Genève
#Musique

Gaye Su Akyol

sam 18 mai, 20:30
Sion

Lancement de la Pride 2024

sam 20 avril, 21:00
Genève
#exposition

Ex-eroticis: Art et fierté du livre secret

ven 26 avril - ven 31 mai
Lausanne
#fetish

La SeXorcisto présente Lith Li

ven 26 avril, 21:00

Max et Holger, de si jolies ménagères

Pour vendre ses plats surgelés, la marque Iglo met en scène un couple gay bien comme il faut à la télévision allemande. Une première. Les ménagères en raffolent, certains homos crient aux clichés.

«Tatü, tata, le dîner est là… Des spaghettis gorgonzola!». Depuis janvier cette année, Holger et Max figurent parmi les couples les plus célèbres d’Allemagne. Ils sont les vedettes de quatre spots TV pour les menus 4 étoiles Iglo. Charmants, cultivés et stables, ils séduisent à tout crin, ménagères en tête.

Max, brun, la trentaine, est professeur de danse. En vrac, il aime le patin à glace, sortir, ABBA, Joop, le magazine Wallpaper et Olivia Newton-John dans la comédie musicale «Grease». Il dit être tombé amoureux de son premier prof d’école à 6 ans et s’est expliqué le manque de réciprocité en se disant qu’il était trop jeune… Depuis qu’il a rencontré Holger, il affirme s’être vraiment réalisé. Les petits plats, c’est lui.

Holger, blond, la quarantaine, tient une librairie d’art. Il aime l’écriture, l’auteur polonais Stanislaw Lem, les Stones et Londres. Il joue de la guitare et est plutôt casanier. Il dit avoir le sentiment que sa vie a commencé le jour où il a rencontré Max. Même si, précise-t-il, il a vécu avant.

Ce couple est une création de l’agence McCann-Erickson Hambourg, qui a convaincu Iglo de recourir à un couple gay pour vanter ses menus 4 étoiles. Ce faisant, ils ont réussi à briser un tabou, à positionner la marque à l’avant-garde et à accéder au rang de série culte. Preuve que l’homosexualité garde ses lettres de noblesse question branchitude. Pourtant, les scénarios des quatre films illustrant des scènes de la vie domestique sont finalement très banals. Une femme qui arrive à surprendre son compagnon en lui concoctant un mets surgelé «aussi bon que s’il était fait à la maison» n’est pas un synopsis de nature à affoler les audimats ou à bousculer le genre. Sauf si on transforme Betty en Max: d’un coup, la tambouille prend une nouvelle saveur.

En prenant ce parti, lglo ne se jetait pas dans l’inconnu. Trois facteurs concordants lui permettaient en effet de se lancer avec une certaine sérénité. Seat, Mercedes, les cigarettes West, le café Jacobs et l’assureur DBV-Winterthur avaient déjà ouvert quelques brèches dans la publicité allemande. Des personnalités emblématiques telles que le styliste Wolfgang Joop ou Alfred Biolek, producteur et animateur de shows télévisés, occupent régulièrement l’avant-scène des médias et une récente étude allemande(*) a confirmé ce que d’aucuns savaient déjà: les homosexuels voyagent plus, dépensent plus et sont deux fois plus connectés que les hétéros.

«Cultivés et charmants»
Il n’en fallait pas plus pour décider Iglo, qui s’est tout de même attaché les services d’une agence de relations publiques pour véhiculer de manière uniforme et politiquement correcte ses nouvelles valeurs. Justifier le couple Holger et Max est apparemment très simple puisque «chacun sait que les couples homosexuels masculins sont non seulement acceptés dans la société, mais qu’ils reflètent depuis longtemps déjà le bon goût et les nouvelles tendances. Et ce n’est pas seulement valable en matière de mode ou d’art. (…) Ils ont aussi la réputation d’être des gourmets (…) et constituent une référence même pour la ménagère traditionnelle.» Le danseur et son libraire sont également, dixit l’agence PR «cultivés, charmants, raffinés et pleins d’humour». Rien que ça.

Mais crouler ainsi sous les qualités a évidemment un revers. Etre consensuel et visible par tous publics impose certaines conditions. Le couple doit ainsi se conformer à la répartition classique des rôles. Dans celle-ci, Max s’est vu attribuer le rôle de la femme et se colle donc à la cuisine. Il revient à Holger, plus posé, d’agir comme élément modérateur et d’être servi à table. A en croire Iglo, le cliché est voulu, et se veut presque une démarche didactique pour guider le public. Après, disent-ils, il sera possible de passer à des situations moins convenues.

Le briefing donné à l’agence comportait quelques contraintes: les films devaient être légers, amusants et bannir toute intimité. Oui à la tendresse, non à la chambre à coucher. Non également aux cuirs et clous et non à …. un couple féminin. Les lesbiennes n’incarnent apparemment pas le même bon goût. De plus, par manque de décalage, elles ne se seraient pas prêtées à la touche humoristique qui caractérise les pubs à succès. C’est sur ces bases qu’ont été rédigées les quatre histoires, chacune ponctuée d’une dose d’humour et d’autodérision. Max et les spaghettis au gorgonzola, Holger et son blues western, Max jouant des baguettes chinoises… Il faut le reconnaître, cette série réussit à faire sourire, clichés inclus. Le succès a d’ailleurs été tel qu’un site complet leur est dédié. C’est en le lisant qu’on découvre des biographies complètes, des albums de photos ainsi que les recettes et adresses préférées de Holger et Max. On y apprend qu’ils se sont rencontrés en 1993 lors d’un spectacle de ballet «Le lac des Cygnes» dans lequel Max avait un tout petit rôle de cygne. Qu’ils ont passé leurs premières vacances communes à Mykonos et que la présentation aux beaux-parents s’est bien déroulée même si, reconnaît le père de Max, il aurait préféré «une belle-fille ayant un peu plus de poitrine»… Pour connaître les détails de l’histoire et visiter leur appartement, n’hésitez pas à être voyeurs et tapez www.holgerundmax.de. Mais ne vous attendez pas à trouver du croustillant. L’exhibitionnisme s’arrête aux portes de leur chambre à coucher, seule pièce de l’appartement tenue privée. Briefing oblige.

Caricature dénoncée
Suivant les traces d’un Calvin Klein, Iglo donne les moyens aux admirateurs et admiratrices d’écrire à Holger et Max via une adresse email. Et, aux dires d’Iglo, le fan’s club des deux vedettes est impressionnant. Ils sont spécialement plébiscités par les femmes au foyer qui les considèrent – est-ce étonnant – comme des amis ou des conseillers avisés.

Iglo se montre satisfait, les ménagères ne se sentent pas menacées derrière leurs fourneaux, les maris ne sont pas jaloux. Tout serait-il rose? Les critiques sont venues de la part des homos surtout, qui ont jugé les films caricaturaux et avilissants. Mais c’est de bonne guerre et c’était prévu. Reste une catégorie de frustrés apparemment nombreux, aux dires d’Anja Tiemann de pr bonn: les admirateurs gays qui demandent si Max et Holger sont homosexuels. Dommage, mais la réponse est non. Ils sont excellents comédiens, ils témoignent de l’expérience qu’a été le tournage dans le «making of» visible sur le site, mais ne sont pas près de passer à la casserole. Cela dit, si certains devaient en douter, Max est zurichois…

(*) Etude sur les habitudes de consommation, de voyages et de loisirs des homosexuels, menée par Publicon, Berlin.