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Chéri, et si on recapotait?

Ringard, le préservatif au sein du couple ? Au royaume des amours plus ou moins libres, ce bout de latex qui sauve la vie peut aussi devenir le sceau d’une relation épanouie. Témoignages.

Deux centièmes de millimètres en caoutchouc, c’est beaucoup quand on est amoureux, c’est carrément trop quand on a trouvé l’homme idéal. Vraiment ? « C’est un fait, les rapports sans préservatif sont devenus une sorte de norme dans les couples stables » note Hubert Crevoisier, infirmier au Checkpoint Genève. « Ce qui n’était pas forcément le cas il y a dix ans, lorsque l’épidémie faisait peur. » Certains tourtereaux, pourtant, choisissent de remettre le condom, même après une longue période de sexe non protégé. « Pour le meilleur, et pour le pire », comme dit l’adage, tant cette décision mélange allègrement amour, plaisir, affirmation de soi et respect de son/ses partenaire(s).

A l’image de Francis*, 29 ans, aujourd’hui célibataire, qui sort d’une relation de trois ans et demi avec Philippe*. « C’était à peu près deux ans après notre rencontre, se souvient le jeune homme. Suite à une dispute, on s’est séparés quelque temps, puis on s’est réconciliés. Comme je soupçonnais Philippe d’avoir eu quelques aventures, j’ai décidé de mettre une capote lorsqu’on a recommencé à coucher ensemble. On n’en a pas parlé, je l’ai fait, tout simplement. Philippe a eu l’air surpris, il ne semblait pas y avoir pensé. » Pourquoi ? « On le sait bien, l’amour rend aveugle, remarque Hubert. Chez Francis, le bon sens a primé, tandis que Philippe est resté dans l’émotionnel au moment des retrouvailles. Il a juste « oublié » le VIH et les IST alors que la population homosexuelle est dans un contexte d’épidémie au VIH. Avant d’abandonner le préservatif, un test de dépistage est nécessaire pour faire le point ensemble. Une bonne communication devient le dernier rempart contre une contamination à l’intérieur du couple. »

Je t’aime, moi non plus
Question dialogue, justement, les choses ne s’amélioreront pas. « Nous avons finalement rompu à cause du manque de communication, explique Francis, et parce que nos sentiments s’étaient dilués. De mon côté, j’ai recommencé à fréquenter le milieu, à prendre des amants.» La capote, du coup, devient le symbole de cette lassitude : comment faire abstraction des instants privilégiés du début, de tous ces souvenirs « couché de soleil et baise sauvage sur la plage » où la question de la fidélité ne se posait même pas ? « C’est vrai, admet-il, une relation exclusive dans laquelle je pourrais me passer de préservatif reste mon objectif. »

«En consultation, beaucoup d’hommes qui ont de multiples aventures me font part d’une grande solitude, d’une envie de trouver un compagnon», note Hubert. Oui, même au plus profond du milieu gay, l’Amour avec un grand A continue de faire rêver. Du coup, enlever la capote ne s’apparente pas qu’à une histoire de sensations ; cette décision procède aussi d’une volonté de démarcation par rapport au monde de la chasse version backroom ou gayromeo.com. Les chiffres, pourtant, rappellent une réalité nettement moins fleur bleue : selon l’enquête Gaysurvey réalisée en 2007 par l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive de Lausanne, un couple sur six est exposé au risque de contamination par le VIH, sachant que deux tiers des hommes en relation stable admettent avoir un ou des partenaires occasionnels.

« Lorsque je reçois les membres d’un couple l’un après l’autre, il est très fréquent que le premier me dise être fidèle et persuadé de la fidélité du conjoint, poursuit Hubert, tandis que le second avoue aller voir ailleurs. Dans le contexte de vie gay, les discours du genre « si tu me trompes je te quitte » sont donc à éviter ! La culpabilité et la peur de perdre l’autre poussent au mensonge, et il faut bien se rendre compte que l’infidélité fait partie de la nature humaine. » Pas de solution miracle, donc. Si ce n’est, peut-être, d’en parler ouvertement avec son homme, surtout à ce moment-clé où la magie de la lune de miel laisse place aux prémices de la routine ; ne dit-on pas, à tort ou à raison, que l’Amour (avec un grand A) ne dure que trois ans ?

Grands maux, petits moyens
Tomber de haut, ça peut aussi faire du bien. « L’année dernière, mon mec m’a avoué avoir eu des aventures, dont une hors des règles du safer sex, confie Sylvain*, en couple depuis bientôt quatre ans. On traversait une phase difficile, ça m’a fait un coup. Mais j’ai finalement accepté d’en discuter. » Ce garçon de 25 ans et son ami choisissent alors de remettre la capote, « en attendant de pouvoir faire le test ». Et puis Sylvain décide à son tour de s’offrir du bon temps hors des sentiers battus. « Etonnamment, ça n’a pas foutu en l’air notre couple, bien au contraire. C’est comme si un poids s’était libéré, on est redevenu plus complices, plus détendus. »

Aujourd’hui, les deux concubins ont retrouvé une sorte d’équilibre. « Je ne dirais pas que tout est facile, sourit Sylvain. Mais ça m’a aidé à accepter qu’un couple est en constante évolution, que rien n’est jamais acquis. » Et le rôle de la capote dans tout ça ? « D’accord, on a dû faire le deuil d’un certain romantisme. Mais depuis, on continue de la mettre, ça nous permet de ne pas nous prendre la tête, et de ne pas demander constamment des comptes à l’autre. A la longue, ce serait devenu blessant de se remettre mutuellement en question. » Aux grands maux, les petits moyens : deux centièmes de millimètres en latex pour s’éviter des centaines de scènes de ménage, finalement ce n’est pas grand chose.

* Prénoms d’emprunt

Photo: Etienne Delacretaz