Sion

Lancement de la Pride 2024

sam 20 avril, 21:00
©larissa_fuerderer
Lausanne
#Humour

Edwin Ramirez

ven 26 avril - dim 28 avril
Lausanne

Happy Birthday, GT’s!

sam 27 avril, 19:00
Lausanne
#places à gagner

The Armed

mer 5 juin, 19:30

L’émission sans scrupule

TF1 nous gratine d’un nouveau reality show pernicieux: il divise le monde entre bons et mauvais et s’emploie à rendre les gens plus intolérants qu’ils ne le sont déjà.

Gouines et pédés, de quoi vous plaignez-vous? Lois sur le Pacs, cinéma homophile, sondages en rose et télé gay, tout semble indiquer que l’homosexualité est aujourd’hui acceptée, voire fêtée, dans notre formidable et avancée civilisation occidentale. Alors, terminé le combat? Faut-il ranger nos banderoles et abolir la gay pride? C’est ce que le nouveau discours de l’hétéromajorité voudrait nous faire accroire. Et puis voilà qu’au détour d’une nouvelle émission de TF1, le doute nous envahit, le vertige nous reprend.
Ça s’appelle Scrupules. Le principe? Un truc très à la mode depuis que les USA sont gouvernés par Bush II: il s’agit de diviser l’humanité entre les gentils (petit logo rond et bleu surmonté d’une auréole) et les méchants (petit logo rond et rouge coiffé de deux cornes). Ces derniers sont les vraies vedettes de l’émission: «Ils ont agi sans scrupule, ils ont agi sans morale», nous dit la voix off, «ont-ils eu raison d’agir ainsi?»

La première soirée est thématique: les invités ont tous tâté de l’adultère – quelque chose de très rare et de très peu moral. «Il a trompé sa femme enceinte», «Elle le trompe pour pimenter sa vie», etc. Le dernier sujet attire notre attention: «Il trompe sa femme avec des hommes». Avant de donner la parole aux invités des deux camps, la présentatrice effectue un premier sondage auprès du public (qui ne se prive pas d’applaudir ou de huer). 22% de ses membres pensent qu’un homme qui trompe sa femme avec un homme peut avoir de bonnes raisons de le faire. Ce qui implique que 78% trouvent cela immoral. (Léger «gloups» du pédéspectateur).

Vient alors le prétendu débat, festival de simplismes assénés sans la moindre hauteur de vue. On y découvre une version présentable du Jerry Springer Show, déballage intime flanqué de jugement moral. Ça se veut soft car frenchie, mais c’est en réalité d’une grande violence. La «gentille» de l’histoire est une femme de 39 ans qui raconte comment son existence a été brisée lorsque «l’homme de sa vie» lui a avoué ses penchants pour les hommes. «J’ai compris que je lui avais servi de bouclier pour affronter la société. Il a ruiné ma vie.» Et de cracher sa vindicte contre les invités du camp d’en face, une femme qui tolère les infidélités homoérotiques de son mec et un anonyme parlant maladroitement de sa bisexualité. A quoi la pauvre «victime» de 39 ans rétorque: «les bi sont des menteurs, ce sont des homos qui ne s’assument pas». (Applaudissements du public.)

Résumons: celui qui se marie parce qu’il n’assume pas son homosexualité, puis se ravise au prix de douloureux combats intérieurs et de grands chamboulements familiaux, est doublement «mauvais». Parce qu’il a menti et qu’il fait souffrir. Sa propre douleur? Niée. Son courage? Occulté. Ne reste que cette terrible étiquette: immoral. La démonstration est si convaincante qu’à l’issue du «débat», le public re-vote et se crispe: il n’y a plus désormais que 18% du plateau pour comprendre les raisons pouvant amener un homme à se détourner de sa femme pour un autre homme. Preuve en direct: avec Scrupules, TF1 crée 4% de fachos en plus! (Le pédéspectateur s’étrangle avec son bretzel.)

Impossible de dire tout ce que cet étron télévisuel inspire. Qu’il fait reculer tolérance et sens critique en appliquant son manichéisme grossier sur des phénomènes complexes. Qu’il vient renforcer l’actuelle déferlante de puritanisme. Qu’il montre en direct le pouvoir de la télé et sa responsabilité dans le virage à (l’extrême-)droite de notre société occidentale si formidable et si avancée. Le comble, c’est que Scrupules ne provoque pas la levée de boucliers à laquelle dut faire face Loft Story, programme bien inoffensif. D’où notre légère inquiétude, qui ferait un excellent problème de maths pour nos écoliers: sachant qu’une seule émission augmente de 4% le nombre de personnes appartenant aux 78% d’intolérants, combien d’homophobes après six mois de Scrupules?