film, «La Parade». Fil conducteur, la Gay Pride de Sion fait surgir les contrastes entre ville et campagne, met aussi en relief un milieu homo tout sauf homogène. Tandis qu’en Valais on se cache pour mettre sur pied une Gay Pride décente, les gays des villes pour qui militantisme rime avec joyeuse démonstration, se rient gentiment des gays des champs. Le film met en scène les homos, mais ce n’est là que prétexte. La fable parle à tout un chacun: elle parle de la différence, de notre difficulté à la tolérance vis-à-vis d’un voisin si proche et si différent à la fois.

L’intolérance est capable de se nicher chez tout le monde, mais le cinéaste lausannois ne cherche pas à la montrer du doigt. Bien au contraire, Baier fait tout pour rapprocher les protagonistes les uns des autres. Sinon par les idées, du moins par leur humanité. Car ce qui frappe dans ce film, c’est la capacité du cinéaste à dévoiler chez eux le meilleur d’eux-mêmes. Sans nul doute n’aura-t-on jamais vu Dominique Giroud, le farouche opposant à la pride, révéler autant de lui-même devant la caméra. Et Marianne Bruchez, seule organisatrice osant montrer son visage, apparaître comme la plus courageuse d’entre tous aux yeux de tous les blasés, ceux qui n’ont plus à se battre pour exister.

A 26 ans, Baier, fils de pasteur, déjà auteur d’un film sur son père en 1999 («Celui au pasteur») aime les gens, et sait faire partager sa tendresse. Dans «La Parade», pas question de juger, d’ironiser – sauf lorsqu’il prend plaisir à filmer le défilé d’une fanfare dans les rues de Sion –, de prendre position de manière caricaturale. «Je déteste par-dessus tout l’absence totale de relativisme», dit-il. Il s’agit au contraire de saisir pourquoi cette pride de Sion a véhiculé une telle charge émotionnelle en Suisse romande, jusqu’à revêtir les habits de la tragi-comédie. De comprendre la mécanique interne qui a animé chacun des protagonistes à se positionner dans cette affaire. «Comme les personnages du film, on a tous une histoire, un coming out a faire par rapport à d’où on vient, ce que l’on vit. Les gays des villes ont raison quand ils disent que les drag queen ont autant le droit de se montrer à la pride que n’importe qui; mais les Valaisans ont aussi leurs raisons de vouloir montrer qu’ils sont comme tout le monde.»

Personnage à part entière du film, Baier y fait donc aussi son propre chemin: «Un thème important du film porte sur le fait de se cacher ou non», explique-t-il. «A part Marianne, toutes les autres organisatrices de la pride ne voulaient pas montrer leur visage. Au début, ça m’a énervé. Et puis, je me disais: “Mais moi, Lionel, quelles sont les choses que je me cache? J’ai dit à mes amis que j’étais gay, mais n’est-ce pas du bluff? Est-ce que j’assume vraiment qui je suis? Le dire vraiment, c’est autre chose.” A un moment donné, dans le film, je décide de montrer mon visage. Je ne pouvais pas faire un film sur la Gay Pride et rester caché derrière la caméra. C’était une simple question d’honnêteté.»

Et puis, scène forte du film, il y a cette incroyable rencontre avec Dominique Giroud, l’homme qui ne supporte pas les pédés. Après une première scène où l’interview débouche sur des questions et des réponses convenues, Baier, fâché contre lui-même de ne pas s’être livré, retourne voir Giroud. Baier lui dit qu’il est gay, lui crie presque qu’il n’est pas d’accord avec ses idées. Devant la caméra, face à face avec un homo, le militant de Romandit, décontenancé, devient soudainement humain, terriblement accessible. «Il faut montrer la beauté des gens, même chez ceux qu’on n’aime pas», lâche Lionel Baier.

Outre la fable qu’elle raconte, la Gay Pride de Sion et les réactions qu’elle a provoquées ont fourni au cinéaste le terrain idéal pour raconter le milieu homo. «J’ai toujours été frappé, disons même énervé, de la manière dont la télévision traite de l’homosexualité. Elle ne nous laisse généralement que peu de choix: soit elle aborde la chose avec une vision dramatique, soit elle opte pour une perspective ludique, dans laquelle le milieu homo ne sert qu’à incarner le fait d’être branché. Mais pour moi, l’homosexualité n’est pas un sujet en soi. C’est ce que je connais, puisque je suis gay, et c’est pour ça que j’en parle. Ce n’est pas le thème de mon film.» Ce qui fascinait avant tout le cinéaste, c’est le militantisme, la capacité qu’ont certaines personnes à se battre pour une cause: «En tant qu’homo ayant grandi en ville, j’ai toujours vécu comme si l’intégration allait de soi, et je ne me suis jamais senti très proche de ceux qui ont milité pour obtenir des droits. Pourtant, je sais que je leur dois beaucoup de choses, que j’ai bénéficié de leur combat. Avec ce film, je voulais savoir ce que ça veut dire aujourd’hui de se battre pour quelque chose, de chercher à se dépasser.» Après avoir accompagné Marianne et tous les autres, Baier, et le spectateur avec lui, ont le sentiment d’avoir trouvé la réponse.